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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°32, 17 août 2009  >  «Bunvolentia» – les hommes de bonne volonté [Imprimer]

«Bunvolentia» – les hommes de bonne volonté

par Eliane Gautschi et Lisette Bors

Le projet caritatif Bunvolentia montre que le sens de la vie ne se borne pas au souci de son propre intérêt. L’impératif chrétien de l’amour du prochain se double, pour le ­couple suisse Martha et Peter Garst, d’un devoir d’assistance envers ceux dont il faut adoucir la détresse.

Nous leur avons rendu visite chez eux, au-dessus du lac de Bienne, et ils nous ont parlé de leur engagement en faveur des enfants moldaves.

D’Albanie en Moldavie

«Parfois ce sont les hasards ou la Providence qui décident de notre vie. Avant de travailler pour notre projet de foyers pour enfants en Moldavie, nous nous étions engagés en Albanie en créant la Swiss Aid for Albanians (SAA).
Nous y avons construit ou rénové de fond en comble 16 écoles, et réalisé des adductions d’eau pour les villages de montagne et un pont suspendu.
Après plus de dix ans d’aide à la reconstruction, nous avons eu l’impression que l’Albanie s’engageait vers un avenir meilleur. Nous avons donc tiré un trait sur ce projet et nous nous sommes mis à la recherche d’un autre pays à aider.
Il y a quelques années, les journaux ont beaucoup parlé de la Moldavie. On le donnait pour le pays le plus pauvre d’Europe. A peine croyable: le produit national brut atteignait seulement le tiers de celui de l’Albanie. La moitié de l’argent provient des travailleurs moldaves émigrés qui l’envoient au pays. Autrement dit, les infrastructures et l’économie sont en ruine.
Martha et moi avons donc décidé de consacrer notre action à ce pays.
Dès mon premier voyage, j’ai constaté qu’une grande partie des gens, là-bas, vit dans des conditions indignes.
Souvent pères et mères ne voient d’autre solution, pour survivre, que d’émigrer en Ukraine, Russie, Roumanie ou Italie. Et les enfants sont donc abandonnés à leur sort. Dans le meilleur des cas ils ont des parents proches ou des grands-parents, malheureusement ces derniers sont souvent vieux ou malades. Nous avons aussi entendu parler d’enlèvements ou d’annonces fallacieuses qui font tomber enfants et jeunes aux mains de trafiquants d’êtres humains.
Pour des raisons d’organisation il nous fallait avant tout changer le nom et les statuts de notre organisation. Nous avons donc créé Help for Children in Need (HCN), une petite organisation caritative qui collabore avec des partenaires moldaves, essentiellement l’organisation humanitaire Pro Humanitas (cf. encadré p.7).»

L’idée de créer ­des foyers de jour pour enfants

«Le premier foyer que nous avons ouvert se trouvait dans un village qui avait mis à notre disposition une maison pour y établir un foyer d’enfants. Nous avons cherché des sponsors en Suisse et trouvé un couple qui a financé la rénovation et l’aménagement de la maison ainsi que celui d’un jardin. Une fondation créée par ce couple continue aujourd’hui à prendre en charge tous les frais liés au foyer. C’est tout à fait ce que nous cherchions, nous voudrions que nos sponsors prennent des responsabilités précises et s’engagent dans la durée. C’est ainsi qu’a été réalisé un foyer familial où sept enfants sont entièrement pris en charge.
Mais par la suite nous avons cherché des moyens d’aider encore plus d’enfants, toujours dans la durée. Nous avons donc im­pliqué les communes dans nos projets. Après bien des discussions et de longues réflexions nous en sommes arrivés à l’idée de foyers de jour. Pour commencer nous avons adjoint un foyer de jour au foyer familial, qui se trou­vaient donc tous deux sous le même toit.

Des partenaires fiables

Les foyers de jour exigent que nous ayons en Suisse des partenaires ou des donateurs ­fiables, qui peuvent être des particuliers, des fondations ou des associations. Pour leur intégration dans les communes il est très important pour nous de trouver un correspondant moldave, comme partenaire avec qui nous puissions collaborer. Il fallait qu’il connaisse bien le terrain, mais aussi qu’il jouisse de la confiance de la population moldave et de la nôtre. Souvent c’est le hasard ou la Providence qui font se rencontrer les gens. Et c’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Monsieur Vladmir Nadkrenitschnii, qui à ­l’époque s’occupait déjà d’une autre organisation caritative en Moldavie. Il nous a parlé de ses projets très divers, principalement à la campagne. Nous avons été frappés par son honnêteté et ses talents d’organisateur.
Monsieur V. Nadkrenitschnii est un partenaire très fiable, honnête et consciencieux. Nous pouvons l’affirmer après bientôt 5 années de collaboration. Il établit des contacts dans les villages et recherche le personnel qui travaillera au foyer (salarié par le HCN). Avec son équipe il administre les dons. Il connaît beaucoup de gens et cherche dans les villages des coordinateurs, qui prennent la responsabilité d’un, deux ou même dans un cas cinq foyers. Chaque foyer compte cinq employés. Les éducateurs sont souvent des enseignants qui arrondissent ainsi leur traitement. En Moldavie un instituteur touche environ 80 francs suisses par mois. S’y ajoutent une cuisinière et une comptable à mi-temps.
Au foyer les enfants reçoivent un solide repas de midi. La plupart des foyers de jour disposent d’un jardin. Parfois aussi les pay­sans des environs font cadeau de légumes ou de plants.

