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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2015  >  N° 23, 14 septembre 2015  >  Une part d’histoire culturelle suisse [Imprimer]

Une part d’histoire culturelle suisse

L’importance du musée en plein air de Ballenberg pour la Suisse d’aujourd’hui

par Thomas Kaiser

Lorsqu’on visite le musée en plein air au Ballenberg, on vit un moment impressionnant et à long terme. Ce moment est d’autant plus fort le 1er-Août. Les discours prononcés dans un ensemble culturel helvétique renforcent ce caractère imposant qui nous traverse l’âme – c’est ce que nous avons vécu cette année. Le musée de Ballenberg n’est pas une «Suisse miniature», mais sur une surface de 66 ha le visiteur reçoit une impression de l’art de la construction et de l’artisanat traditionnel des Confédérés au cours des presque derniers 700 ans.1 Respect et profonde estime obligent devant les résultats de nos ancêtres.
La plus ancienne maison présentée vient du canton de Schwyz et fêtera prochainement ses 700 ans.1 C’est une réussite qui incite à un grand respect pour nos ancêtres. Lorsqu’on prend le temps de visiter les maisons paysannes et d’habitation des différentes époques de l’histoire et des différentes parties du pays et engage intérieurement un retour dans ces temps, on comprend la diversité énorme de la Suisse, de son architecture et de l’habileté de la population. Ce qui est présenté sur un espace réduit répond de ce que le conseiller national Ruedi Lustenberger, président du comité de patronage du musée de plein air de Ballenberg, exprima dans son discours du 1er-Août: «Ici, sur cette surface de 66 ha on rencontre la Confédération dans sa diversité historique et culturelle. Chaque canton se retrouve dans au moins un objet de grande valeur historique. Chaque Suisse et chaque Suissesse se retrouve pour le moins dans l’un des objets. Pour ma part, j’ai encore connu la ferme d’Escholzmatter lorsqu’elle se trouvait dans sa place initiale. Ici, dans le musée de plein air, on se trouve à la maison et on est fier de l’histoire de sa région, de son canton et surtout de sa nation.»2

Il semble qu’on ait perdu la capacité d’une vue globale

On peut à peine imaginer, avec nos standards actuels et nos possibilités techniques, ce que les gens de l’époque avaient réalisé. Lorsqu’on construit aujourd’hui une maison ou une grange c’est très rarement pour cent ans ou deux cents, voire trois cents. Généralement, les maisons d’habitation, les bâtiments pour bureaux ou d’autres constructions modernes sont déjà démolis après 20, 30, ou 40 ans, du fait que les règlements d’utilisation ont été modifiés ou parce qu’on a utilisé des matériaux de construction qui se sont révélés avec le temps toxiques. Dans l’agriculture il faut souvent remplacer les vieilles étables, trop petites de quelques centimètres par rapport aux normes de l’UE. Il faut soit les détruire soit les modifier. On n’a plus une vue d’ensemble comme c’était le cas il y a trois cents ou quatre cents ans, tout doit aller très vite et ne durer que peu de temps. Ainsi, les générations suivantes ne pourront pas jouir d’un héritage de maisons si typiques et si bien entretenues.
Les bâtiments du Ballenberg furent démontés sur leur lieu d’origine, puis transportés à leur nouvelle destination pour être remontés soigneusement, ce qui nous permet, à nous visiteurs, de passer par de petits chemins d’un canton à l’autre et de jouir de près de la vue de cette architecture si diverse.

