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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°34|35, 27 août 2012  >  Matthias Schlubeck – un exemple de courage de vie [Imprimer]

Matthias Schlubeck – un exemple de courage de vie

Le concert avec l’organiste Ludger Janning et le célèbre panflûtiste Matthias Schlubeck à l’église protestante d’Aadorf TG

par Urs Knoblauch, journaliste culturel, Fruthwilen TG

En l’église protestante d’Aadorf, le public a pu être témoin d’un concert impressionnant avec le flûtiste de Pan Matthias Schlubeck et l’organiste Ludger Janning. Déjà il y a 10 ans, ils avaient été ici en tant qu’invités. Dans la merveilleuse harmonie de la flûte de Pan et de l’accompagnement de piano ou d’orgue, le monde s’est ouvert au public enthousiaste. Dans ce programme varié et exigeant, la flûte de Pan s’est avérée magnifique comme instrument de concert classique par la virtuosité de Matthias Schlubeck. La flûte de Pan est l’un des plus anciens instruments du monde et on la trouve dans les formes, tailles et matériaux les plus divers. Elle a un lien fort avec les traditions de la musique folklorique dans les différents pays. En Roumanie et en Amérique latine, il existe une culture riche en musique pour la flûte de Pan.
L’organiste et pianiste Ludger Janning (1965) de Dortmund a étudié la musique d’Eglise dans les domaines de l’orgue, du piano et du hautbois et il est chargé de cours et a beaucoup de succès dans la musique d’Eglise. De sa coopération de longue date avec Matthias Schlubeck, résulte également des supports sonores.

Développer du courage et de la confiance en ses propres forces

Matthias Schlubeck, né en 1973 à Wuppertal, est actuellement l’un des joueurs de flûte de Pan les plus respectés et les meilleurs en Europe. Il s’est fait également un nom dans le monde entier avec ses concerts dans le domaine de l’interprétation des oeuvres classiques. Matthias Schlubeck a un handicap physique: Il est né sans avant-bras, ni mains, ni pieds. Son rayonnement humain et positif, sa musique et son comportement naturel sont si impressionnants qu’on ne remarque à peine son handicap. Avec son courage de vie admirable, sa joie d’apprendre et de découvrir, il est arrivé à acquérir des choses incroyables. Il est un symbole pour notre temps, où cette force vitale sera très demandée. Dès son jeune âge, il a réalisé des choses exemplaires et a développé des capacités excellentes. Comme enfant, il a appris de ses parents et de ses enseignants que les choses et les tâches nouvelles ne doivent jamais être considérées impossibles dès le début. Avec la confiance dans ses propres forces et en ses proches, ainsi qu’avec la capacité d’évaluer les nouvelles situations de manière réaliste et de trouver son propre chemin, s’est développées également la capacité de prise de décision et d’action en interaction humaine. Les parents ont réalisé très tôt que leur fils éveillé pourrait bien compenser son handicap et ils ne voulaient dans aucun cas l’envoyer à une école pour personnes handicapées. L’intégration naturelle en école ordinaire est heureusement aujourd’hui largement répandue et dans de nombreux cas, ces enfants se développent très bien sous une direction compétente.