De bonne volonté, mais pas parfaits

Quand nous avons ouvert notre premier foyer, nous lui avons cherché un nom. En roumain, «bon» se dit «bun»; nous y avons adjoint «volentia» (=volonté), créant ainsi le mot de ­«bunvolentia». Ce mot exprime exactement notre souhait: nous savons que nous-mêmes et nos partenaires sommes de bonne volonté et voulons arriver à quelque chose. Désormais tous nos foyers de jour se nomment ­Bunvolentia.

Bien préparer le terrain

Chaque village signe un contrat. Ce dernier fixe les conditions de la construction du foyer et de son fonctionnement ultérieur. HCN est le responsable pour le réseau suisse. Il est facile en Suisse de trouver des gens qui s’en­gagent. Souvent on pense aux ondes qui s’élargissent autour un caillou jeté dans l’eau. Nous nous sommes ainsi fait beaucoup d’amis.
Les foyers commencent tous par une période de probation, suivie de reconductions pour un an à chaque fois. S’il arrivait que contre toute attente l’un d’entre eux ne ­marche pas, il serait fermé immédiatement. Par bonheur cela ne s’est encore jamais produit. Parfois il y a quelques difficultés au début, mais il est possible de les résoudre. Le contrat fixe en priorité les règles de fonction­nement, qui est responsable de quoi. Les bâtiments, le chauffage et l’éclairage sont de la compétence des communes. Nos partenaires moldaves de Pro Umanitas sont chargés de l’organisation, des contrôles et des versements d’argent.
Nos foyers de jours doivent correspondre parfaitement au milieu local.

Aider avec sa tête, son cœur et sa main

A midi, après l’école, les enfants viennent au foyer, souvent situé dans le même bâtiment. Les enfants ont faim. Il est important de leur offrir un bon repas, ensuite ils font leurs devoirs en groupe. Puis on leur propose des occupations, selon les possibilités et leurs souhaits: couture, tricot, broderie, bricolage, menuiserie, travail au tour etc., ou tout simplement des jeux: puzzles, ballon. Les enfants sont occupés au lieu de traîner dans la rue, et c’est un objectif important!

Un engagement dans la durée

Les écoliers peuvent fréquenter le foyer de jour jusqu’à 16 ans. Ensuite il faudrait leur offrir une formation. Cela permettrait une aide dans la durée; dans ce domaine nous aimerions nous engager aussi à long terme.
Dans un foyer important pour handicapés légers nous avons installé une boulangerie. Le four était auparavant dans l’Emmental suisse, il a été transporté en Moldavie et y a été remonté. Aujourd’hui un deuxième village s’est doté d’une boulangerie. On y fait du pain pour le foyer et les habitants du village. Un atelier de formation pour les ­apprentis boulangers a été installé près de salles destinées aux couturières, menuisiers et coif­feuses. Cela permet aux jeunes de faire un apprentissage après leur scolarité. Nos enfants ont priorité sur les autres enfants du village. Quand davantage de places sont disponibles, d’autres jeunes peuvent en bénéficier.
La deuxième boulangerie a été ouverte en mars dernier dans un foyer de jour dans le nord de la Moldavie. Désormais les 2500 habitants d’Ochiul Alb ne dépendent plus de la boulangerie industrielle de la ville, ce qui, surtout en hiver, leur posait régulièrement des problèmes de ravitaillement. A l’avenir on envisage de créer aussi des cartes de scolarité et des diplômes.
Divers ateliers de couture ont également été ouverts. Nous avons déjà 26 machines à coudre dans les établissements de formation et les divers foyers de jour.

Notre rayonnement dans la région

Aujourd’hui nous nous occupons de 12 foyers de jour en Moldavie, le 13e est en projet. Au total nous prenons en charge 250 enfants et 50 salariés. Cela a un effet positif dans la région. De plus en plus de villages viennent nous demander d’ouvrir un foyer chez eux. Dans plusieurs vil­lages où nombre d’enfants restaient à la rue en dépit de la présence d’un foyer, nous en avons ouvert un deuxième.
Un enfant nous coûte actuellement 1,70 franc suisse par jour (nourriture, salaires, matériel etc.). Les frais de fonctionnement annuels d’un foyer s’élèvent au total à 15 000 francs suisses.
Les foyers étant en partie pris en charge par la communauté, le village fait preuve de beaucoup de solidarité. Souvent on nous offre de beaux locaux. Outre l’eau et l’électricité, le chauffage est à la charge de la commune: il fait 15 à 17 degrés dans les salles. C’est pourquoi les enfants portent souvent, durant la saison froide, des gants, des bonnets et des vestes.

