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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  Nº36, 3 septembre 2012  >  «Nous réclamons que les banques ne livrent plus de données d’employés» [Imprimer]

«Nous réclamons que les banques ne livrent plus de données d’employés»

Le Conseil fédéral a autorisé les banques de transmettre des données d’employés aux Etats-Unis. Le préposé fédéral à la protection des données, Hanspeter Thür*, intervient.

par Arthur Rutishauser

Le Ministère public de la Confédération a annoncé qu’il ne veut pas poursuivre pénalement la livraison des données d’employés. En êtes-vous d’accord?

Hanspeter Thür: En ce qui concerne l’appréciation au niveau du droit pénal du procureur général de la Confédération je n’ai rien à ajouter. Mais pour moi, l’affaire n’est absolument pas encore réglée.

Pourquoi?

A la fin de la semaine dernière, nous avons envoyé une lettre aux onze banques concernées. Nous leur avons révélé que nous procédons à un examen des faits pour vérifier si les données ont été transmises en toute légalité aux Etats-Unis. Jusqu’à ce que les résultats soient connus, nous exigeons des banques qu’elles ne livrent plus de données de leurs employés aux Etats-Unis, à moins qu’une procédure pénale soit en cours contre un collaborateur.

N’êtes-vous pas en retard? L’arrêté, qui permet la transmission des données, date du 4 avril.

Nous n’avons pas eu connaissance de cet arrêté du Conseil fédéral à l’avance. Donc nous l’avons seulement appris après la livraison des données aux Etats-Unis.

Comment cela?

Nous avons reçu de nombreuses plaintes des employés de banques et nous les avons conseillés juridiquement. Et en même temps, nous avons écrit aux banques concernées déjà début juillet et leur expliqué nos réserves juridiques. Le 26 juillet, nous avons de même écrit à l’Association suisse des banquiers et à l’Association des banquiers privés suisse et les avons engagées à faire comprendre à leurs membres qu’il faut appliquer la Loi fédérale sur la protection des données.

Toutefois, cela n’a pas été très efficace.

Nous avons pensé que l’on tient compte de nos réserves. Mais la semaine dernière après avoir appris que HSBC a pour la deuxième fois livré des données d’employés aux Etats-Unis, nous avons dû agir.

Qu’est-ce qui se passe maintenant?

Nous avons informé les banques qu’elles recevront au cours de cette semaine une liste complexe de questions. Elles devront indiquer les informations qu’elles ont livrées aux Etats-Unis et ce qui justifiaitune telle transmission. En plus, on doit garantir de ne plus transmettre de données tant que la conformité juridique de cette procédure ne sera pas établie.

Que faites-vous si les banques ne s’en occupent pas?

Nous avons la possibilité de demander des mesures provisionnelles au Tribunal administratif fédéral. Nous allons examiner cette mesure après avoir étudié les réponses.

Les banques font référence à l’arrêté du Conseil fédéral à les autoriser à livrer des données et en plus, à l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) qui recommande même aux banques de transmettre des données de collaborateurs.

Nous n’avons jusqu’à présent pas encore vu cet arrêté secret du Conseil fédéral. Selon l’information que nous avons reçue du Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales, on a expliqué clairement aux banques que l’examen de la responsabilité civile reste leur affaire. En l’état actuel de mes connaissances, l’arrêté du Conseil fédéral décharge les banques tout au plus du point de vue du droit pénal, mais pas sur le plan civil.

Qu’est-ce que cela veut dire?

J’ai de grands doutes concernant la légalité de la livraison des données des employés. Vous ne pouvez pas simplement abroger le droit en vigueur. En plus, on peut continuer de faire valoir des conclusions civiles. On n’a pas seule­ment transmis les courriels de responsables, mais aussi les noms de personnes n’ayant rien ou très peu à faire avec les affaires américaines.

Les banques disent que ces personnes n’ont rien à craindre. Jusqu’à présent, seules les personnes ayant directement à faire avec le marché américain avaient été poursuivies.

Ce n’est pas tout à fait juste. Récemment, on a appris que même des adolescents avaient été retenus à leur arrivée aux Etats-Unis pour être interrogés. Même des gens non concernés ont été impliqués dans cette affaire. Pour cette raison, c’est mon devoir comme préposé fédéral à la protection des données de devenir actif. Et c’est pourquoi nous voulons maintenant vérifier les faits.

Protégez-vous ainsi aussi des gens qui ont aidé les fraudeurs fiscaux?

Pour être clair: Nous n’avons rien contre la transmission des documents de banques qui rendent publics leurs pratiques des affaires. Mais il est interdit de livrer des données de collaborateurs, aussi longtemps que la procédure pénale contre cette personne n’est pas établie. Quand les Etats-Unis veulent connaître les noms de personnes caviardés, car les documents donnent la raison pour une présomption de culpabilité suffisante, les USA peuvent réclamer les noms en présentant une demande d’entraide judiciaire. Une autre voie n’étant pas fondée sur le droit n’est pas acceptable.    •

Source: «Tages-Anzeiger» du 22/8/12
(Traduction Horizons et débats)

*    Hanspeter Thür, né en 1949 et avocat argovien, est dès 2001 le préposé fédéral à la protection des données. De 1987 à 1999, il a été Conseiller national des Verts et entre 1995 et 1997 le président de ce parti. Hanspeter Thür est un partisan déclaré du secret bancaire.