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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°2, 17 janvier 2011  >  L’époque de surabondance ne durera plus à l’infini [Imprimer]

L’époque de surabondance ne durera plus à l’infini

Allocution de Hansjörg Walter, Président de l’Union suisse des paysans

L’exemple d’Andreas Zehnder illustre comment en Suisse, dans le petit pays que nous sommes, il existe déjà beaucoup de rivalités concernant l’utilisation du sol. D’un côté, il y a une population croissante, qui a besoin d’espace pour vivre, qui nécessite la mise en place de nouvelles infrastructures, mais qui doit aussi être nourrie. Toute la question est de savoir comment nous pouvons utiliser du mieux possible un espace limité, tout en préservant suffisamment de surfaces d’assolement pour l’avenir.
D’ailleurs, l’endroit où nous nous trouvons permet très bien d’illustrer à quel point nous jouissons, aujourd’hui en Suisse, d’une situation privilégiée. Nous pouvons nous permettre de faire venir des quatre coins de la planète tout ce que nous ne pouvons ou ne voulons pas produire nous-mêmes ici. Nous vivons dans un monde de surabondance où tout est disponible à tout instant. A quelques mètres d’ici se trouve la centrale de distribution de Coop, qui veille à ce que les rayons des magasins soient toujours bien remplis partout en Suisse. Juste à côté se trouve le complexe commercial Westside, où Migros vend des produits alimentaires provenant du monde entier. Ceux qui ont voulu manger des framboises à Noël n’ont pas dû s’en priver. Du poisson du Vietnam, des fruits de Nouvelle-Zélande, des fines herbes d’Afrique? Les magasins en regorgent au quotidien.
Ces produits suscitent toutefois aussi des incertitudes: comment le poisson a-t-il vécu au Vietnam, comment était-il nourri, comment a-t-il été tué? La production était-elle durable, sans répercussions négatives sur l’écosystème? Les pêcheurs ou les producteurs ont-ils obtenu un prix équitable? Et les fines herbes d’Afrique: ont-elles été irriguées en puisant dans les rares réserves d’eau potable de la population locale? Mon intention n’est pas de dénigrer ces produits. J’aimerais plutôt insister sur le fait que ce n’est que si nous produisons nous-mêmes sur place que nous aurons aussi notre mot à dire sur ces questions. A propos de notre politique agricole. Elle représente la pierre angulaire de la souveraineté alimentaire. Et répétons-le: il n’est pas question d’autarcie et d’un deuxième Plan Wahlen. Il est question de liberté de choisir – et que le «de production suisse» reste une option possible. Non seulement aujourd’hui mais aussi demain et en 2050.
Les explications de Hans-Jörg Lehmann concernant l’évolution mondiale ont montré que l’époque de surabondance ne durera plus à l’infini. Des efforts sont nécessaires afin de préserver les sols fertiles, afin de faire un usage raisonné de la précieuse ressource que représente l’eau et des matières premières tarissables comme les engrais. Même si nous ne serions pas les premiers à souffrir d’une raréfaction des ressources, il s’agit néanmoins d’une responsabilité que nous partageons tous ensemble.    •

Source: Conférence de presse de rentrée de l’Union suisse des paysans USP du 4 janvier 2011 à Berne. www.sbv-usp.ch

Hansjörg Walter: «Bien sûr, nous pouvons simplement acheter partout dans le monde et importer, mais à la longue cela créera des problèmes: Nous importons des denrées de régions où la famine va augmenter, où le pouvoir d’achat n’est pas si haut, et alors c’est une question d’éthique, comment nous nous nourrissons et d’où les aliments viennent.»

Source: Radio DRS, Trend, Das Wirt­schaftsmagazin du 8/1/11

«Les conclusions politiques sont évidentes: les produits agricoles doivent être exclus des accords de libre-échange. Des droits de douane et des restrictions commerciales afin de protéger l’agriculture sont principalement justifiés, puisque le libre-échange n’augmente dans la plupart des pays ni prospérité ni qualité de vie. Cela est vrai pour la majorité des pays industrialisés ainsi que pour les pays en voie de développement. C’est seulement si ces derniers ont la possibilité de protéger leur agriculture que l’approvisionnement local en denrées pourra être garanti. Des restrictions commerciales permettent à ces pays de ne pas être submergés par des produits agricoles bon marché provenant des pays industrialisés qui les subventionnent pour réduire artificiellement le prix.  De telles restrictions commerciales rendent le dumping sans intérêt, aussi du point de vue économique.
Dans les pays industrialisés, l’approvisionnement en denrées en tant que tel est le moindre problème. Mais il est difficile d’atteindre les buts fixés pour la politique agricole, tels que la sécurité d’approvisionnement en produits agricoles sains, le maintien de terres arables et de la biodiversité, et une exploitation écologique. Sans restrictions commerciales ces buts ne peuvent se réaliser qu’avec des subventions toujours plus massives. Une réduction accentuée des restrictions commerciales, avec des subventions constantes, oblige par contre les paysans à abandonner tôt ou tard leur travail. Le libre-échange ne mène pas à des paysans libérés, comme cela a été prétendu récemment, mais au contraire vers une élimination des paysans dans bien des pays industrialisés. Ce qui va rester ce sera d’une part quelques gros paysans spécialisés (cochon gras, volaille) et d’autre part quelques petits producteurs de spécialités locales (surtout du fromage), qui contribueront à l’image locale, comme les joueurs du cor des Alpes ou de la tyrolienne contribuent à l’image touristique de l’Autriche, de la Bavière ou de la Suisse. Si l’on veut préserver la paysannerie à part entière, cela fonctionne en libre marché, seulement avec une augmentation constante des subsides aux paysans. De cette façon, ils deviennent rapidement des employés payés par l’Etat, qui ne sont en fait que des caricatures de ce qu’on appelait jadis un paysan.»

Source: Binswanger, Mathias, Globalisierung und Landwirtschaft. Mehr Wohlstand durch weniger
Freihandel. ISBN 9-783854-525837, pages 56s.