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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°13, 2 avril 2012  >  «La France et l’Allemagne face à l’Union européenne» [Imprimer]

«La France et l’Allemagne face à l’Union européenne»

Fin janvier 2012, a eu lieu à l’Université Paris 8, Saint-Denis, un congrès consacré au sujet «La France et l’Allemagne face à l’Union européenne». Les organisateurs étaient le «Comité souveraineté nationale» sous la direction d’Alain Bournazel ainsi que Zeit-Fragen/Horizons et débats.
hg. Après les souhaits de bienvenue d’Alain Bournazel et du représentant de Zeit-Fragen/Horizons et débats, Jean-Luc Schaffhauser, délégué général de la Fondation Capec et président de l’Académie européenne prit la parole. Il parla sur le thème «Kann es ein deutsches Europa geben?» (Une Europe allemande serait-elle possible?).

Actuellement nous travaillons pour les banques

Schaffhauser a commencé son intervention en se référant à l’unité de l’Europe telle qu’elle fut pensée par Charlemagne en tant qu’idée universelle de la chrétienté sur le plan culturel, intellectuel et politique. En comparaison, l’UE actuelle avec ses institutions dès le début purement économiques représente un projet perverti qui ne tient nullement compte de la multitude et des particularités des peuples. Autrefois, nous avions une économie sociale de marché: l’économie travailla en faveur de la société, en faveur des êtres humains. La politique publique fut la force régulatrice du bien commun. Il s’agissait du bien-être de tous. Aujourd’hui nous travaillons pour les banques. La politique libérale s’oppose idéologiquement à toute correction.
Tant que les pays individuels disposèrent de la souveraineté monétaire, ils furent en mesure de compenser les fluctuations de leurs économies nationales en réévaluant et dévaluant leur monnaie. Depuis l’introduction de l’euro cette possibilité n’existe plus et les écarts entre les économies nationales se sont aggravées. L’Allemagne en a profité et a pu maintenir son niveau de salaires et d’inflation. De plus, elle dispose, grâce à son industrie traditionnelle, d’un avantage concurrenciel. 85% des bénéfices allemands se font à l’intérieur de l’UE. Les excédents d’exportations font les déficits des autres pays de l’UE: tandis que l’Allemagne exporte avant tout dans l’espace de l’euro, la France et l’Italie exportent beaucoup plus dans l’espace du dollar et dans d’autres pays. Ce modèle ne tient pas debout et provoque des ressentiments envers l’Allemagne. Quand les pays du Sud s’effondreront, l’Allemagne s’éffondrera également. On n’aurait pu maintenir ce système qu’en investissant les bénéfices du Nord dans le Sud, pour que le Sud soit capable d’exporter à son tour vers le Nord. Mais au lieu de cela, on a effectué des investissements erronés sur le plan de l’immobilier et des services, ce qui n’a pas amélioré la solvabilité de ces pays. Un tourisme-fantôme est devenu «vache sacrée».
Au lieu de maintenir cette optique purement libérale où la «liberté» prime sur la coopération, l’Allemagne devrait retrouver la solidarité. En outre, en Europe on devrait revenir au protectionnisme dans les pays individuels.

La dissolution de l’UE devrait se faire bientôt et de façon ordonnée

Roland Hureaux, essayiste, membre du comité scientifique de la Fondation Charles de Gaulle, a parlé au sujet «La monnaie unique, un problème culturel».
Chaque pays européen a son histoire, ses particularités linguistiques, culturelles, idéelles et économiques et sa mentalité. Par conséquent, les économies nationales se construisent de manière différente. Selon Hureaux, avant l’introduction de l’euro, les différences des économies nationales ont toujours pu être égalisées par les cours du change. Madame Thatcher par exemple a rendu possible l’essor économique de son pays en dévaluant la livre sterling et non pas en premier lieu en libéralisant l’économie. Les monnaies nationales et leurs cours du change servaient en plus de signaux d’alarme fiables en ce qui concerne l’endettement d’un pays.
Puis on introduisit l’euro en promettant d’harmoniser l’économie européenne. Ce fut le contraire qui fut le cas. L’écart entre les pays s’est aggravé. Pendant que l’Allemagne accuse un taux d’inflation de 5 à 6%, en Espagne il se situe à 20 à 30% et en Grèce à 50%.
Une autre conséquence de l’intégration européenne se manifeste dans le fait que l’intérêt de connaître les Etats voisins diminue, avant tout dans le domaine de la langue et de la culture. Aujourd’hui, on fait moins d’efforts d’apprendre l’allemand et le français, et l’on se rend moins visite. Par contre on va en Chine ou dans d’autres pays éloignés, et l’on apprend l’anglais. Aujourd’hui on attise les animosités au lieu d’encou­rager les connaissances linguistiques et culturelles, a déclaré Hureaux. En encourageant l’apprentissage de l’anglais, on dérangerait entre autre aussi l’amitié franco-allemande. L’UE irait dans le fond à l’encontre d’une coopération franco-allemande. Hureaux se montre en colère que le Portugal, l’Italie l’Irlande, la Grèce et l’Espagne soient désignés comme des pays PIGS. Par son indignation et en exigeant que les relations au sein de l’UE se doivent de reposer sur le respect mutuel, il a dit tout haut ce que les auditeurs pensent tout bas.
La dissolution de l’UE devrait intervenir bientôt et de façon ordonnée. Il faut re­trouver la reconnaissance des différences qui se basent sur la réalité des cultures, sur le respect et non pas sur le mépris. Les vrais Européens, c’est nous, qui nous engageons pour une Europe des patries.

