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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°53, 28 décembre 2012  >  La FINMA, une autorité fédérale de contrôle bancaire émancipée? [Imprimer]

La FINMA, une autorité fédérale de contrôle bancaire émancipée?

Hommage critique à son développement

Hans-Jacob Heitz *

FINMA – fonction, devoir et compétences

L’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers FINMA a été créée sur la base des articles 95 et 98 de la Constitution fédérale et a débuté ses activités le 1er janvier 2009 en tant qu’autorité de surveillance intégrée. Elle a remplacé la Commission fédérale des banques CFB, l’Office fédéral des assurances privées OFAP et l’Autorité de contrôle en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, respectivement a réuni leurs fonctions et devoirs en une seule autorité de surveillance avec le but déclaré de renforcer la surveillance des marchés financiers et de pouvoir se positionner comme partenaire égal au niveau international.
La FINMA est une société de droit public et comparable à une autorité judiciaire. Elle surveille les banques, les assurances et d’autres intermédiaires financiers. La condition pour un fonctionnement de la FINMA orienté au but est son autodétermination ou autonomie institutionnelle, c’est-à-dire d’une part son indépendance de la politique et de l’économie, notamment des banques, et de l’autre part la transparence et la lisibilité de ses activités.
La FINMA a pour but de protéger les créanciers, les investisseurs et les assurés, et d’assurer le bon fonctionnement des marchés financiers. Elle contribue ce faisant à améliorer la réputation et la compétitivité de la place financière suisse. La FINMA est aussi instance de réglementation. Elle est associée aux processus législatifs et elle édicte ses propres circulaires et ordonnances lorsqu’elle y est habilitée. Elle tient aussi compte des standards minimaux internationaux, du pouvoir d’innovation et de la compétitivité du marché financier, ainsi que des possibilités d’autorégulation.
Lors de l’adoption de lignes directrices pour les principes de réglementation qu’elle doit observer, elle est tenue de se concerter avec le Département fédéral des Finances en tant que représentant du Conseil fédéral. La FINMA est soumise à la haute surveillance de l’Assemblée fédérale, elle doit informer le public au moins une fois par an sur ses activités et sa pratique de surveillance. Dans la mesure où il y a eu une violation grave du devoir de fonction, la FINMA est elle-même responsable de ses actes, et la loi sur la responsabilité est déterminante pour elle et pour ses mandataires.
Envers la FINMA, les assujettis sont soumis au devoir d’information et de déclaration automatique. La FINMA peut ouvrir une procédure, exiger le rétablissement de condition conforme aux règles, édicter une décision de constatation, retirer des licences, prononcer des interdictions professionnelles, confisquer des gains réalisés de manière illégale, ainsi que décréter elle-même la liquidation avec faillite d’une entreprise. Ses décisions peuvent être contestées en première instance avec plainte auprès du Tribunal administratif fédéral. Quiconque viole la législation sur les marchés financiers peut être puni de prison et/ou d’une amende allant jusqu’à un million de francs.

FINMA – jusqu’à présent un tigre sans dents, qui cimente l’impuissance des petits actionnaires

