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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°37/38, 16 décembre 2013  >  «Plan d’études 21»: diminution des connaissances dans le domaine des mathématiques [Imprimer]

«Plan d’études 21»: diminution des connaissances dans le domaine des mathématiques

par Marcellina et Robert Tauschke

Ci-dessous, nous allons analyser certaines parties centrales du projet du «Plan d’études 21». La première partie examine la réduction des performances dans le domaine du calcul (chapitre «Nombres et variables»). En annexe, nous présentons cette réduction de connaissances sous forme de tableau.
Dans une seconde partie, nous analysons la transformation totale de l’enseignement de la géométrie (chapitre «Formes et espace»). Celui-ci confronte d’une part les enfants de 4 à 8 ans à des thèmes ne correspondant nullement à leurs capacités de compréhension et d’autre part il néglige largement la qualité des cours de géométrie et de construction.
Puis, dans les encadrés ci-dessous, nous faisons deux remarques supplémentaires concernant l’arrière-plan idéologique et le manque d’une réelle harmonisation de ce projet de plan d’études.

Les parents, les écoles professionnelles, les entreprises formatrices ou les écoles de maturité attendent de l’école publique obligatoire qu’elle enseigne aux élèves des bases solides en mathématiques sur lesquelles on peut bâtir. Une de ces bases repose sur les quatre opérations que les enfants devraient nécessairement bien apprendre mentalement et par écrit au cours des six années d’école primaire. On attend un apprentissage solide et systématique, au cours duquel les élèves sont guidés étape par étape, par un enseignant formé pour cela au niveau de la méthode et de la didactique. Les parents pensent qu’on enseigne à tous les enfants la même chose. Les écoles de maturité et les entreprises doivent pouvoir compter sur des adolescents ayant appris toutes les connaissances de base.

Des manuels scolaires insuffisants

A l’heure d’aujourd’hui ce n’est pas toujours le cas. De moins en moins d’élèves maitrisent les quatre opérations. Un grand nombre ne sait plus guère calculer de manière sûre et de façon courante. Ils ne maitrisent ni les tables de multiplications ni les techniques de calcul par écrit. On ne transmet plus systématiquement les matières – pas à pas et avec suffisamment d’exercices. Une des raisons de la misère actuelle sont les manuels scolaires insuffisants et leur didactique dite «constructiviste». C’est suite à la formation et à la formation continue des enseignants que cette didactique se répand toujours davantage dans les écoles.

Pérennité des dysfonctionnements

Ce sont exactement ces dysfonctionnements actuels qui seront pérennisés dans toute la Suisse alémanique par le Plan d’études 21. Comparés aux plans d’études cantonaux actuels, on assiste à une nette diminution des objectifs et des contenus du projet de ce plan d’études et la conséquence en sera une réduction flagrante de l’enseignement.
Jusqu’à la fin de chaque cycle (cycle 1: 1re année de jardin d’enfants à la 2e classe primaire; cycle 2: 3e à la 6e classe; cycle 3 école secondaire: 7e à la 9e classe), on ne définit plus que les «attentes fondamentales» (objectifs minimaux) pour tous les élèves. Et ces «attentes» sont si faibles, qu’il est certain que le niveau actuel ne sera plus atteint.
Prenons un exemple: une des «attentes fondamentales» à la fin de la 2e classe est: «les élèves savent déterminer couramment la plupart des résultats des additions et soustractions entre 0 et 20.» (p. 12, 3.1c) Cela correspond à peine au programme de la 1re classe actuelle. En outre, on n’exige plus des élèves qu’ils sachent couramment additionner et soustraire dans le domaine de numération compris entre 0 et 100. La conséquence sera que les enfants ne sauront plus couramment additionner, soustraire, multiplier et diviser par écrit dans les classes suivantes. Sans avoir soigneusement appris le passage par la dizaine, les enfants ne maîtriseront jamais entièrement le calcul mental.

