Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°28, 20 juillet 2009  >  Conférence des Nations Unies sur la crise financière et économique mondiale [Imprimer]

Conférence des Nations Unies sur la crise financière et économique mondiale

Déclaration de S. E. Miguel D’Escoto Brockmann, Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, à l’ouverture de la Conférence de haut niveau de New York du 24 au 26 juin 2009

Excellences,
Mesdames et Messieurs
les Présidents,
Premiers Ministres et Ministres des affaires étrangères,
Monsieur le Secrétaire général, Mesdames et Messieurs,
chers frères et sœurs,
Nous, représentants des Etats et gouvernements du monde, sommes ici réunis aujourd’hui parce que nous nous trouvons à un moment des plus cruciaux de l’histoire de l’humanité, où notre avenir commun est en jeu. Nous sommes certes citoyens de différentes nations mais, en même temps, nous sommes des citoyens du monde et avons tous, les uns avec les autres, de multiples relations d’interdépendance.

L’Arche de Noé nous sauvera tous

A ce moment déterminant, nous nous devons tous de joindre nos efforts pour éviter que la crise mondiale, sous toutes ses formes, ne devienne une tragédie sociale, écologique et humanitaire. Les graves problèmes que posent les diverses crises sont tous liés les uns aux autres et nous obligent tous autant que nous sommes, en tant que représentants des peuples de la Terre, à déclarer notre responsabilité les uns envers les autres et à rechercher ensemble, animés d’un immense espoir, des solutions concertées. Quel autre lieu que cette salle de l’Assemblée générale des Nations Unies peut mieux se prêter à cette re­cherche avec la participation de tous. Cette salle n’est-elle pas le lieu de la concertation démocratique mondiale par excellence, le siège du G192? De toute évidence, chaque Etat a la possibilité de déterminer son niveau de participation en fonction de l’importance qu’il attache au thème de chaque réunion.
Ce ne sera pas faire preuve d’humanité ni de responsabilité que de construire une Arche de Noé pour sauver le système économique actuel et, ce faisant, d’abandonner à son sort la grande majorité de l’humanité et de la laisser souffrir des effets néfastes d’un système imposé par une minorité irresponsable mais puissante. Nous devons prendre des déci­sions qui nous touchent tous collectivement dans toute la mesure du possible, notamment la grande communauté de la vie et notre maison commune, la Terre nourricière.

Tourner la page du passé et bâtir l’avenir

Nous devons, avant tout, tourner la page d’un passé d’oppression et bâtir un avenir d’espoir. Pour cela, force est de constater que la crise économique et financière actuelle est le résultat d’un mode de vie, de production et de consommation égoïste et irresponsable, selon lequel les relations établies entre la nature et nous constituent une agression systématique contre la Terre et son écosystème et entraînent un profond déséquilibre social, expression analytique qui masque la perversité d’une injustice sociale au niveau mondial. A mon sens, nous avons atteint l’ultime frontière. Nous sommes, semble-t-il, parvenus au bout du chemin parcouru jusqu’à présent et si nous continuons sur cette voie, nous risquons de subir le même destin tragique que les dinosaures.
Par conséquent, il ne suffira pas, à moyen et à long terme, de contrôler et de corriger le modèle actuel, même s’il faut nécessairement procéder à des contrôles et à des corrections, ceux-ci s’étant avérés incapables, de façon inhérente, de remédier à la crise mondiale. Se contenter de contrôler et de corriger le modèle témoignerait d’un manque cruel de sensibilité sociale, d’imagination et d’engagement pour l’instauration d’une paix juste et durable.
L’égoïsme et la cupidité ne sauraient être corrigés. Ils doivent être remplacés par la solidarité, ce qui implique, de toute évidence, un changement radical. Si nous recherchons véritablement la stabilité et une paix durable, il est absolument clair que nous devons aller au-delà des contrôles et des corrections du système actuel pour créer quelque chose qui tende vers un nouveau modèle de coexistence sociale.
Il est donc indispensable de rechercher ce que la Charte de la Terre appelle «un mode de vie durable». Cela implique une vision partagée des valeurs et principes favorisant une façon particulière d’habiter cette planète qui garantisse le bien-être des générations présentes et futures. Pour grand que soit le danger auquel nous faisons face du fait de la convergence de ces divers problèmes, plus grande encore est la possibilité de salut que la crise mondiale nous donne l’occasion de percevoir. Nous avons bâti une économie mondialisée. Le moment est venu d’élaborer une politique et une éthique mondialisées sur la base des nombreuses expériences et traditions culturelles de nos peuples.

