Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°28, 9 juillet 2012  >  Le Syndicat allemand des enseignants de la Hesse déclare que les enquêtes Pisa sont une mauvaise solution [Imprimer]

Le Syndicat allemand des enseignants de la Hesse déclare que les enquêtes Pisa sont une mauvaise solution

Pour un bon enseignement et contre un savoir limité à ce que mesurent les tests

A l’occasion du coup d’envoi de Pisa 2012 – 250 écoles d’Allemagne vont de nouveau tester 6250 jeunes de 15 ans à partir de lundi prochain [23/4/12] – le Syndicat allemand des enseignants de la Hesse (GEW Hessen, Gewerkschaft Erziehung und Wissenschaft – Syndicat de l’Education et des Sciences) dénonce la partialité et le manque de sérieux scientifique des enquêtes Pisa ainsi que la transformation destructrice du système scolaire public.
«Depuis plusieurs années, on assiste à la transformation progressive des écoles en institutions produisant du savoir mesurable par les tests. Au lieu d’un bon enseignement, il s’agit de plus en plus d’un pilotage des écoles inspiré de la gestion d’entreprise qui recourt à de supposés ‹critères de réussite›: peu importent la manière et le coût - par exemple sanitaire -, l’essentiel, ce sont les ‹performances› des élèves. On prétend que c’est un indicateur de bon enseignement.

Apprentissage «boulimique»: apprendre, passer des tests et oublier

La réalité est pourtant tout autre: on remplace partout un bon enseignement, qui exige toujours du temps pour les processus de compréhension et de réflexion, et des objectifs clairement définis par la société par ce que les représentants des élèves appellent depuis longtemps un ‹apprentissage boulimique›, lequel s’accompagne de l’abandon des véritables contenus d’un bon enseignement: de plus en plus, on a affaire au trois étapes consistant à ‹apprendre, passer le test et oublier›. On enseigne de moins en moins les contenus, la réflexion, la remise en question et la compréhension. Ce qu’on renforce par le pilotage des écoles inspiré de la gestion d’entreprise signifie en réalité la suppression de l’enseignement»; c’est ce qu’affirme Jochen Nagel, président du Syndicat allemand des enseignants de la Hesse.
Or, ce phénomène est dû aux enquêtes Pisa auxquelles se réfèrent presque tous les politiques d’Allemagne. Pour reprendre les termes des créateurs des enquêtes Pisa: «il faut savoir que les tests Pisa, qu’on a renoncé à adapter aux programmes des différents pays (…) en se concentrant sur la mesure de compétences de base, correspondent à un concept didactique et pédagogique normatif».1

Faillite du système scolaire public

Avec les tests Pisa, il s’agit en réalité d’une standardisation internationale de l’enseignement qui le réduit à des «compétences de base» dérivées pour l’essentiel des intérêts économiques: «Cela convient tout à fait aux grandes entreprises, notamment à celles qui soutiennent les enquêtes Pisa2 et qui n’attendent que l’occasion de pouvoir fournir, un jour, leurs produits au grand marché allemand des évaluations et des tests. Mais cela ne nous convient pas du tout à nous syndicat d’enseignants et membre de l’association ‹Droit à un bon enseignement pour tous›.» Et Jochen Nagel de poursuivre: «Il est grand temps que les responsables politiques commencent enfin à mettre en question le processus de dégradation du système scolaire public imposé par les enquêtes Pisa et soutenu par eux-mêmes.»
Wolfram Meyerhofer, professeur de didactique des mathématiques et détracteur bien connu des tests Pisa, renchérit: «Il y a dix ans, on passait encore pour un hérétique quand on démontrait que les tests Pisa ne mesuraient pas ce qu’ils prétendaient mesurer, quand on signalait que la théorie sur laquelle ils étaient fondés était sans contenu et qu’on expliquait qu’ils ne servaient en réalité qu’à mettre les enseignants sous tutelle et à ouvrir la voie à une industrie des tests. Aujourd’hui, on voit que cette industrie définit notre manière de penser, qu’on continue à étouffer l’enseignement et que l’entraînement aux rituels des réponses à cocher est possible également dans les nations de grande tradition culturelle quand l’industrie des tests a recours à un marketing suffisamment puissant. Nous savons depuis longtemps que les enquêtes Pisa ne testent pas l’aptitude à apprendre mais la capacité à deviner la pensée des créateurs des tests. Nous savons que cette pensée est toujours étroite, qu’elle tend vers la médiocrité et qu’elle sanctionne la créativité. Nous savons que les auteurs des tests ont souvent des idées absurdes et ne s’en rendent jamais compte. Nous savons que les concepts statistiques des enquêtes Pisa nous mènent à une situation dans laquelle on pourrait aussi bien établir au hasard le palmarès des divers pays. Nous savons que les résultats des tests se prêtent facilement à la manipulation et enfin, nous savons que les tests nous empêchent de réfléchir. Nous ne perdrons rien si nous décidons d’abandonner les enquêtes Pisa.»    •

Source: http://bildungsklick.de/pm/83348/pisa-ist-der-falsche-weg/, 21/4/2012

1    Deutsches Pisa-Konsortium (édit.): Pisa 2000. Basiskompetenzen von Schülerinnen und Schülern im internationalen Vergleich, Opladen 2001, p. 19.
2    Concernant les intérêts cachés derrière le système Pisa, cf. par exemple: «Knatsch um Pisa – CDU fordert den Rauswurf des Pisa-Koordinators»: www.nachdenkseiten.de/?p=2807
(Traduction Horizons et débats)