Il faut «connaître» mais pas «maîtriser» les tables des multiplications

Dans le projet du plan d’études, les tables des multiplications ont été éliminées dans les «attentes fondamentales» définies pour la fin de la 2e classe, elles peuvent donc aussi être introduites en 3e classe. Les élèves ne doivent plus que «connaître» les tables. Cela équivaut à ne pas les «maîtriser». On n’attend d’eux qu’ils «connaissent» de chaque table uniquement les multiplications par 2, 5 et 10. Une maîtrise complète des tables n’est plus exigée. Les divisions ne sont plus mentionnées (p. 12, 3.1c). Le fait est que si les enfants ne maîtrisent pas les résultats des tables de multiplications couramment, ils auront de la peine à multiplier et diviser par écrit dans les classes supérieures. Pour le calcul avec les fractions, ils n’auront pas non plus suffisamment de connaissances (p. ex. trouver le dénominateur commun).
Ce fiasco continuera au cours du cycle 2 (3e à 6e classe). On ne consolide pas l’apprentissage des tables de multiplications et l’étude des tables des dizaines n’est plus mentionnée. On ne prévoit plus d’apprendre, d’exercer et de consolider les multiplications et divisions par écrit! Au lieu de cela elles doivent être faites mentalement à l’aide de voies individuelles ou avec la calculatrice (p. 12, 3.2f). C’est-à-dire que les aptitudes et les procédés de calcul de base ne sont plus enseignés en vue de leur réelle maîtrise.
Au cours du cycle 2, on n’enseigne plus les valeurs des nombres décimaux de manière systématique. Après l’élargissement du domaine numérique de 0 à 1000 – ce qui jusqu’à présent était enseigné en 3e classe –, on élargit dans une prochaine étape le domaine de 0 à 1 000 000 – ce qui jusqu’à présent était enseigné en 6e classe. Suite à cette extension trop rapide du domaine de numération et sans étapes intermédiaires (4e classe: 10 000, 5e classe: 100 000, 6e classe 1 000 000) la plupart des élèves n’arrivent plus à suivre et ne peuvent pas développer une idée précise de la numération.

La calculatrice, seule technique de calcul

Le niveau extrêmement faible de ce projet de plan d’études s’avère dans ses «attentes fondamentales» à la fin de la 6e classe: «Les élèves savent effectuer les quatre opérations de base avec la calculatrice.» (p. 13, 3.2g) Actuellement, nous n’utilisons pas de calculatrices à l’école primaire. Avec de bonnes raisons, nous ne l’introduisons qu’au niveau secondaire. Il faut d’abord assurer les bases. Comment voulez-vous que des enfants sans bonne représentation du domaine de la numération et sans connaissances approfondies des principales opérations sachent reconnaître de grosses fautes de frappe sur leur calculatrice?
Selon ce projet de plan d’études, il résulte qu’à la fin des six premières années scolaires, de nombreux élèves n’auront pas appris les quatre opérations à l’école primaire (cf. tableau). Ils entrent dans le cycle 3 (7e à 9e classe) sans acquisition de ces notions!

Sans bases garanties au niveau secondaire

Il n’est donc pas étonnant qu’au niveau secondaire les élèves utilisent, pour résoudre même le plus simple des problèmes, leur calculatrice ou leur ordinateur. Pour les calculs des pourcentages, des puissances ou des racines, par exemple, on utilise la calculatrice: «[…] savent déterminer des pourcentages et des valeurs fondamentales» ou «[…] savent calculer des puissances et des racines avec la calculatrice (p. ex. 43x43 = 4096; 43+43 = 128)» (p. 13, 3.3j).

Au niveau secondaire, absence d’objectifs contraignants

Pour le niveau secondaire, le Plan d’études 21 ne mentionne dans plusieurs domaines aucune «attente fondamentale»! Cela signifie que les adolescents ne doivent plus atteindre des objectifs définis d’avance, jusqu’à la fin de la 9e classe, objectifs sur lesquels écoles et entreprises pourraient se fonder par la suite. Il en va de même pour le chapitre primordial, ce qui est choquant: «Les élèves savent additionner, soustraire, multiplier, diviser et élever la puissance d’un nombre.» (p. 12, 3)
Les contenus des soi-disant «objectifs élargis», conditions préalables pour les écoles de maturité et les formations professionnelles exigeantes se trouvent clairement en-dessous du niveau actuel.