Non à l’empire mondial

Nicolas Stoquer a parlé sur le thème «Les relations franco-allemandes, pour quelle France et pour quelle Allemagne?»
Le centralisme de l’UE se construirait d’après le modèle du Saint-Empire romain germanique avec son Empereur. Les forces qui construisent l’UE ne veulent dans le fond pas l’Europe mais un Empire mondial. Stoquer y oppose l’Europe des patries avec le moteur franco-allemand telle que le général de Gaulle l’avait visée. Le gaullisme ne serait pas un mouvement antieuropéen. Il s’agissait d’une Europe des patries, sans présidence mais avec des structures démocratiques et le respect de l’identité des autres. La Suisse avec sa démocratie directe serait un exemple important. Comme elle est construite de façon démocratique, le respect mutuel existe, a déclaré Stoquer.

L’euro-dictature de Goldman-Sachs

Jürgen Elsässer, écrivain et rédacteur en chef du magazine Compact, s’est prononcé sur le thème «L’euro-dictature de Goldman Sachs face à l’axe Paris-Berlin-Moscou».
Au début, Elsässer s’est référé à ce qui a été dit en déclarant que le danger était grand que l’euro détruise l’Europe. C’est pour cette raison que les souverainistes doivent coopérer. La politique allemande, les excédents d’exportation et le capital allemand ne seraient pas le vrai problème. Le moteur de la destruction est le capital financier international. Avant l’euro les pays allaient mieux. Nous devons revenir à l’état précédent.
Il dit avoir perçu dans l’intervention de Schaffhauser le souci que l’Allemagne puisse utiliser les excédents d’exportation pour ­acheter d’autres pays. Ce danger ne serait cependant pas si grand, ce qui se montrerait dans la relation entre l’Allemagne et la Russie. C’est le gouvernement allemand qui soutient le plus Putin. Les excédents de l’Allemagne s’investissent en Russie et sont utilisés sous le commando russe pour le développement de la Russie. Tout reste sous contrôle russe. Selon Elsässer l’ancienne attitude allemande, qui fut particulièrement prononcée pendant la Seconde guerre mondiale, a disparu au sein de l’élite politique allemande. Si quand même des restes de l’animosité germano-russe persistent, ce sont-là des groupes liés aux USA. On pourrait prendre l’exemple de la Russie pour une Europe des patries: Mettre à disposition les excédents des exportations aux pays plus faibles, sans prétentions impérialistes ni néocolonialistes. Trois points, sont centraux pour l’Europe selon Elsässer: Elle devrait être une Europe des patries. Elle devrait être d’orientation continentale (eurasienne) et non globale. Il faudrait penser de façon transcontinentale et non transatlantique.
Au début de son intervention Elsässer a montré comment la banque privée américaine Goldman-Sachs depuis 2000/2001 a manœuvré la Grèce dans une crise de la dette tout en encaissant d’énormes bénéfices.
Actuellement Goldman-Sachs a placé ses agents aux comités directeurs de la Banque centrale européenne et du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Goldman-Sachs et l’oligarchie financière anglo-saxonne ne veulent pas détruire l’euro mais l’utiliser comme une «machine à traire» pour empocher le capital de l’Europe continentale. D’après le projet Merkel les Grecs, les Espagnols et les Italiens devront se serrer la ceinture encore davantage avant de recevoir de l’aide du Fonds européen de stabilité financière. D’après le projet Sarkozy, l’aide financière serait accordée avant de mettre en place des mesures de rigueur. Les deux projets abolissent la souveraineté nationale au profit d’une dictature économique de l’UE.
«Les deux modèles aboutiront à une dictature, à une espèce d’UERSS. Celle-ci se distingue de l’URSS historique en ce qu’elle ne repose pas sur une base socialiste mais sur le capitalisme financier et que son centre de commandement ne se trouve pas au Kremlin mais à Wall Street et à la City of London», insiste Elsässer.
Mais tout cela, ni le peuple allemand ni l’industrie allemande authentique ni les grandes et moyennes entreprises familiales ne le veulent. Il faut revenir à l’Europe des patries d’avant le Traité de Maastricht de 1991, telle que De Gaulle et Adenauer l’avaient conçue à l’origine.
«En bref: La communauté européenne au lieu de l’Union européenne, une orientation eurasienne au lieu de l’orientation euro-atlantique et le souverainisme au lieu du globalisme, c’est la conclusion d’Elsässer.