Ressentir l’esprit du passé

L’utilisation du matériel de construction montre que les maisons en bois tiennent aussi longtemps que celles en pierre. Le volume des maisons était il y a 300 ans semblable à celui d’aujourd’hui, exprimant une certaine aisance, bien que ne correspondant pas forcément à la situation d’aujourd’hui. A côté des fermes et des écuries, qui selon les régions se présentaient de façon fort différente quant à leur architecture, on constate que la cuisine et la pièce principale représentaient le centre. La vie quotidienne s’y déroulait. Selon l’époque c’était un poêle de faïence ou un feu ouvert qui réchauffait et servait en même temps à fumer les saucisses. On maintient encore aujourd’hui cette façon de conserver à Ballenberg et l’odeur de cette viande fumée aiguise l’appétit. Les autres chambres de la maison n’étaient pas chauffées, mais bénéficiaient de la chaleur montante. Le principe des portes ouvertes permet au visiteur de découvrir la façon de vivre d’antan. En pénétrant dans les pièces on croirait ressentir l’esprit de ce temps passé.
Pour survivre dans ces époques où régnaient la maladie et la pauvreté, il fallait être doté de capacités pratiques. On éprouve une certaine honte en observant les outils et instruments, construits alors sans machines et encore moins d’ordinateurs, nécessaires à la vie quotidienne. Plus de 45?000 objets y sont exposés. La collection de divers instruments spéciaux de qualité est un objet de parade. Elles appartiennent, par exemple, à Karl Rudolf, un artisan itinérant particulièrement apprécié pour ses capacités artisanales et propriétaire d’une série d’outils divers. Peu avant sa mort, en 1997, il remit quelques-uns de ses biens à Ballenberg, ce à quoi il tenait beaucoup.3

Ne pas se défaire des talents hérités

Les visiteurs peuvent, en plus de contempler les nombreux bâtiments et leurs installations intérieures, prendre connaissances des capacités artisanales d’alors. On y trouve, entre autre, une menuiserie, mais aussi une droguerie, et toutes sortes de raretés à admirer. Parfois, on peut se lancer soi-même dans une activité et tenter de travailler un morceau de bois ou un tissu. Il est sensé de ne pas oublier les capacités transmises, même dans notre époque de technique digitale, dépendant des capacités de chacun et chacune, de les entretenir et de les transmettre. Au cas où on serait privé d’électricité, pour quelque raison que ce soit, ou si d’autres sources d’énergie devenaient rares, alors toutes ses capacités seraient les bienvenues. On peut apprendre de la part des collaborateurs du musée de Ballenberg les détails concernant la nourriture, les boissons, la vie, la cuisine, etc. le tout expliqué sur place de façon exacte et particulièrement intéressante. Qu’il s’agisse de fumage de saucisses, du séchage de lin, de l’élevage de vers à soie, la fabrication de fromage, le recouvrement de toits de chaume, et bien d’autres choses, le savoir est immense. De même concernant l’architecture et l’âge des bâtiments, on peut en apprendre beaucoup grâce à cet enseignement.
En agriculture on utilise en partie des animaux au lieu de machines. Qu’il s’agisse de labourage ou de fanage avec les chevaux, Hermes Thöni, engagé dans l’équipe agricole du musée, explique de quoi il s’agit: «Il faut des animaux bien éduqués et énormément de patience pour s’attaquer à des activités difficiles, telle que le labourage … C’est un travail éprouvant pour les animaux. De plus, ce n’est pas facile du tout de tracer les sillons en veillant à ce qu’ils restent droits. Alors l’équipage doit se tenir harmonieusement.»4 Hermes Thöni apprécie énormément ce travail à la façon traditionnelle. Non seulement il est convaincu de la valeur des chevaux dans l’exploitation forestière, mais il apprécie aussi la vieille mécanique qui est plus facile à manier que les systèmes modernes à base d’ordinateurs.
L’élevage était dans la plupart des cas non seulement une richesse, mais aussi une nécessité vitale. Ici, il y a à peu près 250  animaux que les visiteurs peuvent observer. Ce sont surtout des races suisses, menacées de disparition. Ce qui a permis une étroite collaboration avec Pro specie rara. Ces animaux passent l’été à Ballenberg, en hiver ils rejoignent leurs propriétaires.

