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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°11/12, 30 mars 2009  >  «Des allures de grande puissance prises par le ministre allemand des Finances» [Imprimer]

«Des allures de grande puissance prises par le ministre allemand des Finances»

 Des voix helvétiques à propos des attaques récentes contre la Suisse

thk. Les attaques allemandes, menées par Peer Steinbrück et Franz Müntefering et soutenues par Angela Merkel, ont atteint de nouveaux sommets la semaine dernière. Il ne s’agissait pas du tout d’une critique objective, ni de dialogue constructif, mais bien d’une tentative d’intimidation, dont le verbe rappelait les heures sombres de l’histoire de l’Allemagne. Steinbrück menaçait avec la «cavalerie», qui devrait se mettre en marche. Müntefering fut plus concret, en affirmant qu’«auparavant ont aurait, dans un cas pareil, envoyé des soldats. Mais ces temps sont passés».
Il s’agit incontestablement d’une menace, même si elle est voilée. Le commentaire de Steinbrück qu’«il se passait enfin quelque chose» montre l’état d’esprit régnant. Son affirmation «Il n’y a jamais eu de liste noire; ce ne fut qu’un moyen de semer la peur, voire l’effroi chez les Indiens» relève d’une infraction pénale, car qui sème la crainte et l’effroi est passible de dénonciation et doit être puni.
Crainte et effroi («Shock and Awe») étaient aussi la stratégie des Etats-Unis lors des bombardements de la Yougoslavie et de l’Irak, détruisant tout sur leur passage. Et l’on a affaire à la même mentalité lorsque, après coup, on fait semblant d’être étonné et qu’on joue les innocents.
Heureusement que le gouvernement suisse n’a pas hésité à répondre. La Conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey eut une réaction rapide, en citant l’ambassadeur allemand dans son département des Affaires étrangères, pour lui signifier la désapprobation du pays: «Ces expressions sont inacceptables, agressives et insultantes.» Les critiques fusèrent également lors du débat au Conseil national, le 18 mars. Le conseiller national du parti démocrate-chrétien (PDC), Thomas Müller, mit le doigt sur la plaie lorsqu’il exprima son impression, laissée par le comportement de Steinbrück, que cela rappelait «cette génération d’Allemands qui défilaient dans les rues, il y a soixante ans, en manteau de cuir, bottes et brassards.» Mais l’on a aussi entendu des critiques en provenance d’autres partis: Gabi Huber, cheffe du groupe parlementaire radical-démocratique (PRD), a estimé que «les allures de grande puissance du ministre allemand des Finances étaient insupportables». Le conseiller national Hans Fehr, du parti de l’Union démocratique du centre (UDC), a insisté auprès du Conseil fédéral: «Partez en contre-attaque.» Le chef du groupe parlementaire du nouveau parti bourgeois (BDP), Hans Grunder, a considéré que les attaques venues de l’étranger se situaient au-dessous de la ceinture. Pour Daniel Vischer, du parti des Verts, Steinbrück n’a pas vraiment «socialement parlant, l’authenticité voulue pour pouvoir attaquer la Suisse.» Même le chef du parti socialiste (PS), Christian Levrat, connu pour être plutôt compréhensif, a estimé que les propos de son camarade allemand dépassaient les bornes en les qualifiant d’«inacceptables». Dans une lettre adressée au parti socialiste allemand, il a usé des termes suivants: «Toutes les limites sont là dépassées.» Il a qualifié ce fait de «pure arrogance» et «d’absence totale d’honnêteté politique». Daniel Vischer n’a montré aucune pitié pour le ministre allemand des Finances qui s’était plaint d’avoir reçu de Suisse des prétendues lettres de menaces, il s’en est même moqué: «C’est ridicule de mettre ce fait en avant, car chacun reçoit, une fois ou l’autre, une lettre de menace. Mais il est vrai que Steinbrück est un politicien allemand très moyen.»

***

Les lettres de lecteurs paraissant dans les journaux suisses montrent à l’évidence qu’il y a rejet du comportement du ministre allemand des Finances. Ce qui hérisse, ce n’est pas seulement le langage acerbe utilisé, mais toute l’attitude ainsi révélée, qui n’a pas sa place dans le concert international. C’est une attitude qui rappelle des temps obscurs de l’histoire, à commencer par l’impérialisme du XIXe siècle pour atteindre leur sommet lors du «Troisième Reich.»
Face à de telles attaques, il faut resserrer les rangs. On ne peut admettre une pareille façon d’agir dans les relations entre Etats. Mais en même temps, nous devons aussi nous poser la question de savoir de quoi il s’agit vraiment dans cette affaire. Il n’est pas imaginable que le secret bancaire soit la seule raison de tels propos. La Suisse ne se contente pas seulement de mettre en réserve l’argent des épargnants; elle a aussi d’autres atouts qui peuvent intéresser d’autres Etats.
On a vite fait de relativiser l’affirmation de bien des politiciens que «la Suisse est entourée d’amis.» Le fait que notre voisin appartient à une alliance de guerre devrait nous faire réfléchir.    •