Terre nourricière et éthique mondiale

Une nouvelle éthique suppose une nouvelle perception des choses. Autrement dit, une vision différente du monde donnera également naissance à une éthique différente, une nouvelle manière de communiquer.
Il nous faut intégrer le point de vue que nous proposent les prétendues «sciences de la terre», à savoir que la Terre fait partie d’un cosmos vaste et complexe en perpétuelle évolution. La Terre nourricière, pour reprendre la formule approuvée par l’Assemblée générale le 22 avril dernier, est vivante. Elle s’autorégule et maintient l’équilibre subtile entre le physique, le chimique et le biolo­gique, de sorte que la vie y est toujours favorisée. Elle produit une communauté de la vie unique d’où a émergé la communauté de la vie humaine, l’humanité, la partie consciente et intelligente de la Terre elle-même.
Cette notion contemporaine partage la vision ancestrale de l’humanité et des peuples autochtones pour lesquels la Terre a toujours été et est toujours vénérée comme la Mère, Magna Mater, Inana, Tonantzín, comme l’appellent les Náhuatl de mon pays, le Nicaragua, ou Pacha Mama, comme la nomme les Aymaras en Bolivie.
L’on s’accorde de plus en plus à penser que nous sommes tous les enfants, fils et filles, de la Terre et que nous lui appartenons. Comme nous l’a rappelé le Président Evo Morales à maintes occasions, elle peut vivre sans nous mais nous ne pouvons vivre sans elle.
Notre mission en tant qu’êtres humains est d’être les gardiens et les protecteurs de la vitalité et de l’intégrité de la Terre nourricière. Malheureusement, en raison de nos modes de consommation excessive et de gaspillage, la Terre a dépassé de plus de 40% sa capacité de remplacer les biens et services qu’elle nous offre généreusement. Cette vision de la Terre vivante est attestée par les astronautes qui, de leurs vaisseaux spatiaux, se sont dits émerveillés par le fait que la Terre et l’humanité constituaient une seule réalité. Ils ont vécu le phénomène connu sous le nom d’«Overview Effect», la perception que nous sommes si unis à la Terre que nous-mêmes sommes la Terre: la Terre qui sent, qui pense, qui aime et qui adore.
Cette perspective force le respect, la vénération et un sens des responsabilités et de soin pour notre habitat commun, autant d’attitudes qu’il importe d’adopter d’urgence compte tenu de l’état de dégradation générale actuelle de la nature.
De cette nouvelle perspective une nouvelle éthique a vu le jour. Une nouvelle manière pour nous de traiter avec tous ceux qui vivent dans notre habitation humaine et avec la nature qui nous entoure. Aujourd’hui, l’éthique est mondiale ou elle n’est pas éthique.