L’autonomie des communes permet des solutions proches des citoyens

Malgré une journée chargée, pleine d’impressions, on n’a pu voir qu’une partie de tout ce qu’il y a à visiter à Ballenberg. Ce n’est qu’un petit aspect de la variété culturelle de la Suisse traditionnelle qui peut être saisi en une journée et c’est une variété qui se reflète finalement dans l’organisation de la vie politique du pays. En fait partie en premier lieu le fédéralisme, ce que Ruedi Lustenberger a cité dans son discours du 1er-Août. Cette diversité a pu se développer du fait de la large souveraineté politique et culturelle des cantons. La large autonomie des communes permet de trouver des solutions proches des gens, ce qui permet aux populations de s’identifier et d’être satisfaites.
«Nous avons réussi à mettre en place un système avec ses propres valeurs et de créer une Suisse diverse et aux vastes couleurs, autrement dit: une réussite. Nous réunissons sur une petite surface quatre langues, une grande diversité culturelle et nous conservons une grande autonomie des communes et des régions. Notre succès est dû à notre façon de nous préoccuper de notre diversité, qui se modifie bien sûr au cours du temps. La Suisse se trouve sans cesse dans un processus d’intégration, depuis les premiers accords de la Confédération en 1291. Elle a parfaitement maîtrisé ce processus jusqu’à présent.5
Si la Suisse devait renoncer à ses particularités, telles que décrites ci-dessus, elle tomberait dans la médiocrité, comme l’a écrit Simon Geissbühler dans son livre «Die Schrumpfschweiz», ce qui ne la distinguerait plus des autres pays.6 Ce serait la fin d’un modèle unique en matière politique et culturelle et finalement démocratique. Dans nos temps de mondialisation, tant vantés, alors qu’il ne s’agit de rien d’autre que de liberté de commerce et de capitaux dans le monde entier, c’est la finance et son oligarchie qui décident de la politique à mener, ce ne sont plus des citoyens et citoyennes dans leurs pays respectifs. Tout est soumis aux besoins de la finance et de l’économie. Les humains n’apparaissent plus que comme un facteur économique condamné à consommer.

Maîtriser ensemble les tâches en suspens

En se promenant les yeux ouverts à Ballenberg on peut vivre d’autres événements. La vie des humains ne se réduit pas au profit maximum et aux besoins de l’économie. A l’origine il s’agissait de se nourrir et d’assurer sa survie, et non pas de s’en mettre plein les poches. Il était question de solidarité pour maîtriser les événements. Un des visiteurs raconta que, dans ses jeunes années, il devait aider, en été, à la fenaison, alors que ses camarades d’école pouvaient aller se baigner. Il en était consterné. Mais plus tard, en se remémorant, il avait dû changer d’avis, après avoir compris que ces travaux en commun avec ses frères et sœurs et avec les adultes, les prises des quatre heures en commun, de même que le chargement de la récolte l’avaient finalement contenté et rempli de fierté, ce qu’alors il n’avait pas voulu reconnaître. Ainsi la visite de Ballenberg permet de réveiller des souvenirs personnels, ce qui incite à réfléchir à sa condition actuelle. Béatrice Tobler qui travaille depuis 2012 au musée de Ballenberg et mène ad interim la direction scientifique s’exprime de la sorte: «La façon de vivre et la stratégie des humains des époques précédentes peuvent nous inspirer pour aujourd’hui et pour l’avenir. Je pense aux techniques artisanales et architecturales, mais aussi à notre façon de traiter les ressources. Les adages sont la résistance, Urban gardening, Recycling et l’entraide entre voisins.»7
Dans la mesure où on souhaite revivre la culture helvétique et resserrer les liens avec le pays et ses habitants, il faut visiter le musée de plein air de Ballenberg.    •

1    Edwin Huwyler: Schweizerisches Freilichtmuseum für ländliche Kultur, Bern 2008, p. 38
2    Ruedi Lustenberger: Discours du 1er Août 2015
3    Der Ballenberger 1/15 Jahreszeitschrift. p. 6ss.
4    op.cit. p. 15
5    Ruedi Lustenberger: Discours du 1er Août 2015
6    Simon Geissbühler: Die Schrumpfschweiz, 2014
7    Der Ballenberger 1/15 Revue annuelle. p. 4s.

Cela vaut la peine d’entreprendre une visite avec ses élèves. Dans la mesure où on voudrait vivre quelque chose de particulier, on n’a que le choix. Ainsi il y a des journées à thèmes pour les classes et les groupes, mais aussi des formations continues. Certaines journées consacrées à des thèmes permettent au visiteur de se replonger dans les temps anciens et d’acquérir des habiletés traditionnelles. On peut participer activement à la cuisson du pain, à tailler le bois et même à la construction de maisons. Pour de plus amples informations cf. www.ballenberg.ch