Démesure, envie ou escroquerie?A propos de la discussion allemande sur les salaires à hauteur de millions et les salaires minimumspar Gisbert OttoEn l’espace de 20 ans les émoluments des cadres des entreprises allemandes du Dax-30 sont passés de 14 à 44 fois le salaire des employés – et, dans le cas de la Poste allemande, à 87 fois. Pour justifier ces hautes rémunérations de manager on pouvait lire dans la presse les différentes prises de positions suivantes: «Une société qui a rapidement tendance à prendre les chefs d’entreprises pour des voleurs, n’est pas mûre.» «Personne ne s’irrite des gages à hauteur de millions pour un pilote comme Michael Schumacher ou un footballeur comme Michael Ballack.» Le président du syndicat des entrepreneurs Hundt a dit à la radio Deutschlandfunk: «Les salaires des managers ne sortent pas du cadre lors d’une comparaison internationale.» Même Robert Oswald, président du comité d’entreprise du consortium BASF, qui «défend les intérêts des salariés dur comme fer», veut sortir la discussion du «coin des envieux» et trouve les salaires des managers tout à fait dans les normes. La plupart des commentaires avaient cette teneur, même en évoquant également les débordements des primes de licenciement des managers. Le chef du SPD Beck réfléchit même à une loi qui interdirait ce genre d’indemnisation à coup de millions. L’accent est mis cependant sur le fait qu’à la base la liberté de contrat est valable; la politique n’a rien à voir là-dedans. Le véritable scandaleLes débordements des salaires des managers sont un scandale; ils contredisent à notre sentiment de justice. Le véritable scandale est cependant l’indifférence par rapport aux salariés. Les responsables ne se soucient pas du bien-être des salariés. Au contraire: les hauts salaires que les managers s’accordent entre eux, doivent être payés par les salariés, dont les revenus stagnent. C’est cela la grande escroquerie! Tandis que les uns n’en ont jamais assez d’amasser de l’argent, les autres ne savent pas comment joindre les deux bouts. Le fait que les responsables regardent sans rien faire, c’est cela la vraie honte et l’inhumain, et les principaux responsables économiques n’accordent probablement même pas une pensée à cela. Par contre, le paiement d’un salaire minimum est refusé avec véhémence, et cela par «souci» du risque de mettre des postes de travail en péril. Ce point de vue de la situation à sens unique est grave, car on ne se pose apparemment pas de questions sur le fait que les salaires versés doivent suffire à financer le coût de la vie. Au lieu de cela on parle officiellement de croissance économique, qui n’est cependant pas perçue par la majorité des salariés. Cette escroquerie existe depuis des décennies. Elle n’est pas seulement couverte par le plus haut poste, mais aussi par tous les niveaux du gouvernement et par presque tous les médias. Ainsi, la chancelière Angela Merkel a dit, le 22 novembre 2007, lors du débat sur le budget, que la population profite également du développement positif. «La croissance atteint les gens. C’est la bonne nouvelle» dit-elle. A-t-elle vraiment voulu parler de la population? L’appauvrissement de la population est programmé
Nous devons supposer que Madame Merkel connaît très bien tous ces chiffres. Ils ne sont pourtant pas à l’ordre du jour, parce que l’Europe trotte toujours à la traîne derrière les USA et se déclare en faveur du système économique américain – le néolibéralisme. Le président américain Ronald Reagan et la Première ministre britannique Margaret Thatcher ont installé ce système dans les années 80. Reagan parlait du «Trickle down economics», qui signifie en bref: «Si les riches se portent bien, alors il en reste un peu pour les autres.» Le côté élitaire de cette phrase crève les yeux aussitôt. Mais il y a eu encore pire. Après la chute du mur de Berlin, le capitalisme a complètement jeté les masques. Dès lors, il n’avait plus besoin d’être social, puisque le socialisme n’existait plus comme contre-mouvement. Dans les années précédentes il fallait encore prouver que le capitalisme sert l’homme davantage que le socialisme. Avec l’effondrement du socialisme en Europe de l’Est et la dissolution de l’Union soviétique, cela n’était plus nécessaire. Au lieu de cela la vente et le profit ont été élevés au rang d’idoles; peu importe ce que cela signifie pour l’homme. Les conséquences de cette politique deviennent nettement visibles aujourd’hui. Aux USA elles sont catastrophiques: environ 47 millions d’Américains n’ont pas de caisse-maladie; 20 % des Américains sont analphabètes. Voulons-nous aussi cela? Sûrement pas. Mais pour mieux comprendre ces évolutions, nous devons connaître les aiguillages politiques faits dans les années 90. L’Europe doit prendre son propre cheminLes protestations contre cette indigne évolution viennent aujourd’hui moins du côté des syndicats que de celui de l’Eglise. Radio Vatican le dit clairement dans son annonce du 10 décembre: «Si l’on parle actuellement d’un essor économique en Allemagne, cela est hypocrite, s’il est réalisé sur le dos des gens […]. Ce qui est exigé des gens, cela est dégradant […]. Le salaire payé doit permettre entre autres à conduire une vie digne pour soi et pour les siens […].» «Les bas salaires sont indignes»Le 10 décembre était le jour commémoratif des «droits de l’homme». Ce jour rappelle l’adoption de la Déclaration des Droits de l’homme par l’Assemblée générale de l’ONU, le 10 décembre 1948. Les violations des droits de l’homme continuent malgré cela d’être à l’ordre du jour. C’est pourquoi l’ONU lance maintenant une campagne d’une année, c’est à dire jusqu’au 60e anniversaire de la déclaration, qui aura lieu en 2008. Source: Radio vaticane du 10/12/07 |