Axiomes d’une éthique du bien commun

La première affirmation de cette éthique mondiale consiste à définir et à sauvegarder le bien commun de la Terre et de l’humanité. Nous commencerons par poser que la communauté des peuples est simultanément une communauté d’intérêts communs. Nul ne peut s’approprier ces biens communs qui doivent servir à toutes les générations présentes et futures et à la communauté des autres êtres vivants.
Le bien commun de l’humanité et de la Terre est caractérisé par l’universalité et la liberté. Autrement dit, toutes les personnes, tous les peuples et l’ensemble de la communauté de la vie doivent y avoir part. Nul ne peut être exclu du bien commun mondial. En outre, de par sa nature, ce bien commun est offert librement à tous et ne peut donc pas être acheté ni vendu, ou faire l’objet de concurrence. Par ailleurs, il doit être toujours disponible pour tous, sinon il ne serait plus un bien commun.
Quels sont les biens fondamentaux qui constituent le bien commun de l’humanité et de la Terre? Le premier est sans aucun doute la Terre elle-même. A qui la Terre appar­tient-elle? Elle appartient, non pas aux puissants qui s’approprient ses biens et services, mais à tous les écosystèmes qui en constituent l’ensemble. C’est un don de l’univers issu de la Voie lactée, d’un soleil ancestral qui a disparu depuis longtemps et qui était à l’origine de notre soleil autour duquel la Terre tourne en tant que l’une des planètes. Du fait qu’elle est vivante et a produit tous les êtres vivants, la Terre a de la dignité (Dignitas Terrae). Cette dignité exige respect et vénération et lui confère des droits: le droit d’être soignée, protégée et entretenue dans un état où elle peut continuer de produire et de reproduire la vie.
Il nous faut encore reconnaître que les modes de production mondialisés, dans leur voracité industrielle, ont, dans une large mesure, dévasté la Terre et ont donc endommagé le bien commun de la Terre et de l’humanité. Nous devons rechercher de toute urgence d’autres voies plus humaines et plus favo­rables à la vie: les voies de la justice et de la solidarité qui conduisent à la paix et au bonheur.
Ensuite, nous avons la biosphère de la Terre en tant que patrimoine commun de toute vie, et l’humanité en est la gardienne. La biosphère est un bien commun de l’humanité et de la Terre, comme on l’a si bien dit à la Conférence des Nations Unies sur l’environnement de 1972: «[…] les ressources naturelles du globe, y compris l’air, l’eau, la terre, la flore et la faune, et particulièrement les échantillons représentatifs des écosystèmes naturels».
L’eau, les océans et les forêts en particulier appartiennent au bien commun de l’humanité et de la Terre. L’eau est une ressource naturelle qui est commune et essentielle, que rien ne peut remplacer et à laquelle tous doivent avoir accès, indépendamment des coûts liés à sa collecte, son stockage, sa purification et sa distribution, qui seront à la charge des gouvernements et de la société. Par conséquent, l’empressement à la privatiser et à en faire un bien marchand qui peut rapporter beaucoup d’argent constitue pour nous un grave sujet de préoccupation. L’eau est la vie et la vie est sacrée et ne devrait pas être commercialisée. La présente Assemblée tient à appuyer les efforts visant à conclure un pacte international de l’eau pour en assurer une gestion collective qui garantira cette ressource vitale pour tous.
On peut en dire de même des forêts, en particulier des forêts subtropicales où sont concentrées la plus grande diversité biolo­gique et l’humidité nécessaires pour la vitalité de la Terre. Les forêts empêchent les changements climatiques de rendre la vie impossible sur la planète en captant d’énormes quantités de dioxyde de carbone. Sans les forêts, il n’y aurait ni vie ni diversité biologique. Les océans servent de grand dépôt de la vie, régulent le climat et assurent l’équilibre de la base physique et chimique de la Terre. Les forêts et les océans posent une question de vie et non pas seulement d’environnement.
Le climat est un élément du patrimoine commun de l’humanité et de la Terre elle-même. Dans sa résolution 43/53 du 6 dé­cembre 1988, relative à la protection du climat mondial pour les générations présentes et futures, l’Assemblée générale a considéré son évolution comme une préoccupation commune de l’humanité, car il est l’une des conditions essentielles de la vie sur Terre. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, mieux connu sous son acronyme GIEC, considère que le changement climatique touche l’ensemble de l’humanité, et qu’il devrait y être répondu dans un cadre mondial de responsabilité partagée.
Mais le plus grand bien commun de l’humanité et de la Terre est l’humanité elle-même. Elle a une valeur suprême intrinsèque qui est une fin en soi. Elle fait partie du royaume de la vie, dont elle est une composante hautement complexe, capable de conscience, de sensibilité, d’intelligence, d’imagination créatrice, d’amour et d’ouver­ture envers tous. Toutes les cultures reconnaissent clairement le caractère inviolable de la dignité de l’humanité. Ceux qui font la guerre et fabriquent des instruments de mort capables d’éliminer la vie de la surface de la Terre et de porter gravement atteinte à la biosphère commettent des crimes contre l’humanité.
Par conséquent, mes chères frères et sœurs, nous ne devons plus attendre. Il nous faut réaliser sans retard l’élimination complète des armes nucléaires, et ne pas simplement nous limiter à en réduire le nombre ou à en garantir la non-prolifération. Il nous faut adopter d’urgence une tolérance zéro pour les armes nucléaires, et nous ne pouvons plus reporter les décisions dans ce domaine. La situation actuelle nous offre une occasion qu’il ne faut pas laisser passer. Le monde ne peut pas continuer à tolérer cette situation obscène qui consiste à consacrer des montants de plus en plus astronomiques aux armements, et des montants d’une faiblesse ridicule aux actions destinées à sortir la moitié de l’humanité d’un degré de pauvreté inexcusable qui, en outre, constitue une bombe à retardement pour toutes les sociétés. La violence génère la violence, et le fait de maintenir les peuples affamés et dans des conditions d’existence indignes de l’homme en constitue la pire forme.

