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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2015  >  No 31, 14 décembre 2015  >  Les partis d’opposition du Bade-Wurtemberg critiquent la politique scolaire du gouvernement rose-vert [Imprimer]

Les partis d’opposition du Bade-Wurtemberg critiquent la politique scolaire du gouvernement rose-vert

par l’association «Ecole et formation en Bade-Wurtemberg»: www.arbeitskreis-schule-und-bildung.de

Le 13 mars 2016, les citoyens du Bade-Wurtemberg éliront leur nouveau Parlement du Land. Environ quatre mois avant cette date, tous les partis d’opposition ayant une chance d’entrer au nouveau Landtag ont présenté leurs programmes. Ce que l’on remarque, c’est que ces trois partis – la CDU (selon un sondage de l’INSA du 9 octobre 2015, réunissant 40% des votes), le FDP (5% des votes) et l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) (8% des votes) – sont tous les trois d’accord dans leur critique claire et nette concernant la politique scolaire rose-verte des 4 années et demie passées. Cela intéressera certainement aussi les citoyens suisses. Car la politique scolaire rose-verte en Bade-Wurtemberg correspond sur divers points à la politique scolaire suisse définie par le Plan d’études 21 et le Plan d’études romand (PER).

Nous n’allons pas discuter ici à quel point les stratèges de ces trois partis seraient d’accord de retransformer l’école selon leurs critiques s’ils en étaient eux-mêmes responsables. Ce qui est plus important c’est que la critique émise par les partis d’opposition est le reflet du refus très répandu de la politique scolaire rose-verte au sein de la population. Et bien sûr, c’est le droit et le devoir des citoyens de prendre au sérieux les programmes des partis d’opposition et d’exiger qu’ils soient mis en vigueur le moment venu.
L’essentiel de la critique des trois partis repose sur le fait que le gouvernement rose-vert veut bouleverser sans nécessité un système scolaire ayant fait ses épreuves. Il tente de le remplacer par un nouveau et problématique système fondé idéologiquement, servant uniquement des intérêts particuliers.
Au centre se trouvent le projet de la «Gemeinschaftsschule» [école commune unique] et les nouvelles méthodes d’enseignement et d’apprentissage qui l’accompagnent («nouvelle culture de l’apprentissage»): dissolution du système scolaire différencié ayant fait ses épreuves et installation d’une «Ecole unique» pour tous les élèves, réduction du rôle de l’enseignant à celui d’un accompagnateur ou coach, abolition de l’apprentissage commun en classe, forte hétérogénéité au sein des groupes d’élèves selon la formule de propagande: «La diversité rend malin!»), la contrainte d’apprendre seul à l’aide de fiches de travail et de logiciels numériques («apprentissage autorégulé»), la disparition des notes et l’impossibilité de redoubler etc. etc. Les enseignants et parents suisses connaissent tout cela.
La première décision prise par le gouvernement rose-vert en matière de politique scolaire fut la suppression de la recommandation obligatoire pour l’école primaire. Jusqu’alors, les enseignants de l’école primaire (1re–?4e classe) émettaient une recommandation pour chaque élève, lui suggérant la filière appropriée à suivre. L’objectif était de conseiller à l’élève le type d’enseignement le mieux approprié à ses facultés. Cette recommandation était obligatoire et avait fait ses épreuves. Les politiciens roses-verts y voyaient pourtant un «instrument de sélection» ressemblant à la «société féodale» du Moyen-Age. L’objectif de la politique scolaire rose-verte était d’élever la pression pour atteindre que dans toutes les classes de tous (!) les types d’enseignement il y ait davantage de différences des performances (davantage d’hétérogénéité) pour faciliter la dissolution du système scolaire différencié au profit de l’école unique. Il était donc logique que la prochaine étape soit l’introduction de l’école commune unique devant à la longue remplacer tous les autres types d’enseignement général.
Que disent les partis d’opposition du Bade-Wurtemberg à ce sujet?

CDU: «Le gouvernement rose-vert veut déconstruire un système scolaire ayant fait ses épreuves»

Dans son programme électoral, la CDU déclare que le gouvernement rose-vert «veut déconstruire un système scolaire différencié ayant fait ses épreuves par l’introduction de l’école commune unique de manière précipitée, irréfléchie et idéologique.» Depuis la suppression de la recommandation obligatoire délivrée par l’école primaire, «il y eut, en seulement quatre ans, une baisse massive des élèves choisissant la «Hauptschule» ou «Werkrealschule» [classes à basses exigences/classes pratiques] de 25% à 7%. En même temps, il y eut une hausse significative des redoublements dans la «Realschule» [collèges d’enseignement général] et au «Gymnasium»[lycée/gymnase].
Cependant, ce ne sont pas seulement ceux qui redoublent une classe qui sont concernés: «Les enseignantes et enseignants constatent de plus en plus souvent que de nombreux élèves ne sont plus capables de suivre les cours et vivent un stress inutile et menaçant leur santé dans une phase primordiale de leur développement. Outre leur propre réussite c’est celle de toute la classe qui est mise en question».
Le résultat: «Les perdants de ces transformations radicales initiées par le gouvernement rose-vert sont tout d’abord nos enfants […].»
La CDU critique aussi que les autres types d’enseignement doivent adopter les mêmes méthodes douteuses d’enseignement et d’apprentissage que les écoles communes uniques: «Le gouvernement rose-vert veut que les «Realschulen» et les «Förderschulen»[écoles spéciales] disparaissent au sein des écoles communes uniques préférées et privilégiées par ce gouvernement. Les conceptions pédagogiques du gouvernement rose-vert pour transformer les divers types d’écoles le prouvent de manière évidente.»

