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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°26,25 juin 2012  >  «Pour une économie utile à tous» [Imprimer]

«Pour une économie utile à tous»

Initiative populaire fédérale

par Reinhard et Daniel Koradi

L’initiative populaire fédérale «Pour une économie utile à tous» touche tous les domaines importants de la politique économique. Elle ne sert pas des intérêts particuliers, mais s’engage pour une économie nationale qui est utile au peuple et donc à la Suisse toute entière. Les auteurs de cette initiative veulent susciter une discussion de fond parmi les citoyens concernant la politique économique future de notre pays.

La «liberté» économique redéfinie nuit à la collectivité

Ces dernières années, une forme pervertie d’économie du marché libérale s’est largement imposée, ce qui a limité le rôle de l’Etat. Celui-ci a perdu la capacité de prendre des décisions d’économie politique en fonction de la situation. De nos jours, en raison de l’individualisme croissant de la société, les intérêts personnels prennent le pas sur l’intérêt général. L’économie s’est détachée de la responsabilité envers la collectivité. La liberté économique absolue a entraîné des dommages économiques et en matière de politique sociale qui doivent et qui peuvent aussi être corrigés maintenant. Cette initiative remplace le primat de l’économie de capital par le respect de l’environnement et des ressources naturelles, et elle veut protéger, voire promouvoir, les structures économiques et sociales locales.
Ces dernières décennies, s’est propagé une conception de politique économique dégradant l’Etat national, en en faisant un receveur d’ordres des puissantes organisations économiques et du monde de la finance. En matière de questions économiques, cela a également mis sous tutelle les citoyens du pays.
L’initiative crée des conditions pour réfléchir à cette évolution et pour entamer d’une façon digne les corrections nécessaires.

Oui à la concurrence de qualité et d’innovations

La politique de concurrence règle l’entrée sur le marché (dispositions d’agrément pour certaines professions ou même produits) et d’éventuelles sanctions pour violations de la libre concurrence. La politique de la concurrence suisse garantit par principe la liberté du commerce et de l’industrie, et celle-ci ne sera pas non plus remise en question par l’initiative. Mais les initiateurs veulent favoriser la concurrence loyale et ils veulent avant tout lutter contre les abus de pouvoir des entreprises occupant une position dominante sur le ­marché. «L’encouragement de la concurrence» poursuivi ces dernières années par le dérèglement et la libéralisation doit céder le pas à une politique du fair-play et de l’engagement à armes égales. La lutte unilatérale des prix aux dépens de la qualité ou par des avantages quantitatifs et des pressions sur les prix auprès des producteurs, doit être relativisée par la concurrence entre le prix et la prestation. Oui à la concurrence de qualité et d’innovations – Non à la vente de produits en-dessous du coût de production réel. Une stratégie de plus-value en lieu et place de la stratégie des bas prix s’impose également à l’égard de l’environnement et des ressources limitées. Il faut à nouveau prolonger, par la qualité correspondante et les services fournis (capacité de réparation des produits), la durée de vie des produits qui se raccourcit de plus en plus. Cela induit d’ailleurs une influence positive sur la situation du marché de l’emploi (travaux de réparation).
L’initiative demande que l’Etat intervienne sur le marché lorsqu’un partenaire de celui-ci:
–    poursuit une politique de concurrence déloyale,
–    vend des produits en-dessous du coût de production ou de revient (dumping),
–    offre des produits de moindre qualité pour se procurer ainsi un avantage au niveau du prix,
–    prend le risque, par des pressions injustifiées sur les prix, de provoquer des conséquences nuisibles sur l’économie (élimination de concurrents – perte d’emplois) et la société (dumping salarial).
Cette exigence vise à s’assurer que «l’économie» se comprenne comme faisant partie de la société et qu’elle se réintègre à nouveau dans un tout en matière de politique sociale.
Une autre exigence de la politique de la concurrence comprend la protection de la production indigène. Il faut cette protection afin que le capital ne remplace pas la prestation personnelle de l’entrepreneur, par exemple par des reprises, des fusions, etc. La croissance saine d’une entreprise devrait provenir de l’entreprise elle-même. Par ailleurs, des opérations spéculatives hasardeuses ont ruiné des entreprises solides et sont partiellement responsables du fait que la Suisse a perdu un grand nombre d’entreprises performantes au passé prestigieux (Saurer, Oerlikon Bührle, Rieter, Sulzer, Swissair etc.). L’économie financière a épuisé l’économie de production et elle a en fin de compte aussi mené à la crise financière et économique mondiale. Grâce à notre structure de branche et d’entreprises, nous avons en Suisse une économie nationale diversifiée, localement et régionalement reliée, ce qui constitue par ailleurs une raison du chômage relativement bas. Pourquoi ne devrions-nous pas protéger cette structure?
La réglementation du marché ou des entraves techniques au commerce sont des mesures de politique économique légitimes et font la preuve de la volonté d’assumer ses responsabilités envers la population et de protéger sa propre souveraineté.