Stratégies destinées à surmonter la crise

Aujourd’hui, alors que nous connaissons une crise mondiale il nous faut, pour le bien commun de la Terre et de l’humanité, prendre collectivement des mesures à court et à moyen terme pour, d’une part, préserver le bon fonctionnement de la société et, d’autre part, jeter les bases d’un nouveau mode de vie durable. Cinq éléments essentiels pourraient assurer la cohérence des initiatives en faveur de nou­velles solutions et permettre d’orienter les nombreuses pratiques qui seront examinées au cours des prochaines années par l’Assemblée générale.
Premièrement, une utilisation responsable et durable de ressources naturelles limitées, ce qui signifie dépasser le stade de l’exploitation et renforcer les liens et les synergies avec la nature.
Deuxièmement, remettre l’économie à sa place dans la société en général en abandonnant la vision réductrice qui l’a placée au cœur de la coexistence des hommes. L’économie devrait respecter des valeurs et ne pas être elle-même source de valeurs. Elle devrait être considérée comme une activité qui jette les bases de la vie physique, culturelle et spirituelle de chacun sur la planète, dans le respect des normes sociales et environnementales.
Troisièmement, étendre la démocratie à toutes les relations et institutions sociales. La démocratie ne devrait pas simplement être appliquée et renforcée dans la sphère poli­tique, avec pour corollaire une nouvelle définition de l’Etat et des organisations internationales, mais être étendue à l’économie, à la culture et aux relations entre hommes et femmes afin qu’elle devienne une valeur universelle permanente.
Quatrièmement, créer un système minimum de valeurs communes fondées sur l’échange entre les cultures et sur les traditions philosophiques et religieuses des peuples, afin que tous puissent participer à la définition de ce qu’est le bien commun de l’humanité et de la Terre et à la conception de nouvelles valeurs.
Cinquièmement enfin, renforcer une vision spirituelle du monde qui reconnaisse à sa juste valeur la recherche du sens profond de la vie, de l’action créatrice de l’homme et de notre brève présence sur cette petite planète. Le bien-être de chacun, comme de l’ensemble de la société et de la planète, passe nécessairement par la concrétisation de ces cinq éléments essentiels. Pour cela, il faut que l’économie réponde de manière suffisante et décente aux besoins de l’ensemble de la collectivité, au sein de laquelle chacun vit en harmonie avec l’autre, avec la nature et avec le Tout dont nous ne sommes qu’un des éléments.
Telles sont les fondations d’une bio-civilisation qui reconnaît un rôle central à la vie, à la Terre et à l’humanité et dont les cito­yens sont les fils et les filles de la joie et non du besoin.

