Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°19, 3 juin 2013  >  Bourbaki? [Imprimer]

Bourbaki? – On se rappelle vaguement les leçons d’histoire: qu’est-ce qui s’était passé avec ce malheureux général Bourbaki et son armée encerclée par les armées prussiennes? N’était-ce pas la sécurité de la frontière suisse qui était menacée, n’était-ce pas la neutralité suisse qui se trouvait dans une épreuve de vérité? Quel défi organisationnel, lorsque ces cohortes pitoyables et interminables se déversèrent dans les vallées du Jura suisse! Ne parlait-on pas dans un manuel scolaire, d’étrangers logés dans les communes, des Français et des Africains qui ne comprenaient pas la langue allemande? Et finalement: la Suisse n’avait-elle pas accompli une magnifique œuvre d’amour du prochain qui couronna de la plus belle manière sa réputation de berceau de la Croix-Rouge et de Nation habitée d’hommes ayant un esprit humanitaire?
Mais à quoi bon s’occuper d’un événement qui date de plus de cent ans? En quoi les soldats Bourbaki nous concernent-ils aujourd’hui?
Avec ce livre, nous désirons éveiller à la vie une partie du passé et en même temps, bien sûr, également divertir. L’internement de l’armée de Bourbaki se révèle être un grand spectacle, un événement de l’amour du prochain tout comme un gigantesque problème d’organisation. La prise en compte de notre histoire peut cependant représenter davantage qu’une simple distraction. L’histoire, ce sont les expériences de nos grands-parents et de nos arrière-grands-parents à une époque qui était pour eux le présent. Cela exige la réflexion au-delà de notre propre présent, car celui-ci sera l’histoire pour nos enfants. Outre la comparaison historique, il y a encore un devoir éthique non-négligeable; l’étude de l’histoire peut devenir la conscience qui contrôle la politique actuelle.
Depuis plus de deux décennies la xénophobie, la peur des étrangers, occupe les débats publics, soit à cause du manque d’emplois, soit à cause de la peur d’abus dans le domaine de l’asile. On ne peut évidemment pas comparer à la légère l’internement de l’armée Bourbaki à la situation actuelle. La misère actuelle des réfugiés dans le monde est fondée sur des conditions totalement différentes. Mais une comparaison vaut toute fois la peine.
En 1871, les circonstances étaient tout à fait différents des circonstances actuelles: pour l’armée Bourbaki l’asile était un asile avec une fin prévisible. Avec l’accord de paix, les internés pouvaient retourner dans un Etat qui venait de se débarrasser de la monarchie et qui commençait à se développer en République. L’internement était lié à la condition que les coûts seraient pris en charge par la France. En outre, le général Herzog agissait, en dictant la convention du passage de la frontière, dans un état d’urgence. Il ne s’agissait pas seulement d’assurer la survie à cette armée qui se trouvait dans une misère effroyable mais aussi de sauvegarder l’intégrité du territoire suisse. La faible occupation de la frontière n’aurait jamais pu résister à une attaque des Français. Suite à une invasion française les troupes allemandes auraient réagi avec une poursuite et la Suisse serait devenue une zone de combats.
Mais il y avait aussi une différence dans l’esprit de sacrifice de la population civile. Sans elle, la gigantesque tâche d’approvisionner et de loger 87 000 soldats à bout de forces, n’aurait pas été possible. On s’est occupé des étrangers pour la plus grande partie avec compréhension pour leur situation, avec une compassion compréhensive et une curiosité bienveillante, ce qui créa les conditions pour des amitiés durables. La population prit part avec compassion au grand nombre de décès dus aux blessures et aux maladies. A l’heure des adieux, lorsque les internés rentrèrent dans leur pays, des poèmes dans les journaux,
des concerts et des fêtes populaires furent l’expression de la fraternité nouée entre temps. Pour nos oreilles, cela semble être des témoignages d’un autre monde.
Dans ce sens, notre livre sur l’asile des 87 000 soldats de l’armée Bourbaki représente une incitation. Nous n’offrons pas une étude finalisée mais une collection d’images et de textes qui se présentent avec de brèves explications et les sources les plus importantes. Nous serions heureux si ses témoignages n’éclairaient pas uniquement le passé mais incitaient aussi à la discussion. A partir de ce point, nous laissons aux lecteurs le soin de continuer à développer leurs réflexions entre les événements de 1871 et la mentalité des gens plus de 100 ans plus tard.

Peter R. Jezler, Elke Jezler, Peter Bosshard
Préface page 8, ISBN 3 7172 0343 6

(Traduction Horizons et débats)