La flûte de Pan a évolué en un instrument de concert

Avec cette conception de vie, de nombreuses voies sensées se sont offertes pour le développement de Matthias Schlubeck en tant qu’enfant et adolescent. Une grande chance pour lui étaient ses parents bienveillants et réalistes et un couple d’enseignants de flûte de Pan qui ont rendu possible, de manière sensible, l’encouragement précoce du jeune musicien pour cette instrument en bois traditionnel. Matthias Schlubeck a terminé ses études au conservatoire de Wuppertal, en «pédagogie instrumentale» et «examen de concert» avec de très bonnes notes et il est le premier musicien en Allemagne qui ait obtenu le «Bachelor of Music» en flûte de Pan. Il enseigne depuis 2010 la flûte de Pan comme matière principale à l’Institut de musique de l’Université d’Osnabrück.
Comme enfant, Matthias Schlubeck a également réussi avec le grand soutien de ses parents, à combiner le sport de compétition et la musique. Déjà tôt, il a commencé à nager comme sport de réhabilitation dans l’association sportive pour handicapés et il a gagné plus tard, à plusieurs reprises, des compétitions de natation internationales et a remporté des médailles d’or également comme champion paralympique. Ces compétitions impressionnantes vont bientôt avoir lieu de nouveau à Londres.
Matthias Schlubeck a élargi son activité de concertiste depuis son premier concert en 1990. Dans ses plus que 1000 concerts qui ont eu lieu en Europe, en Amérique du Sud et aux Etats-Unis, il a développé de nouvelles combinaisons orchestrales avec harpe, orgue, piano et orchestres entiers dans des grandes salles de concert à travers le monde. Depuis 2008, il enseigne également à sa propre académie de musique «Alte Mühle Bellersen» dans un magnifique environnement, avec des chambres d’hôtes, et où ont lieu également des cours de musique, des séminaires, des manifestations et des concerts. (www.-musikakademie-bellersen.de ou www.schlubeck.com). Les cours de Matthias Schlubeck sont très fréquentés. Pour les enfants, il s’engage également en faveur de flûtes de Pan adaptées et un enseignement de bonne qualité. Assister à un concert, ou avoir le plaisir d’écouter un CD (par exemple, «La flûte de Pan magique» de W. A. Mozart avec Matthias Schlubeck et la «Rumänische Staatsphilharmonie Transsylvanien») sera pour tous une grande expérience, un encouragement, un symbole et un exemple de courage de vie.

Horizons et débats: Quand on s’occupe un peu de vos oeuvres et activités musicales et sportives remarquables et de votre biographie, on est très impressionné par votre courage de vie exemplaire, de votre esprit pionnier, de votre activisme et de votre développement dans l’ensemble. Au fait, comment cela a commencé, M. Schlubeck, avec vos parents, quels ont été les premiers pas?

Matthias Schlubeck: Mes parents ont joué un rôle majeur. Ils m’ont encouragé et en même temps, ils m’ont laissé faire, c’est-à-dire, ils m’ont donc laissé la possibilité d’expérimenter et de tester mes limites sans dire: «Cela ne va pas!» Ceci est certainement très important, surtout quand on a un certain handicap. Il faut bien sûr aussi un certain activisme. Je pense que l’attrait de l’aventure meurt rapidement s’il est toujours restreint et si les idées ne sont pas soutenues. Pour cette raison, il a été important que je’ai pu faire des expériences dans divers domaines, non seulement dans celui de la musique. Dès mon enfance, on m’a laissé jouer dehors avec les autres enfants, grimper aux arbres, mes parents avaient parfois certainement peur, mais ils m’ont laissé faire. Donc je pense, qu’il est très important de voir soi-même quel chemin on peut aller et quels chemins on peut ouvrir soi-même là où d’autres pensent peut-être «qu’il faut juste le faire de telle et de telle manière». J’ai dû chercher dès le début différentes voies et cela concerne divers domaines de la vie, bien sûr également la musique.

J’ai remarqué que l’atmosphère dans votre enfance n’était pas de dire tout de suite: «C’est impossible», mais il y avait une sincérité et un plaisir de découvrir d’essayer et de développer soi-même. Les parents étaient apparemment pleins de sollicitude et en même temps réalistes et encourageants. Ainsi vous avez pu découvrir la flûte de Pan. Les parents se plient souvent en quatre, sont trop soucieux et barrent des chemins qui seraient précieux pour le développement de l’enfant. C’est évident que vos professeurs ont joué un rôle important; c’était un couple de professeurs qui était très important pour vous.

C’est ainsi que je suis allé à l’âge de quatre ans à l’école de musique, une succursale de l’école de musique de Wuppertal, qui était dirigée par ce couple de professeurs qui y enseignait aussi. J’y ai commencé mon éducation musicale précoce et j’ai participé tout naturellement à tous les cours qui ont été offerts pendant six ans. C’est l’âge, où l’on commence la flûte à bec qui est le standard pour l’éducation musicale précoce. Mais pour moi, ce n’était pas possible de jouer la flûte à bec. Il fallait de la sincérité pour la recherche d’un instrument pour moi. C’était très important. Ce couple de professeurs avait une grande collection privée d’instruments de musique avec des instruments de divers peuples, c’est-à-dire des instruments folkloriques du monde entier. Sans cesse je retournais dans cette collection avec mes parents et j’essayais toutes sortes d’instruments. Avec la flûte de Pan j’ai obtenu immédiatement un ton. C’était une petite flûte de Pan de la Nouvelle-Guinée avec trois tuyaux et cela fut le début. Auparavant, j’avais aussi essayé des instruments de percussion, mais je les ai vite abandonnés. Ce n’était pas facile avec la flûte de Pan, mais au long des cours avec Erich zur Eck j’ai trouvé du plaisir. En ce temps-là, il n’y avait pas d’informations concernant les flûtes de Pan, il n’y avait pas d’instruments et pas non plus de documentations. C’était très dur dès le début, mais par le grand engagement du couple de professeurs et des parents nous avons réussi au long des années. Le professeur était toujours quelques leçons en avance pour m’enseigner ensuite; plus tard il devait prendre la flûte à bec. Voilà, c’était le début.