Les enfants ont un sort difficile: il faut donner de l’espoir

Les enfants de nos foyers conservent parfois un contact avec leurs parents, ou ils savent, par exemple, que leur mère vit à Moscou. Beaucoup de pères refusent de reconnaître leurs enfants, ou bien ils ont disparu, sont morts ou malades. Beaucoup de mères sont également malades, notamment tuberculeuses, une affection très répandue en Moldavie.
La vie de nos enfants est souvent bien ­triste: les pères morts ou disparu, les mères malades, travaillant en Espagne ou en Turquie, les pauvres petits sont battus, et la vodka fait toujours partie de ce triste tableau.

Les fruits de l’engagement

Le projet Bunvolentia intéresse les médias et les autorités compétentes. Nous recevons beaucoup de nouvelles et de remerciements de la part des parents et des communes. Les foyers de jour constituent ainsi un enrichissement pour le village, car ces enfants causent du souci à tout le monde.
Les foyers sont régulièrement contrôlés par nos partenaires moldaves et nous-mêmes nous y rendons personnellement, en premier lieu pour montrer l’intérêt que nous leur portons. Chacune de ces visites est une magni­fique expérience.
Il y a quelque temps nous avons vécu quelque chose de très émouvant. Des filles, mais aussi des garçons, avaient tricoté des écharpes, des bonnets et des gants, qu’ils nous ont montrés lors de notre visite. Nous leur avons dit: très bien, vous aurez bien chaud. Mais ils nous ont répondu que ce n’était pas pour eux, mais pour divers ­pauvres du village.
Durant les vacances d’été ces enfants ­avaient fait le ménage chez des gens âgés et malades et même une fois fait la cuisine. Eux-mêmes ne sont plus des pauvres, puisqu’ils sont au foyer!

Un travail bénévole

Notre organisation est facile à comprendre, car nous sommes une toute petite structure. Notre engagement est bénévole. Les dons sont entièrement affectés à nos projets.
Beaucoup de nos donateurs nous soutiennent de bon cœur, car ils savent que leur argent profite directement aux enfants moldaves.
Notre objectif est d’ouvrir et de faire fonctionner des foyers de jour et les structures éducatives qui s’y rattachent. Si nous poursuivons notre travail en ce sens, il est facile pour nous et nos partenaires locaux d’en avoir une vue d’ensemble, et donc de l’organiser.
La collaboration avec d’autres organisations humanitaires est souvent compliquée et nécessite une infrastructure plus lourde. C’est pourquoi nous l’évitons, afin de ne pas nous surcharger, nous et nos partenaires de l’organisation Pro Humanitas.»

Déclaration universelle des devoirs de l’homme

«On nous redemande sans cesse pourquoi nous avons pris cet engagement. Alors nous parlons, outre de nos devoirs de chrétiens, de la Déclaration universelle des devoirs de l’homme.
Nous connaissons tous la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Mais l’article 19 de la Déclaration universelle des devoirs de l’homme revêt pour nous une importance particulière:
‹Tous ceux qui disposent de moyens suffisants ont le devoir de faire des efforts véri­tables pour vaincre la pauvreté, la malnutrition, l’ignorance et les inégalités. Partout dans le monde ils doivent soutenir un développement durable qui garantisse à tous les êtres humains leur dignité, leur liberté, leur sécurité et la justice.› Ne faudrait-il pas engager une nouvelle réflexion sur nos devoirs humains?»    •

Davantage de photos et d’informations sur notre site: www.help-for-children.ch

(Traduit par M.M., révisé par Horizons et débats)


Bunvolentia – les foyers de jour pour enfants en Moldavie

Depuis 2005 les foyers de jour pour enfants Bunvolentia fonctionnent en Moldavie grâce à une collaboration entre l’organisation moldave Pro Humanitas et l’organisation caritative suisse Help for Children (HCN). Ils sont maintenant au nombre de 12. L’un d’entre eux comprend un foyer familial et un foyer de jour.
Les communes choisies s’engagent à fournir plusieurs pièces claires, propres et ensoleillées et à se charger des frais d’électricité et de chauffage. Des pédagogues, des cuisinières ainsi que des couturières, des menuisiers et des bou­langers prennent en charge des groupes de 20 à 25 enfants choisis par les services sociaux du village et leur donnent un en­seignement. HCN prend en charge tous les salaires, les frais de nourriture et de formation, matériel pour les travaux pratiques etc.
Pro Humanitas, notre partenaire local, contrôle chaque mois les dépenses, accompagne les travaux, tient des listes d’enfants et de collaborateurs. Les enfants reçoivent un solide repas de midi, sont encadrés pour leurs devoirs et ­peuvent ensuite s’adonner à diverses activités manuelles (bricolage et travaux manuels, couture et menuiserie), approfondir leur savoir-faire en langues, danse ou aux échecs, ou tout simplement jouer. Le budget mensuel d’un foyer de jour s’élève environ à 650 ou 700 euros, soit 1,70 franc suisse par enfant et par jour.
Au-delà de la prise en charge de l’enfant, l’accent est mis sur sa formation, surtout en ce qui concerne les plus âgés. Dans deux villages nous avons déjà installé des boulangeries. De plus divers petits ateliers de menuiserie et couture ainsi qu’un salon de coiffure ont été créés.