Quatre principes éthiques fondamentaux

Pour pouvoir relever ces défis, il sera indispensable de changer nos esprits et nos cœurs et de créer l’espace nécessaire à l’apparition et au développement d’autres aspects essentiels de l’homme. Aujourd’hui, l’utilisation exclusive et excessive du raisonnement analytique nous a rendu sourds à l’appel de la Terre et insensibles aux pleurs des opprimés qui constituent la vaste majorité de l’humanité. Au plus profond de nous-mêmes, nous sommes des êtres d’amour, de solidarité, de compassion et de partage. C’est pourquoi il nous faut compléter le raisonnement analy­tique par un raisonnement fondé sur la sensibilité, l’émotion et la compassion, sources des valeurs mentionnées.
Le bien commun de l’humanité et de la Terre est une réalité dynamique en évolution constante. Il importe, pour le maintenir en vie et ouvert à une nouvelle évolution, de respecter quatre principes éthiques.
Le premier de ces principes est le respect. Chaque être humain a une valeur intrinsèque et peut contribuer au bien de l’humanité s’il est guidé non par une éthique purement utilitaire, telle que celle qui domine dans notre système socioéconomique actuel, mais par un sentiment d’appartenance mutuelle, de responsabilité et de préservation de l’existence.
Deuxièmement, le souci de l’autre. Cela implique d’avoir une attitude non agressive à l’égard de la réalité, une attitude d’amour qui cicatrise les blessures passées, évite les blessures futures et qui concerne tous les domaines de l’activité humaine, individuelle et sociale. S’il avait existé un véritable souci de l’autre, la crise économique et financière actuelle ne se serait pas produite. Le souci de l’autre est intrinsèquement lié à la préservation de la vie parce que lorsqu’il est absent, la vie s’affaiblit puis disparaît.
En Orient, ce souci de l’autre s’exprime par la compassion, tellement nécessaire aujourd’hui alors qu’une grande partie de l’humanité et la Terre elle-même sont meurtries et crucifiées dans une mer de souf­frances. La société de marché, animée davantage par la concurrence que par la coopération, manque cruellement de compassion envers tous les êtres de la société et de la nature qui souffrent.
Le troisième principe est celui de la responsabilité collective. Nous dépendons tous de l’environnement et les uns des autres. Nos actions peuvent être bénéfiques ou nuisibles à la vie comme au bien commun de la Terre et de l’humanité. Les nombreuses crises actuelles sont dans une large mesure le résultat d’un manque de responsabilité dans nos projets et pratiques collectifs, qui a provoqué un déséquilibre au niveau mondial des marchés comme du système terrestre.
Le quatrième principe est la coopération. Si nous ne coopérons pas tous ensemble, nous ne sortirons pas plus forts des crises actuelles. La coopération est à ce point essentielle que par le passé elle a permis à nos ancêtres anthropoïdes de faire le saut qui les a amenés de l’animalité à l’humanité. Lorsqu’ils trouvaient de la nourriture, ils ne mangeaient pas seuls chacun dans leur coin, mais amenaient ce qu’ils avaient afin de le partager avec les autres membres du groupe, dans un esprit de coopération et de solidarité. Ce qui était essentiel alors l’est toujours aujourd’hui.
Enfin, il existe une croyance qui relève du bien commun de l’humanité, une croyance qui vient des traditions spirituelles et est affirmée par des cosmologistes et des astrophysiciens contemporains, selon laquelle derrière l’ensemble de l’univers, comme derrière chaque être, chaque personne, chaque événement et même la crise actuelle, se trouve une énergie fondamentale, mysté­rieuse et ineffable, également connue comme la source nourricière de tout être. Nous sommes certains que cette énergie, qui n’a pas de nom, se manifestera également en cette période de chaos, afin de nous aider et de nous donner les moyens de sur­-
monter notre égoïsme, de prendre les mesures nécessaires pour éviter la catastrophe et de saisir l’occasion qui nous est donnée par la crise actuelle pour créer et donner naissance à de nouvelles formes de coexistence et de modèles économiques ainsi qu’un sens plus affirmé à la vie et à la vie en commun.