«L’école commune unique a échoué»

On critique clairement ces écoles communes uniques: «Cette idéologie rose-verte de l’école commune unique est erronée. […] Bien que le gouvernement rose-vert favorise son objet de prestige qu’est l’école commune unique en augmentant unilatéralement les ressources en postes d’enseignants, les objectifs visés ne sont pas atteints. La conception pédagogique ne mène pas au succès escompté, malgré le renfort en enseignants et de nombreuses heures supplémentaires. Elle nuit au développement mental des élèves. De nombreuses communes, ayant accepté l’école commune unique, ne l’ont pas fait par conviction mais pour pouvoir garder une école dans la commune.»
Un passage du programme de la CDU est intitulé: «L’école commune unique a échoué». On y lit: «Une école où tous les enfants – de l’élève avec éducation spécialisée au surdoué – sont enseignés dans le même groupe, où les enseignants sont limités au rôle d’accompagnateurs, où les notes sont abolies, sans possibilité de redoubler est totalement surchargée et rapidement dépassée. Nous ne créerons pas de nouvelles écoles communes uniques. Mais nous ne fermerons pas non plus les 271 écoles communes existantes. Nous voulons continuer avec ces écoles communes uniques mais en les développant et en travaillant avec des filières différenciées selon les aptitudes des élèves. Nous réduirons aussi les privilèges de l’école commune unique.»
La CDU a l’intention de réformer les écoles communes uniques existantes. Il y aura à nouveau des «classes d’élèves ayant un niveau de connaissances semblable.» Elle désire «valoriser les performances par des notes» et «donner aux élèves la possibilité de redoubler une classe.» On veut mettre un terme à l’intervention illicite de la politique rose-verte dans la liberté pédagogique des enseignants. La CDU revendique le «libre choix des méthodes pédagogiques».

FDP: «Le gouvernement rose-vert compromet le système scolaire»

Le FDP met également l’accent sur l’importance d’un bon enseignement et s’exprime de manière très critique face à l’attaque rose-verte: «Notre bien-être tout comme les perspectives de vie de chaque individu dépendent de manière décisive de la qualité de notre enseignement. Au cours des années passées, le gouvernement rose-vert a fortement compromis notre système scolaire.» Il faut mettre un terme aux «privilèges financiers de l’école commune unique.»
Le FDP, tout comme la CDU, s’oppose à la suppression de la recommandation obligatoire des enseignants des premières classes du primaire: «La suppression précipitée et mal préparée de la recommandation obligatoire venant du primaire n’a pas seulement aggravé les problèmes des communes concernant l’emplacement de leurs Haupt- et Werkrealschulen [classes à basses exigences/classes pratiques], elle est aussi responsable de l’augmentation massive des redoublements dans les gymnases/lycées et les Realschulen [collèges d’enseignement général].»

«L’avenir de la Realschule est menacé»

Le FDP est convaincu qu’il faut maintenir les Realschulen au Bade-Wurtemberg. Le gouvernement rose-vert, cependant, veut transformer sans nécessité ce type d’établissement à succès en «écoles communes uniques ‹light›». Le FDP riposte: «La pédagogie ciblée et favorisant les performances ainsi qu’un niveau exigeant de l’enseignement sont le fondement du succès de la Realschule. Les entreprises du Bade-Wurtemberg prennent volontiers les apprenants des Realschulen sous contrat de formation car le diplôme des Realschulen est garant de qualité. Ainsi, la Realschule ouvre à un grand nombre de jeunes de réelles perspectives pour leur vie et leur profession. La Realschule est également l’école permettant l’ascension sociale. C’est grâce à elle que le principe ‹Kein Abschluss ohne Anschluss!› [‹Pas de diplôme sans débouché professionnel›] est une véritable réalité dans le système scolaire du Bade-Wurtemberg. C’est grâce à la Realschule qu’environ la moitié des jeunes se qualifiant pour des études universitaires ont auparavant passé par des écoles professionnelles dans le cadre d’un apprentissage. […] Dans un système scolaire à deux filières composé uniquement de l’école commune unique et du lycée, l’avenir de la Realschule serait menacé. Nous, en tant que démocrates libéraux, ne nous limitons pas à nous opposer à la structure à deux filières mais nous allons nous investir pour que les Realschulen puissent continuer à exister et faire leur travail prodigieux sans être contraintes à suivre la pseudo-pédagogie de l’école commune unique.»