L’initiative renforce la politique conjoncturelle

L’économie nationale connaît quelques lois basiques qui ont sciemment été mises de côté par la libéralisation et la mondialisation. Une économie globale ne respecte pas les frontières nationales et ne s’occupe pas non plus de politique conjoncturelle nationale. L’économie nationale s’en trouve négligée – avec des conséquences négatives en matière de politique sociale. L’évolution économique suit les flux de capitaux. Les possibilités d’influence de l’Etat national étant inexistantes, une politique conjoncturelle orientée vers l’intérieur ne peut plus du tout être réalisée. Les buts de politique conjoncturelle étayés par l’expérience, correspondants aux besoins nationaux tels que l’équilibre entre la production et la consommation, la stabilité des prix, le plein emploi et une balance commerciale largement équilibrée se perdent dans la concurrence transnationale et propulsent les économies nationales dans un tas de risques (crise économique mondiale). Dans les temps favorables, la fortune populaire devrait cependant être augmentée et dans les mauvaises années, diminuée. Si les possibilités de diriger, basées sur l’Etat national, sont abandonnées par contrat à des centrales transnationales ou par adhésion à des organisations internationales telles que le FMI, l’OMC ou l’UE, l’Etat perd sa souveraineté économique et par conséquent toute possibilité de diriger l’économie nationale. L’initiative populaire proposée défend cette influence nationale et soutient ainsi également la mission conjoncturelle de la Confédération, consignée dans la Constitution fédérale. Mais par conséquent, elle n’admet aucun compromis en faveur de la liberté de l’économie.

L’approvisionnement du pays

On a utilisé l’argument qu’il n’y avait plus de menace immédiate pour limiter considérablement l’approvisionnement du pays. Cependant, on stocke encore des biens stratégiquement importants pour assurer l’approvisionnement avec des biens et des services vitaux (sources d’énergie, semences, graisses etc.).
L’initiative confirme la mission de la Confédération, mais ici aussi, elle ne veut pas s’engager dans des concessions à la liberté économique et elle biffe donc le règlement d’exception correspondant.
Renforcement de la marge de manœuvre conjoncturelle de la Confédération
La politique conjoncturelle d’un pays doit promouvoir la cohésion de la population et doit assurer un avenir culturel, social et économique avant tout dans les régions périphériques. La Suisse a toujours poursuivi une politique de peuplement décentralisée. On vilipende souvent la politique structurelle comme orientée vers le passé et offrant peu de visions d’avenir. Mais c’est précisément la structure créée dans le passé sur laquelle l’avenir se construit. Détruire des structures signifie compromettre son avenir. La Suisse en particulier dispose d’une structure sociale, étatique et économique qui est pleine d’avenir. La diversité de branches et de dimensions des entreprises garantit une économie élevée et stable et par conséquent un niveau de l’emploi élevé. Le maintien des structures signifie pour notre pays de conserver des chances pour l’avenir. C’est pourquoi nous devrions nous placer sans crainte devant nos structures en les protégeant. Les auteurs de cette initiative ont reconnu l’importance du maintien des structures pour l’avenir. Ils soutiennent la Confédération dans ses tâches y afférentes et veulent même étendre encore sa liberté de manœuvre.