Nous nous rappelons tous de l’effondrement d’UBS SA, qui n’était pas du tout dû au hasard, mais le résultat de grosses erreurs et de spéculations erronées, accompagnées de l’avidité et de l’arrogance de la direction et du conseil d’administration. Particulièrement problématique s’est avéré le fait que les fonctions du CEO et de la présidence du conseil d’administration était les deux exercées par Marcel Ospel. UBS SA n’a pu être sauvée que par l’intervention étatique directe du Conseil fédéral et de la Banque nationale suisse et grâce à des injections d’argent des contribuables, ce qui est, du point de vue interventionniste, aussi surprenant que préoccupant. La remarque qu’UBS SA est une entreprise «too big to fail» ne peut rien y changer, surtout qu’aujourd’hui la direction et le conseil d’administration peuvent continuer à vivre et à œuvrer dans la certitude qu’en fait ils auront toujours droit à une garantie d’Etat.
Du point de vue des petits actionnaires et des actionnaires privés, il est spécialement fâcheux car nous avons déjà très tôt critiqué sans succès les dangereuses affaires immobilières concernant les subprimes aux Etats-Unis ainsi que la réduction continue des fonds propres. Nous ne nous sommes pas seulement exprimés à ce moment-là sur ces développements dangereux qui étaient directement liés à l’objectif de Marcel Ospel de faire d’UBS SA la plus grande banque au monde – un but mégalomane, totalement opposé aux valeurs suisses! –, mais aussi lorsque le nouveau CEO Oswald Grübel exigeait plus de risques pour la banque d’investissement et un rendement de 15 milliards pour la banque. Déjà en automne 2010, c’est-à-dire une année avant le scandale de Londres de l’agent Kweku Adoboli, j’ai prié la FINMA dans un courrier, de faire des contrôles auprès de la banque d’investissement d’UBS car il fallait absolument empêcher qu’UBS SA s’effondre encore une fois à cause de ses buts mégalomanes. Lorsque je lui ai demandé spontanément lors de l’assemblée des actionnaires quels étaient ses objectifs, Oswald Grübel m’a répondu laconiquement: «Laissez-vous surprendre!» La surprise est survenue en septembre 2011, lors de la découverte des grosses pertes en bourse à l’Exchange-Traded-Fund-Desk londonien causé par l’agent de change et directeur, Kweku Adoboli (Question: faut-il vraiment que chaque employé d’UBS soit directeur?), suite à quoi plusieurs milliards ont disparu dans la Tamise. Cela n’a été possible que suite à une grave ignorance des erreurs de coordination connues, de bilans comptabilisés de manière erronée et de montants non élucidés totalisant plus d’un milliard. Ces signes d’alarme existants et les bénéfices étonnamment hauts du commerce personnel pratiqué par Adoboli ont été négligés de manière irresponsable par les organes de contrôles et la direction. Entre temps Adoboli a été condamné en tant que malfaiteur isolé, ce qui ne doit pas tromper sur le fait qu’avec des contrôles suffisants, on aurait, au sein d’UBS, pu prendre connaissance de ces pratiques commerciales arbitraires et intervenir à temps. Il est assez préoccupant que l’instruction pénale n’ait pas été élargie et que les vraies causes n’aient pas été analysées. Devant le tribunal, la direction d’UBS s’est retranchée dans le silence.
Il est aussi inquiétant, que malgré le refus de décharge pour l’exercice 2007, les responsables tels Marcel Ospel, Peter Wuffli et al. n’ont pas été inquiétés et qu’on tente aujourd’hui encore d’occulter tous les problèmes survenus au niveau de la direction.
Notre intention, portée par un grand nombre de petits actionnaires et d’actionnaires privés en commun avec l’organisation Actares, de mettre à l’ordre du jour de l’assemblée générale 2011 une plainte de responsabilité, demandant que le conseil d’administration soit mis à contribution, a été sabotée par le conseil d’administration à l’aide de moyens illicites; ainsi ils ont refusé à plusieurs actionnaires l’émission des confirmations du dépôt nécessaires. Ainsi, nous avons manqué de peu le quorum nécessaire pour la mise au point de l’ordre du jour.
La FINMA, que nous avons informé de ce comportement à mon avis contraire aux règles bancaires et aux droits des sociétés anonymes, n’en a rien voulu savoir et nous a renvoyé au juge civil. Cependant les petits actionnaires ne peuvent simplement pas se payer de tels procès, d’autant plus que selon le code de procédure civile fédéral il y a les avances à payer qui peuvent dans un tel cas bel et bien s’élever à un montant à six chiffres.
Si la direction de la banque fixe des buts mégalomanes, elle crée des attraits totalement faux, qui trouvent un terrain propice auprès d’employés éperonnés par la cupidité engendrée par le fléau des bonifications difficiles à éliminer. Je parie que cela ne va pas changer de si tôt!
Aujourd’hui on ne peut pas exclure, que tôt ou tard de semblables scandales apparaîtront, parce que la culture de l’entreprise UBS SA n’a pas assez changé malgré toute déclaration dans ce sens. Depuis des années, le code éthique existant n’est pas suivi, c’est pourquoi il n’a pas plus de valeur que le papier sur lequel il est écrit. Pour ce manque de culture, l’ancien président du conseil d’administration Kaspar Villiger a une partie de responsabilité à porter, car ce qu’il a, lors de son élection, assuré à l’assemblée générale, est resté lettre morte. Je doute qu’il y aura un changement avec Axel Weber, car les lettres que nous lui avons envoyé sont restées sans réponse, ce qui ressemble de nouveau à l’arrogance défavorable de la «Corporate Governance».
Ainsi il reste un arrière-goût, comme quoi la FINMA n’a jusqu’à présent, c’est-à-dire jusqu’à sa dernière intervention longtemps en souffrance, pas assez soigneusement contrôlé UBS SA.

CFB et FINMA – soupçons de conflits d’intérêts

Il se pose donc toujours la question de savoir quelle pourrait être une explication réaliste pour l’inactivité flagrante de la FINMA, et pourquoi elle n’est intervenue activement que lors du second événement majeur au sein d’UBS.
Dans ce contexte, il ne faut pas oublier que le chef de la commission précédente, la CFB (Commission fédérale des banques), et qui a ensuite été le premier directeur de la FINMA, était Eugen Haltiner qui avait auparavant été directeur général d’UBS SA et aussi un «papable» du conseiller fédéral Merz, lui aussi un proche d’UBS. Indépendamment de la question de savoir si l’on veut reprocher à Haltiner des négligences ou pas, le conflit d’intérêts étant objectivement établi, il était incompréhensible pourquoi il n’a pas, par respect des intérêts d’ordre supérieur, renoncé à la présidence de la FINMA ou, au moins mis à disposition sa fonction lors de l’effondrement d’UBS.
Ainsi, déjà la CFB se caractérisait par sa proximité exagérée face aux grandes banques, éliminant par des verdicts de liquidation tout ce qui pouvait concurrencer les banques, en négligeant dans un grand nombre de cas les intérêts des créanciers, ce qui revient à dire que la CFB, même si c’était une partie de ces tâches qui lui étaient octroyées par la loi, ne se souciait peu de leurs intérêts, mais se concentrait sur les intérêts des grandes banques. Là aussi on pourrait rétrospectivement reconnaître un conflit d’intérêts.
Aujourd’hui, tout semble montrer que la FINMA a réussi à se débarrasser de ce défaut en plaçant à la présidence Anne Héritier Lachat, une personnalité moins proche des grandes banques. Cela a été et est très important pour la crédibilité de la FINMA.