Temps de vie gaspillé

Suite aux bases idéologiques (constructivisme) du Plan d’études 21, une bonne partie du temps d’apprentissage est gaspillé par l’apprentissage «autodirigé» dans des situations «en autonomie» de découverte. Au lieu d’être guidés de manière systématique et correspondant à tous les élèves, ceux-ci sont occupés à «trouver leurs propres solutions» dans des «problèmes ouverts» (p. 16, 1.1d), à «explorer des voies pour les opérations de base» (p. 16, 1.2f), reconnaître des structures» (p. 7), «formuler des suppositions» ou «s’embarquer dans des problèmes ouverts» (p. 16, 1.2f). C’est ainsi qu’on perd du temps de vie et d’apprentissage précieux. La plupart des enfants sont dépassés par une telle situation, car si l’on ne les guide pas continuellement avec finesse ,ils ne progressent pas. L’enseignant se transforme alors en «compagnon d’apprentissage» ou «coach» qui doit rester en dehors des activités d’apprentissage. Cette conception du plan d’études se trouve en opposition totale avec les acquis de la recherche moderne sur l’enseignement. Un enseignement effectif n’est possible que s’il est de bonne qualité et dirigé de manière structurée par un enseignant actif, exigeant et soutenant ses élèves. (cf. John Hattie, «Visible Learning»).

Pas d’égalité des chances

Le principal problème du Plan d’études 21 est l’individualisation systématique de l’enseignement: les bons élèves et les élèves disposant d’une aide à la maison avancent bien; les élèves plus lents, découragés ou rêveurs n’atteindront plus que les «attentes fondamentales» ou obtiendront même des «attentes réduites» (LP 21, «Aperçu et mode d’emploi», p. 7). Avec ce plan d’études, c’est le hasard (présence ou absence de soutien par les parents, de cours de soutien extrascolaires, de niveau d’intelligence de certains élèves) qui détermine le niveau d’avancement de chaque élève et des contenus à apprendre. L’écart entre les bons élèves et les faibles s’agrandira toujours davantage et il n’y aura plus qu’un petit nombre qui sera bon en mathématiques. La grande majorité des enfants et des adolescents ne saura que mal calculer ou échouera totalement. Ces conséquences sont en opposition totale au postulat de l’égalité des chances et de l’idée de base de l’école publique obligatoire.
La diminution massive des connaissances suite à ce nouveau plan d’études représente pour les écoles professionnelles, les entreprises formatrices et les écoles de maturité une perte de compétences des apprenants, déficit en augmentation à l’avenir. Cela posera à terme de sérieux problèmes pour l’économie suisse. Les plus concernés sont cependant les adolescents dont on aura fait perdre leurs précieuses années d’apprentissage scolaire. Les PME (petites et moyennes entreprises) aurons encore plus de peine qu’aujourd’hui à trouver des adolescents capables de faire un apprentissage exigeant de trois ou quatre ans. Vis-à-vis de la démocratie directe, cela engendrera le fait que la compétence générale des citoyens diminuera, ce qui aura des conséquences néfastes dans divers domaines et à divers niveaux de la communauté.     •

Source: www.kindgerechte-schule.ch du 26/11/13
(Traduction Horizons et débats)

Utilisation pour le Plan d’études 21 de modèles d’apprentissage qui ont échoué

La didactique sur laquelle se base ce plan d’étude et qui doit devenir obligatoire pour toute la Suisse, relie les modèles d’apprentissage qui ont échoué dans les écoles «libres» des années 1970/80 (apprentissage autodirigé, enseignement ouvert, pédagogie active) avec la philosophie systémique-constructiviste qui, dans sa forme la plus radicale, nie toute reconnaissance de la réalité et prétend que chaque personne construit sa propre réalité. On abandonne ainsi chaque élève à lui-même, étant donné qu’on lui refuse toutes directives systématiques.

Pas d’«harmonisation» avec le Plan d’études 21

Suite à l’introduction du nouveau plan d’études, de nombreux parents espèrent pouvoir à l’avenir déménager avec leurs enfants d’un canton à l’autre. Néanmoins, quand on examine le projet de plan d’études, on s’aperçoit tout de suite que cela sera encore plus difficile à l’avenir: 3 ou 4 années scolaires forment ensemble un «cycle», à l’intérieur duquel les performances des élèves peuvent varier de manière individuelle. Il n’y aura donc plus d’objectifs annuels! C’est-à-dire qu’avec ce plan d’études, il ne sera plus possible de savoir ce qu’un enfant doit avoir appris, par exemple, à la fin de la 4e classe. Ainsi, même un changement d’école à l’intérieur d’un canton ne pourra plus se faire sans problèmes.