C’est très impressionant. Plus tard, vous avez eu des différents panflûtistes internationalement célèbres comme professeurs. Comment avez-vous trouvé votre propre chemin de la musique classique ou – comme ici – cette collaboration avec l’orgue?

J’ai grandi avec la musique classique. Ma mère jouait de la musique classique avec son violon, nous faisions regulièrement nos quatuors à cordes et nos concerts à domicile. Mon enseignement musical était également orienté vers la musique classique et baroque. J’ai grandi donc dès le premier moment avec cette musique et je ne suis absolument pas venu par la voie traditionelle de la flûte de Pan. Cela était certainement un avantage, car ainsi, on n’est pas déterminé dès le début au genre traditionel de la flûte de Pan. Donc, j’ai pu trouver mon chemin, et moi, je n’était pas le seul qui faisait de la musique classique. Mais il s’agit quand même d’une longue évolution, qui a commencé 30 ou 40 ans auparavant, et je trouve passionnant de jouer l’un des instruments les plus anciens, mais qui est très jeune dans la musique classique. Il n’y a aucune œuvre originale pour flûte de Pan en musique classique, cela est vrai aussi pour la littérature et la technique, dans ces domaines, on peut découvrir de nouvelles choses. Et plus généralement, on a des possibilités incroyablement nombreuses dans tous les domaines de la musique avec la flûte de Pan. C’est un instrument passionnant.

Votre musique est émotionnellement forte en expression, directe et relie les peuples. Par la diversité des origines culturelles de l’instrument et par le respect envers d’autres cultures, votre musique touche l’humanité et apporte une contribution à la paix, surtout dans nos temps de guerre et d’injustice.

Oui, je pense que la musique relie généralement les peuples, je me réfère non seulement à la flûte de Pan. Le type de flûte de Pan et la façon dont elle est interprétée ici en Suisse viennent traditionnellement de Roumanie, pays très lié à la musique. Je touve intéressant de mettre la musique et cet instrument dans un contexte culturel différent. Ce qui est certainement une grande force de la flûte de Pan, c’est qu’elle peut s’adresser directement aux gens, car elle ressemble au chant et les tons produits sont très francs. C’est probablement aussi la raison pour laquelle elle plaît aux gens de toutes les cultures et pour laquelle elle a également un grand succès en musique populaire ici, en Europe de l’Ouest, comme par exemple avec les airs de berger et les liens latino-américains. On doit profiter des points forts de la flûte de Pan, et souvent, il y a de nouvelles possibilités et intérprétations qui s’ouvrent pour l’enseignement scolaire.

Que voudriez-vous conseiller aux enfants et aux jeunes à notre époque? Comment peuvent-ils développer le courage de vie, l’esprit d’apprentissage et de recherche nécessaires que vous incarnez? «Croire à la réalisation de quelque chose qui était auparavant inconcevable» et apporter une contribution pour le bien de l’humanité, c’est ce sens dans la vie ainsi que le courage de vie que l’on doit développer. Cela est désicif à notre époque.

Je pense qu’il est très important de chercher ses points forts et d’en prendre conscience. Ainsi, on peut trouver peut-être une voie professionelle. Je pense que beaucoup de chemins possibles sont trop fortement déterminés et donc, beaucoup de perspectives se perdent. J’ai eu la chance d’avoir eu beaucoup de soutien. Ce n’est pas évident. J’exerce cette profession depuis un temps relativement long et je resens toujours beaucoup de joie. C’est un privilège de pouvoir travailler dans ce domaine.

Monsieur Schlubeck, nous vous remercions cordialement de cette interview.