Politique agricole durable

La Constitution fédérale prescrit à la Confédération de mettre en œuvre une politique agricole qui encourage une production répondant à la fois aux exigences du développement durable et à celles du marché et contribuant substantiellement à la sécurité de l’approvisionnement de la population, à la conservation des ressources naturelles et à l’entretien du paysage rural, ainsi qu’à l’occupation décentralisée du territoire.
Cette mission est entièrement soutenue par l’initiative. Les mesures prises par la Confédération doivent correspondre aux missions multifonctionnelles de l’agriculture. Multifonctionnel signifie que l’agriculteur, à côté des pures tâches de production, doit créer et entretenir des paysages aménagés, soigner la diversité des espaces de vie naturels, maintenir une vie sociale dans l’espace campagnard et créer des espaces de détente pour les habitants des zones à forte concentration urbaine.
La Confédération encourage, au moyen de paiements directs, les formes d’exploitation particulièrement en accord avec la nature et respectueuses de l’environnement et des animaux. De plus, elle est invitée à promouvoir la commercialisation de produits indigènes par des déclarations d’origine et à accorder des aides à l’investissement aux paysans. Il est dans l’intérêt de la population suisse de maintenir et d’encourager une agriculture productive. Notre sécurité de l’approvisionnement et par là notre indépendance sont en lien direct avec l’assurance de l’existence de nos agriculteurs, et ceci dans les structures d’exploitation existant actuellement. L’initiative ne contredit en rien la tâche constitutionnelle de l’agriculture. Mais elle propose, par des exigences relevant de la politique concurrentielle, des mesures dirigistes pratiques pour rendre possible par la Confédération, l’accomplissement de sa tâche constitutionnelle.

Bilan

L’initiative «Pour une économie utile à tous» est une réponse claire aux conséquences négatives d’une stratégie unilatérale de croissance et de mondialisation. Avec leurs trois axes du développement responsable «Pro­téger – Développer – Transmettre», les auteurs nous incitent à réfléchir et à agir.
Des critiques peuvent nous reprocher d’encourager le protectionnisme et de négliger l’économie d’exportation. Tant que des intérêts étatiques vitaux sont concernés – et l’initiative traite d’intérêts vitaux – les citoyens ont le droit, voire le devoir, de prendre des mesures de protection. Il ne s’agit pas de faire valoir l’économie indigène au détriment de l’économie d’exportation. Les deux ont leur importance d’un point de vue économique, mais du point de vue de la politique conjoncturelle, l’économie nationale constitue un facteur de stabilité et elle peut être influencée par la Suisse elle-même, alors que l’économie d’exportation est influencée par les développements de marchés étrangers et soumise à de fortes fluctuations.
C’est à nous de décider si nous sommes prêts à reconnaître la réalité économique et de poser des jalons pour une réforme économique qui serve les hommes et non le capital.    •

Initiative populaire fédérale «Pour une économie utile à tous».
La Vrille/Willy Cretegny,
Case postale 171, 1242 Satigny GE
Informations supplémentaires et
feuilles de signatures: www.lavrille.ch / 
www.economie-utile-a-tous.ch
Soutien: CCP 17-534186-2

AELE – pour une Europe des patries

Plus les difficultés dans le domaine de l’UE grandissent, plus on médite en Europe des alternatives possibles. On parle de nouveau «d’une Europe des patries» pour la réalisation de laquelle on devrait s’engager. Ainsi, les pays souverains pourraient de nouveau prendre leur responsabilité et régler leurs affaires eux-mêmes, selon Martin Zbinden, chef du ressort de l’accord de libre-échange/AELE au secrétariat d’Etat à l’économie en Suisse. L’AELE existe toujours et se compose actuellement de quatre membres: la Norvège, le Liechtenstein, l’Islande et la Suisse. Si un pays n’est pas membre de l’UE, il peut se présenter de manière autonome devant d’autres organisations comme par exemple l’OMC ou l’AELE, et y présenter directement ses demandes.

Source: interinfo, suite 402, juin 2012