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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°45, 22 novembre 2010  >  «Aucune nouvelle restriction de notre liberté» [Imprimer]

«Aucune nouvelle restriction de notre liberté»

Diverses communes refusent les «parcs naturels»

thk. La protection de la nature et son entretien sont, en Suisse, une évidence pour les individus conscients de leur responsabilité. On aura du mal à trouver quelqu’un qui ne partage pas cette opinion et c’est pourquoi notre pays a cette apparence: un envi­ronnement entretenu et soigné et une grande conscience du fait que ce paysage forme
le fondement de notre vie. Pour les per-
sonnes actives dans l’agriculture, il est clair qu’on ne doit en aucun cas détruire sa propre base vitale, ses terres, mais garantir sa préservation pour les prochaines générations. Aucun paysan ne pratique une exploitation abusive, finalement, c’est son plus grand capital.

La démocratie directe n’a pas besoin de «parc naturel»

C’est pourquoi il est d’autant plus absurde que des parcs naturels doivent être créés à travers toute la Suisse, afin de garantir la protection d’un paysage déjà contrôlé fortement par la protection de la nature et du paysage. Avec des termes positifs comme «protection de notre environnement», «vivre en commun», «relier les communes de parcs», «organiser soi-même son avenir» et d’autres – toutes ces expressions rappellent le jargon des ateliers du futur – une attitude fondamentale positive doit être produite chez le citoyen face à ces «parcs naturels».
Lorsqu’on y regarde de plus près, on constate que chez nous toutes ces exigences sont déjà remplies sans «parcs naturels», en particulier au niveau communal: La protection de notre nature a toujours été la grande préoccupation de tous; nous, citoyens, nous organisons ensemble depuis toujours notre vie commune; diverses communes se sont unies depuis longtemps pour résoudre des questions de fond et des problèmes en suspens; un citoyen libre dans un pays avec une démocratie directe organise toujours lui-même son avenir en relation avec ses semblables.

Voulons-nous vendre notre pays au tourisme?

Dans les territoires qui appartiennent à ce que l’on nomme parc naturel vivent des individus dans leurs villages ou petites villes, ils exercent ici leur profession, pratiquent un métier et se rendent quotidiennement à leur travail. Le terme de parc est ici complètement déplacé et suggère quelque chose d’autre. Depuis quand désigne-t-on comme parc voire parc naturel l’espace vital des êtres humains?
On avance toujours l’argument du tourisme et de la distribution de labels quelconques qui doivent veiller à un essor économique dans les communes. Voulons-nous vraiment orienter nos communes seulement vers une bulle touristique et ainsi, vendre notre pays au tourisme quelle que soit son apparence? C’est notre espace vital, et avant tout, nous devons pouvoir vivre en toute satisfaction. Il faut bien le remarquer, la distribution de labels incombe à la Confédération. Ce sont les directives de l’UE, auxquelles nous devons nous sou­mettre. Les communes assemblées dans un parc peuvent de cette manière mieux être tenues en laisse. On n’en a rien à faire d’«organiser son avenir soi-même». C’est le cas contraire, on veut dicter aux individus la manière dont ils doivent ou, plutôt et avant tout, ne doivent pas organiser à l’avenir leur environnement.

«… ne pas se laisser prendre par les belles paroles»

Dans différentes communes qui se trouvent au sein d’un périmètre de parc naturel, comme on le désigne, des votations ont eu lieu ces derniers temps. Là, les citoyens des com­munes concernées devaient décider s’ils voulaient ou non adhérer à l’association de parcs et ainsi participer à ce qu’on appelle le concept de Parc naturel.
Dans la région de l’Oberhalbstein et de l’Albulatal dans les Grisons, on a voté dans quelques communes sur le Parc Ela. Deux des 21 communes qui doivent former le Parc Ela ont voté jusqu’à présent contre l’adhésion, d’autres votations vont encore avoir lieu.
En parlant là-bas avec divers citoyens, on pouvait entendre différents arguments. Cependant, ce sont les doutes devant l’ampleur des restrictions du droit de la construction et de l’utilisation agricole du sol qui ont dominé la plupart du temps. L’argumentation des partisans, selon laquelle rien ne changera après l’adhésion, qu’on peut donc approuver sans aucun souci, n’a pas pu convaincre dans les communes de Riom-Parsonz et Tinizong. C’est pourquoi un habitant a déclaré: «Pourquoi a-t’on donc besoin d’un parc, si tout reste tel quel?» La restriction de l’autonomie communale, liée à la perte de participation directe, préoccupe les citoyens. «Pourquoi devrions-nous approuver un accord dans lequel il n’est pas clairement fixé ce que l’on peut ou ne peut pas faire après. On ne doit pas se laisser prendre par les belles paroles, sinon on aura perdu notre liberté.»