«Le rôle des PME dans la démocratie»

Eike Hamer, éditeur du magazine Wirtschaft aktuell s’est penché sur le thème: Die Rolle des Mittelstandes in der Demokratie (Le rôle des PME dans la démocratie).
Les petites et moyennes entreprises familiales, les PME, le «Mittelstand» en tant que pilier de la société, sont les moteurs de nos économies nationales, en Allemagne par exemple, elles mettent à disposition 80% des emplois du marché libre et génèrent plus de 80% des recettes nettes de l’Etat. Elles représentent ainsi une base importante de la démocratie. Pour remplir leur devoir comme unité la plus novatrice de l’économie, les petites et moyennes entreprises ont besoin de liberté d’entreprise et d’un cadre juridique fiable dans un système décentralisé. Un des exemples les plus positifs, est la Suisse, a déclaré Hamer.
Le «Mittelstand» a besoin d’un Etat mesuré, qui n’intervient pas trop peu, mais surtout pas trop. Dans l’UE l’Etat s’agrandit pourtant de plus en plus à la charge des citoyens en limitant la liberté personnelle, en surchargeant les PME de bureaucratie qui leur enlève les moyens dont ils ont besoin pour leur croissance. Le Mécanisme européen de stabilité (MES) est une nouvelle dimension de cette tutelle. Les droits de participation démocratiques sont éliminés, les désirs d’un large éventail de la population ne jouent plus aucun rôle dans leurs décisions. L’UE s’élargit en permanence, renforce les charges financières et repousse ainsi automatiquement le «Mittelstand». Par conséquent la prospérité diminue étant donné que le «Mittelstand» est le moteur de l’économie.
En Europe, nous sommes tous logés à la même enseigne: Les puissances du capitalisme international nous mettent sous tutelle et les fonctionnaires de l’Etat veulent nous contrôler. Les deux sont des systèmes hiérarchiques et très centralisés. Mais le «Mittelstand» a cependant besoin de systèmes décentralisés, semblables au modèle suisse. Il faut une Europe des patries (avec la souveraineté monétaire), qui coopèrent en partenaires, qui laissent assez d’espace libre aux êtres humains et assurent les conditions adéquates pour les PME. Ainsi un miracle éco­nomique pourrait être mis en marche, semblable à celui des années 1950 et 1960 dans l’économie sociale de marché sous Ludwig Erhard.

Revitaliser les communes

Henriette Hanke Güttinger, historienne et psychologue a parlé sur le thème Pour en finir avec le carcan de l’UE: Revitaliser les communes en encourageant les citoyens à s’engager. (cf. l’article ci-dessus reproduit l’intervention dans son intégralité).
Alain Bournazel a conclu le congrès de la façon suivante:
Ce congrès a montré que le dialogue entre les différentes nations est facile lorsqu’on partage les mêmes valeurs. Le contact entre les groupements et disciplines et très simple à nouer.
La nationalité domine, les nations ne disparaissent pas, elles vivent.
Lors de ce congrès, la volonté s’est manifestée de sortir de l’UE avec ses institutions supranationales rigides et ses mécanismes pervers. Une classe de bureaucrates s’arroge d’imposer ses décisions aux pays. A l’échelle nationale l’UE fait effet d’un carcan extrêmement étroit. Ce monstre nous enlève l’air pour respirer.
L’UE n’encourage pas la paix. En réalité elle est une source de conflits incessants.
L’adhésion à l’UE est à une servitude volontaire qui peut être annulée. La vo-
lonté des citoyens de sortir de ce carcan existe. Il s’agit de rendre cette volonté aux citoyens. Celle-ci doit primer cette organisation.
Dans les pays européens existent des déficits démocratiques. Pour cette raison, il y a l’exigence d’introduire les instruments de la démocratie directe: le référendum et l’initiative populaire.
La Suisse en tant que pays qui n’est pas membre de l’UE est à envier. Elle a un privilège: L’être humain peut respirer et vivre. La Suisse comme nation de par sa volonté repose sur la base du respect des particula­rités des autres, du respect des quatre langues nationales et de leur culture. Les intervenants sont d’accord que la Suisse pourrait être un modèle pour l’Europe.
Dans une Europe des patries telle que le général de Gaulle l’a demandée par exemple, il n’y a pas de contradiction entre la nation, le patriotisme et la volonté de coopération. Les pays ne sont ni isolés ni ne se retirent dans leur cocon. Tout au contraire chacun se développe grâce à la coopération et la controverse. Les nations les plus diverses respectent leurs différences et leurs identités dans la coopération libre, dans le respect mutuel. Ce qui unit les êtres humains de différents pays: Nous voulons des citoyens responsables et une solidarité internationale.
Le congrès a montré à quel point un échange fondamental et soigneux à l’échelle des citoyens peut être important et fructueux entre les différents pays s’il a lieu sur la base du respect mutuel.
Pour en finir avec le carcan de l’UE – revitaliser les communes en encourageant les citoyens à s’engager.     •