Conclusion: Ceci n’est pas une tragédie, mais une crise

En conclusion, je voudrais qu’il soit pris acte de ma profonde conviction que la situation actuelle n’est pas une tragédie, mais une crise. Une tragédie se finit mal, avec une Terre endommagée mais qui peut continuer sans nous. La crise nous purifie. Elle nous force à grandir et à trouver des moyens de sur­vivre acceptables par l’ensemble de la communauté vivante, par les hommes comme par la Terre. La souffrance que nous ressentons maintenant n’est pas celle qui accompagne le râle d’un homme sur le point de mourir, mais celle d’une renaissance. Jusqu’à présent, nous avons pleinement exploité un capital matériel fini, et il nous faut désormais travailler avec le capital spirituel, qui est infini, parce que nous avons une capacité infinie à aimer, à vivre ensemble en tant que frères et à pénétrer les mystères de l’univers et du cœur de l’homme.
Etant donné que nous provenons tous du cœur des grandes étoiles rouges où ont été forgés les éléments qui nous composent, il est clair que nous sommes nés pour faire briller notre lumière et non pour souffrir. Et notre lumière brillera à nouveau – j’en suis convaincu – dans une civilisation planétaire davantage respectueuse de la Terre notre mère, davantage ouverte à tous les peuples et davantage solidaire avec les plus pauvres, c’est-à-dire empreinte d’une plus grande spiritualité, pleine de révérence pour la splendeur de l’univers, et beaucoup plus joyeuse.
Ces mots marquent le début de nos débats à l’occasion de cette conférence très importante sur la crise économique et financière. En définissant ainsi le contexte général dans lequel aborder ces questions, je souhaite insister sur le fait qu’il nous faut mettre de côté nos attitudes égoïstes si nous voulons pouvoir saisir les occasions que la crise actuelle nous offre. De telles attitudes n’ont d’autre but que de maintenir un système qui semble bénéficier à une minorité et qui a clairement des conséquences catastrophiques pour la grande majorité des habitants de la planète. Il faut nous armer de solidarité et de coopération afin de faire un bond qualitatif vers un avenir de paix et de bien-être.
Permettez-moi, mes chers frères et sœurs, de citer en conclusion les paroles du Saint-Père, le pape Benoît XVI, pour cette conférence:
«J’invoque pour tous les participants à la Conférence, ainsi que pour les responsables de la vie publique et de l’avenir de la planète, un esprit de sagesse et de solidarité humaine, afin que la crise actuelle se transforme en une occasion, capable de favoriser une plus grande attention à la dignité de chaque être humain et de promouvoir une répartition égale du pouvoir de décision et des ressources, en accordant une attention particulière au nombre malheureusement sans cesse plus grand de pauvres.»
Je vous remercie.     •

Source: www.un.org/ga/econcrisissummit/stt_day24.shtml

(Traduction Horizons et débats)

«Nous devons conjuguer nos forces et nos esprits»

Les multiples crises qui nous frappent actuellement exigent des réponses immédiates ainsi qu’une planification sur le long terme en faveur des personnes les plus démunies, en Afrique tout particulièrement. Nous devons conjuguer nos forces et nos esprits pour aborder les problèmes imputables à l’injustice, à la pauvreté, à la vulnérabilité et à l’exclusion. Nous devons rendre notre système économique et financier, tout comme nos mécanismes d’aide, plus transparents, plus ouverts et plus participatifs, notamment en renforçant l’intégration des économies émergentes. Améliorer la coopération au développement est essentiel.
Nous plaçons notre confiance dans des institutions financières internationales réformées et dans leur rôle capital pour assurer la stabilité du système écono­mique et financier. Faisons de même avec les Nations Unies, créées dans une perspective humaniste pour promouvoir un monde meilleur pour tous. Le Conseil des chefs de secrétariat a exposé neuf initiatives conjointes en réponse aux multiples facettes de la crise; elles respectent les mandats et responsabilités des organisations onusiennes. Nous adhérons pleinement à cette approche, qui engage les organisations onusiennes à faire preuve de cohérence et de coordination pour donner à la crise une réponse rapide et efficace.

Source: Extrait de la déclaration du 25 juin 2009 de M. Martin Dahinden, directeur de la Direction du développement et de la coopération (DDC) et chef de délégation de la Suisse à New York.