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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°24, 22 juin 2009  >  Plaidoyer pour de nouvelles priorités [Imprimer]

Plaidoyer pour de nouvelles priorités

par Gisbert Otto

On dénonce de plus en plus, même les dirigeants, les abus dont souffrent aujourd’hui les humains. Les prises de position proviennent de différents domaines mais leur teneur est toujours la même. Elle concerne la dignité de l’homme. On la bafoue dans le capitalisme de casino que l’on pratique avec zèle depuis 30 ans.

Vandana Shiva, militante écologiste indienne

Dans une interview au Spiegel Online, Vandana Shiva critique la folie consommatrice qui a des effets si destructeurs. «L’industrie automobile produit beaucoup trop de voi­tures. […] et les banques spéculent en permanence avec de nouveaux titres. Au lieu de corriger cela, on fait tout pour leur porter secours. C’est comme si un ballon avait un trou et que l’on continuait à souffler dedans. Mais un ballon abîmé reste un ballon abîmé.»
Cependant, pour elle, l’espoir d’un revirement ne repose pas entre les mains des gouvernements – ils sont trop lourds – mais dans celles des citoyens. «Ce sont les simples citoyens qui ont d’autres idées qui doivent s’investir en leur faveur», par exemple par le jardinage. «Le jardinage peut sauver le monde. Nous sommes arrivés à un point où il peut changer beaucoup de choses – aussi bien au niveau matériel qu’affectif et politique. Chacun devrait jardiner.» Quand on lui reproche sa naïveté, elle répond: «Ce n’est pas naïf, c’est ainsi que fonctionne notre planète. D’autres êtres vivants créent nos moyens d’existence, c’est pourquoi ils doivent être nos égaux. Ainsi les arbres nous donnent l’oxygène nécessaire à notre vie et ont un droit à l’eau. C’est bête et arrogant de dire que le sol, l’eau, l’air appartiennent à l’homme, car ainsi on détruit nos moyens de subsistance. Ce sont particulièrement les dirigeants qui disent cela. Ils nous ont apporté la crise actuelle.
A vrai dire, il n’y aurait pas moins de guerres si les femmes dirigeaient le monde. On pourrait avoir une centaine de Margaret Thatcher et on aurait davantage de guerres qu’à présent.» Les structures déterminent trop fortement ce qu’une personne fait dans une position donnée. Les femmes qui sont venues au pouvoir ne pouvaient rien y changer, mais les femmes de la base peuvent amener des changements parce que leur aptitude à se préoccuper de la question est plus développée. L’engagement des femmes est la force politique la plus importante que nous ayons en ce moment dans le monde.»

Rolf Dörig, président du conseil d’administration de «Swiss Life»

Swiss Life est l’assurance-vie la plus ancienne de Suisse, elle domine le marché de la prévoyance financière. Dans une interview à la Schweizerische Handelszeitung, Rolf Dörig plaide pour une économie qui redevienne entreprenante et vise des objectifs sociaux; la recherche de profit maximal ne suffit pas. «Nous avons besoin en premier lieu d’emplois en Suisse et nous devons produire ici. A la longue, c’est peu utile à notre pays que les plus grands groupes mondiaux se soient implantés ici. Ils ne font leurs profits que sur le marché des capitaux et leurs emplois sont à l’étranger. La Suisse doit mieux défendre les intérêts de son site économique et de production. Vis-à-vis de l’étranger, nous devrions nous affirmer avec beaucoup plus d’assurance comme une Suisse forte et indépendante. Je comprends mal que nous voulions adapter précipitamment les conditions cadres que nous avons développées pendant des décennies et jouer les écoliers modèles en manifestant une obéissance empressée uniquement parce que certains pays exercent maintenant de fortes pressions sur nous.» Prenons l’exemple du secret bancaire. «Il est inacceptable de se laisser mener par certaines grandes puissances. Ce n’est pas nécessaire. La Suisse doit retrouver plus de fierté.
Quand nous luttons pour notre place financière, nous ne combattons pas uniquement pour nos intérêts économiques mais aussi pour notre société, nos valeurs, nos emplois. Nous avons conclu des accords et nous nous attendons à ce qu’ils soient respectés par tout le monde. Nous devons de nouveau nous montrer plus fermes et défendre nos points de vue plus résolument.»