AfD: «Nous refusons de réduire l’enseignement à l’apprentissage de prétendues ‹compétences›, actuellement très à la mode»

L’Alternative pour l’Allemagne (AfD) émet des critiques encore plus fondamentales en y intégrant les années précédant le gouvernement rose-vert. Dans son programme électoral, elle écrit: «L’AfD observe avec grande inquiétude l’érosion du principe de la performance résultant dans la perte de la capacité des jeunes gens à faire une formation technique ou des études supérieures. Les réformes scolaires des années précédentes ont causé une forte incertitude des parents, des enseignants et des élèves en ce qui concerne les objectifs de la formation scolaire. Pour créer une formation orientée vers l’avenir, il faut absolument stopper la déconstruction de notre système scolaire.»
L’AfD revendique donc «un système scolaire différencié aux filières clairement définies aux objectifs sans équivoques et orientés vers la performance» et exige «d’abandonner les expérimentations avec la prétendue ‹Neue Lernkultur› [‹nouvelle culture de l’apprentissage›] – c’est-à-dire les nouvelles méthodes d’enseignement et d’apprentissage prévalant dans les écoles communes uniques imposées à tous les autres types d’établissements scolaires» –, la transmission du savoir et l’orientation vers la performance sans endoctrinement idéologique, un enseignement dirigé en classes, et une pédagogie non-idéologique.»
Plus fort encore que la CDU et le FDP, l’AfD renoue avec les idées de Wilhelm von Humboldt: «En Allemagne, nous pouvons nous référer fièrement à une tradition culturelle unique et n’avons pas besoin de courir après les modes. Il est préférable de nous rappeler nos fondements qui nous ont permis de devenir une nation de pointe dans
le domaine scientifique.» Donc, la revendication de l’AfD est la suivante: «Nous revendiquons une politique scolaire s’orientant à l’idéal culturel de l’histoire des idées de l’Allemagne. Nous refusons de réduire l’enseignement à l’apprentissage de prétendues ‹compétences›, actuellement très à la mode, poursuivant le but purement économique de la valorisation économique (‹Employability›).» C’est pourquoi l’AfD revendique «le retrait immédiat du plan de formation rose-vert. L’école est un endroit d’apprentissage et de performance. Il faut immédiatement mettre un terme à l’endoctrinement idéologique contenu dans le plan de formation rose-vert.» Et le parti d’ajouter: «Nous nous opposons aux fondements de ce plan de formation plaçant l’endoctrinement idéologique au dessus de
l’apprentissage et la performance. Les qualités morales ne se développent qu’à travers un développement sain de la personnalité et par des modèles positifs. L’éducation sexuelle doit être adaptée à l’âge des élèves et ne pas favoriser une sexualisation précoce.»
L’AfD émet donc également de fortes critiques envers les nouvelles écoles communes uniques: «Nous n’acceptons pas
le principe idéologique de tout niveler comme cela se fait dans l’école commune unique. Nous ne créerons pas de telles écoles et ne contraindrons plus les Realschulen
à se transformer en écoles communes uniques. Il faut garantir la pérennité et l’accessibilité des formes scolaires traditionnelles, notamment les Realschulen et les lycées, également pour les régions décentralisées.»
Finalement l’AfD s’oppose aussi à l’hétérogénéité délibérée dans toutes les classes de tous les types scolaires prévue par la politique rose-verte: «Il faut réintroduire la recommandation obligatoire des enseignants du primaire. Cela ne revient en aucun cas à définir le parcours futur de l’élève. Le passage d’un type d’école à un autre est toujours possible lors de performances suffisantes.»

Cette manière autoritaire de gouverner doit être stoppée

Quiconque voyage en Bade-Wurtemberg et s’entretient avec ses concitoyens réalise rapidement que les critiques mentionnées par les partis d’opposition sont aussi celles qui préoccupent les citoyens. Cela s’est avéré vrai lors de tous les référendums locaux concernant la politique scolaire initiés par le gouvernement rose-vert au cours des 4 ans et demi écoulés. Il se pose donc une question sérieuse: pourquoi le gouvernement du Land de Bade-Wurtemberg gouverne-t-il consciemment contre la volonté du peuple?
Le style politique rose-vert prévalant dans le Land du Bade-Wurtemberg, ressemble beaucoup à la manière autoritaire avec laquelle le gouvernement fédéral allemand «gouverne». Où qu’on regarde, la volonté des citoyens est ignorée. Donc, la grogne des citoyens augmente. Il n’est pas trop
difficile de s’imaginer où cela va nous
amener. Il faut absolument stopper cette manière autoritaire de gouverner. Il faut relancer un dialogue honnête dans le domaine de la politique éducative, un dialogue d’égal à égal avec tous les citoyens – car les politiciens ne sont eux-aussi que des citoyens.    •
(Traduction Horizons et débats)