FINMA – intervention problématique dans le travail opératif d’UBS SA, qui conduit à une perte d’autonomie de la banque

Il est connu que la FINMA a entamé en décembre 2011 une procédure formelle de droit de contrôle contre UBS, lui imposant – suite à des manquements de contrôle dans les domaines «des opérations», «des produits» et «des risques» ainsi que dans les responsabilités de surveillance – de lourdes obligations telles que, par exemple, des restrictions des capitaux ainsi que, pour la banque d’investissement, une interdiction d’acquisitions en combinaison avec le devoir d’obtenir une autorisation préalable pour des initiatives commerciales à complexité opérationnelle accrue.
Cela ne signifie rien d’autre qu’UBS SA a perdu une partie de son autonomie entrepreneuriale. Mesuré aux obligations concernant avant tout les affaires de la banque d’investissements, on a le droit de se poser la question de savoir si UBS SA a réellement décidé elle-même – comme elle le fait croire à ses investisseurs et au public – de démanteler de façon décisive, cette partie de ses affaires. Les doutes sont permis, et il n’est pas exclu que cela provoquera, lors de la prochaine assemblée générale, des questions de la part des actionnaires.
A première vue, cette intervention de la FINMA semble être objective et sensée, elle lui offre la poussée de crédibilité dont elle avait besoin, mais en y regardant de plus près, on doit quand-même se poser des questions fondamentales concernant la tâche qui lui est confiée par le droit. La FINMA n’a-t-elle, avec le procédé qu’elle a choisi, pas dépassé le cadre de ses fonctions légales de surveillance? Elle a d’une certaine manière pris une coresponsabilité opérative, avec laquelle elle court évidemment le risque d’être impliquée, lors d’une nouvelle débâcle, dans la répartition des responsabilités et de se trouver dans un nouveau conflit d’intérêts, d’autant plus que, le cas échéant, elle pourrait être sollicitée en matière de la responsabilité pénale. Comme expliqué au début, la question sera tranchée en recourant à la Loi sur la responsabilité, ce qui veut dire que c’est l’Etat qui devra assumer la responsabilité et ainsi, une fois de plus, le contribuable.
Dans ce contexte, une autre question se pose, celle de savoir qui, en effet, surveille la FINMA.
Du point de vue juridique, ce sont tout d’abord les Chambres fédérales, même si la FINMA opère en accord avec le Département des Finances. Bien souvent on a l’impression que c’est plutôt la FINMA qui dirige le Département des Finances que le contraire, impression qui est illustrée par les cas tragiques de la livraison des données bancaires aux Etats-Unis ou par l’attaque inamicale des investisseurs sur Sulzer SA. Il faut pourtant se demander sérieusement, si les parlementaires fédéraux, à quelques rares exceptions près, ne sont pas débordés lors de processus d’une pareille complexité.
L’expérience montre que la politique fédérale est lente et agit de manière réactive au lieu d’être proactive, ce qui rend improbable que, dans le cas d’un nouveau fiasco, on puisse réagir à temps si l’on ne se rend pas compte des expériences douloureuses du passé en y remédiant, finalement, de façon définitive.

Conclusions

Dans le passé, la surveillance bancaire fédérale se désignait par une trop grande proximité et dépendance des grandes banques. Cela explique en partie que la quasi-banqueroute d’UBS SA a pu avoir lieu. Dans la perspective de la politique d’ordre et dans un contexte démocratique, la surveillance parlementaire sur la FINMA est sensée, mais elle ne décharge pas les partis politiques, de mieux prendre en compte l’aspect de cette fonction de surveillance complexe, lors du choix de leurs candidats pour le Parlement fédéral. La commission respective devrait aussi disposer de moyens encore plus efficaces. Les liens assez opaques entre le Département des Finances et la FINMA devrait aussi un jour être examinés de manière approfondie.
Quant à la direction perspicace et courageuse de la FINMA par Anne Héritier Lachat, les conclusions sont toutes positives. Ceci en dépit d’une légère critique face à la récente intervention concernant UBS SA, que cette banque doit s’attribuer à elle-même. Selon les évolutions au sein d’UBS, il sera certainement plus facile pour la FINMA de lâcher les brides que de les resserrer.
Et pour terminer un proverbe chinois : «Si tu veux apprendre quelque chose, demande un homme avec grande expérience et pas un savant!»    •
(Traduction Horizons et débats)

*Hans-Jacob Heitz, études de droits à l’Université de Zurich, avocat et ancien juge au Tribunal administratif fédéral, protecteur des investisseurs et fondateur de la Schutzvereinigung Schweizer Anleger SVSA.