Jean-Claude Juncker, Premier ministre luxembourgeois

Dans une interview à l’hebdomadaire allemand Die Zeit, Jean-Claude Juncker critique la libéralisation: L’«Europe sociale» n’est plus qu’un slogan hypocrite. Nous avons un marché intérieur mais nous n’avons pas de règles sociales internes, de normes minimales, notamment. Ainsi, les contrats à durée indéterminée ne sont plus la règle.
«Telle est la situation. Mon père était métallurgiste et s’il avait dû craindre tous les six mois que son contrat de travail ne soit pas renouvelé, je ne serais jamais allé à l’université. La couche de glace de la civilisation sociale sur laquelle nous nous mouvons aujourd’hui est trop mince. Cela met en danger le modèle social européen. C’est pourquoi, je comprends tout à fait que ceux qui établissent un rapport entre l’Europe et leur feuille de paie soient frustrés.
Nous avons fait trop confiance à la doctrine de la libéralisation totale. Nous avons cru que le modèle anglo-saxon était facilement transposable à l’Europe. Quand j’ai averti que cela pourrait mal tourner, on s’est moqué de moi, on m’a taxé de romantisme ouvrier. […]
Les débats publics au sein de l’UE sont également devenus plus durs. Cela me dérange énormément de voir, après les Sommets, avec quelle forfanterie de nombreux gouvernements présentent à leur peuple ce qu’ils ont obtenu. Comme si on allait à Bruxelles pour vaincre les autres. On ne doit pas s’étonner si les citoyens se font une image complètement fausse de la politique européenne. Il n’y a pas dans l’UE de gagnants et de perdants, il ne doit pas y en avoir. Il existe beaucoup de petits compromis.»

Robert Zollitsch, archevêque et Président de la Conférence épiscopale allemande

Dans une interview à la radio allemande Deutschlandfunk, Robert Zollitsch a déclaré qu’il s’inquiétait vivement de la situation économique de beaucoup de travailleurs. Cependant, selon lui, notre détresse est encore relative: d’autres individus vont encore beaucoup plus mal, par exemple dans les pays en développement. «Mais j’espère que cette crise économique nous incitera à réfléchir et à nous rendre compte de quoi nous vivons réellement. Il y a d’autres valeurs que l’argent. Il ne s’agit pas seulement de faire des profits de 15 à 25% quand on place de l’argent, mais aussi de se demander pourquoi il vaut la peine de vivre. […] C’est la question du sens de la vie. […] Il s’agit de penser aux autres. Chrétiennement parlant, nous vivons […] de l’amour du prochain. Nous devons […] nous satisfaire de peu et penser aux autres. Nous ne devons pas vivre au détriment des pays pauvres.
Une économie de marché n’a de valeur pour nous que si elle est sociale, si on pense aux autres. Nous avons besoin de directives, de garde-fous dans le sens de la solidarité […]. Notre société ne doit pas devenir une société sans scrupules mais une société dans laquelle la majorité des individus se sentent soutenus.»    •

La lutte contre les semences génétiquement modifiées

go. Depuis quelques années, Vandana Shiva lutte en particulier contre le brevetage des semences par les multinationales. Les agriculteurs doivent acheter les semences génétiquement modifiées. Ainsi l’industrie globale tente par tous les moyens de rendre le monde dépendant de ses OGM. Des centaines de milliers de paysans indiens se sont déjà suicidés parce qu’ils ne pouvaient pas payer les dettes contractées pour les acheter.
Vandana Shiva a fondé en 1991 l’organisation Navdanya pour sauvegarder les semences de plantes nourricières traditionnelles. Elle rassemble et sauvegarde les variétés régionales et les cultive à Dehradun, dans le nord de l’Inde, au pied de l’Himalaya. La préservation et la transmission des méthodes de culture biologique qui protègent les paysans, approvisionnent la population en aliments de bonne qualité et renforcent les marchés locaux ont pu ainsi être de nouveau encouragées. Navdanya a créé 46 banques de semences dans toute l’Inde et a aidé jusqu’à présent, selon ses propres chiffres, environ 200 000 paysans.