Doutes sérieux et objections critiques

Dans les cantons d’Uri ainsi que de Nidwald et Obwald, il s’agit de la constitution du Parc naturel Urschweiz. Là aussi, il y aura dans diverses communes d’autres votations ces prochaines semaines. La commune d’Engelberg s’est retirée avant qu’on ait présenté l’«accord du parc» à la consultation populaire. Comme on a pu l’apprendre du côté de l’administration municipale, il y avait à Engelberg des «doutes et objections critiques» émis par la majorité des représentants d’intérêts et des organisations touristiques concernés. Dans un communiqué du conseil municipal il est écrit entre autre: «Il y a eu avant tout d’autres doutes relatifs aux éventuelles directives futures de protection et à la question de la limite périmétrique du parc à Engelberg.» Lors d’une investigation, on a appris que l’accord relatif au parc ne détermine pas clairement les effets qu’il aura sur le droit de la construction et de la protection du paysage lequel est aujourd’hui déjà très sévère et a empêché récemment l’installation d’une nouvelle piste de ski. Selon l’administration communale, la population a soutenu la décision de retrait du «projet du parc naturel» et le sujet est aujourd’hui classé.

«Le projet de parc naturel Urschweiz manque de précision»

Ce n’est pas seulement l’exemple des deux communes dans le territoire de l’Oberhalb­stein et à Engelberg qui donne l’espoir du retour à la raison, mais aussi le résultat de la votation de la commune de Gurtnellen dans le canton d’Uri. Bien que le conseil municipal ait plaidé pour une adhésion au Parc naturel Urschweiz, la majorité de la commune a voté contre la contribution financière de 11 000 francs et a empêché ainsi l’affiliation à l’association du parc. Même lors de l’assemblée générale de la commune, on ne s’attendait pas à ce résultat. Il y a eu peu de votes contre, mais avant tout beaucoup de questions ont été posées. Le fait qu’à la fin, la majorité était contre, montre qu’on a pas vraiment répondu de manière satisfaisante aux questions. Les citoyens de Gurtnellen ne pouvaient pas s’imaginer de se soumettre à d’autres restrictions. Le conseil municipal de Beckenried, qui plaide pour un rejet du projet, entretient aussi le même sentiment. Dans une déclaration, il retient que «le conseil municipal a traité encore une fois et en détail le projet du parc». Ici, il en a conlu que «le projet du Parc naturel Urschweiz manque de précision». «On ne voit pas clairement, quelles obligations et restrictions supplémentaires un tel projet implique.»
Plus loin, il est écrit que «la commune politique désire à l’avenir également être libre de toutes restrictions et obligations supplémentaires.» Le président de la commune précise que «la situation est différente pour chaque commune, qu’on ne peut pas décider pour les autres, que chaque commune doit réfléchir elle-même si elle veut cela. Toutefois, dit-il, nous ne pouvons pas l’approuver pour notre commune.» Les doutes émis ici sont absolument justifiés. Ainsi, par exemple, selon l’Ordonnance sur les parcs d’importance nationale il est fixé à l’article 20, alinea d: «[Il faut] limiter ou supprimer, lorsque l’occasion s’en présente, les atteintes à l’aspect caractéristique du paysage et des localités en raison de constructions, d’installations ou d’utilisations.»
Avec ça, on se rend compte de la marge de liberté de décision qui restera encore aux communes individuelles.

Les «associations de parcs» sont-elles légales?

L’autonomie de la commune et la large participation politique, qui sont les caractéristiques centrales de la démocratie suisse, ne doivent pas être sacrifiées à une ordonnance d’association qui, à la fin, n’autorise plus le citoyen à participer. Après une adhésion de la commune à cette association, la souveraineté en matière de décisions n’est plus entre les mains des habitants de la commune, mais dans celles d’une association supérieure, au sein de laquelle les membres de l’exécutif, sans participation de la population, prennent les décisions. On se pose sérieusement la question de savoir si cette procédure est conforme à la Constitution. Un comportement responsable envers notre pays et notre paysage est dans l’intérêt de tous; pour cela, on n’a certainement pas besoin de «parcs naturels» sur le modèle de l’UE, mais de citoyens libres et indépendents.    •