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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°51, 10 décembre 2012  >  La structure des petites exploitations a un avenir [Imprimer]

La structure des petites exploitations a un avenir

Conférence des régions au bord du lac de Constance, libres de technique génétique, à St. Arbogast/Götzis (Autriche)

par Michael Götz, agro-journaliste indépendant LBB-GmbH, Eggersriet, Suisse

Une agriculture adaptée au site ménage les ressources naturelles. En offrant des produits régionaux, les agriculteurs créent de nouvelles valeurs au sein de la population, engendrant ainsi un surplus de la valeur ajoutée.

«La structure des petites exploitations au sein de notre agriculture n’est pas un modèle périmé», d’après la conviction du directeur ministériel Wolfgang Reimer du ministère pour l’Espace agricole et la Protection des consommateurs du Bade-Wurtemberg. L’agriculture paysanne apporte, continue-t-il, davantage d’utilité économique que l’industrie agricole. Mais pour que ses produits soient remarqués, des marques ou dénominations de qualité sont nécessaires, par exemple «Ökoland Vorarlberg – regional und fair» [Le Vorarlberg écologique – régional et équitable»] ou, simplement, «Allgäu» ou «Bade-Wurtemberg». Les marques peuvent s’affirmer par un niveau plus élevé de protection des animaux, par la production libre sans génie génétique et également par des techniques alternatives. «Pourquoi ne devrions-nous pas produire le soja chez nous?», voilà la question soulevée par l’intervenant.

Le monde n’est pas une assiette

Martin Ott, agriculteur diplômé au domaine «Rheinau» et président du conseil de la fondation de l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL) suisse, dit qu’«il faut abandonner l’idée que le monde est une assiette avec les mêmes conditions partout». Chaque site est différent de l’autre, continue-t-il, c’est pourquoi il faut y adapter non seulement la production et l’entretien d’animaux, mais également la culture des plantes et l’élevage du bétail. Aujourd’hui, l’idée se répand que l’agriculture est un procès technique qu’on pourrait optimiser. Une entreprise de semences peut fournir le monde entier sans que la semence soit adaptée aux différentes régions. Martin Ott met en garde les agriculteurs contre le risque de dépendre de plus en plus de ces quelques entreprises de semences à dimension globale. La création de valeurs se perdrait ainsi. «Je veux garder la crème dans mon lait», voilà l’image avec laquelle l’agriculteur illustre son but.

Les interdictions de cultiver sont menacées

Eva Claudia Lang, directrice du Département du génie génétique au ministère autrichien de la Santé voit l’autodérmination des pays membres de l’UE en danger. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) prend une attitude très positive face au génie génétique et prend à peine en considération les arguments avancés par les critiques. Ses experts ne font qu’affirmer l’absence de risques du génie génétique, bien que les recherches scientifiques démontrent les dangers. On n’a jamais réussi à empêcher, par la majorité des deux tiers exigée du Parlement européen, l’admission d’une sorte génétiquement modifiée, ajoute Benny Härlin du Réseau des régions européennes sans techniques génétiques [Netzwerk der gentechnikfreien Regionen Europas]. Il affirme que les pays de l’UE se trouvent en désaccord total là-dessus, ce qui risque de menacer le maintien de l’interdiction de certaines cultures.
Josef Gross, de la Bayerische Landesanstalt für Landwirtschaft [Institut bavarois de l’Agriculture] à Freising, est le directeur du projet «Aktionsprogramm heimische Eiweissfuttermittel» [Programme d’action pour les aliments de protéine du pays]. Ce projet a pour but de remplacer les importations de soja d’outre-mer par des produits de fourrage du pays. Ainsi, explique-t-il, on dépendra moins de l’étranger, on pourra cultiver des produits sans OGM et augmenter la création régionale de valeurs. Matthias Krön, de l’association «Donau-Soja» (soja Danube), voit l’alternative, au soja génétiquement modifié d’outre-mer, dans la culture de soja génétiquement inaltéré dans les pays danubiens, Roumanie et Serbie, ces deux pays s’approvisionnant à 100% de soja provenant de leurs propres cultures.

Les produits régionaux sont à la mode

«La nouvelle tendance vers les aliments régionaux continue à se développer», constate Erhard Höbaus, du Ministère autrichien de la vie. A peu près la moitié des ménages autrichiens, continue-t-il, favorisent les produits régionaux qui, en règle générale, sont libres sans OGM. L’Eurobaromètre montre que la population autrichienne prend une attitude particulièrement critique à l’égard des aliments génétiquement modifiés. Il faut pourtant avouer que dans la vie quotidienne, on ne fait que peu attention à l’alimentation saine. De plus en plus de produits préfabriqués arrivent dans les assiettes. «Pour moi, une alimentation saine est aussi importante que savoir calculer et écrire», dit Christine Singer, diplômée en économie domestique et agricultrice en Haute-Bavière. Elle aimerait réorienter l’attention des consommateurs sur les valeurs innées aux aliments en leur montrant aussi comment il faut manier les aliments de base.
Ce sont avant tout les produits régionaux qui répondent au désir des consommateurs d’avoir des aliments sains et adaptés à l’environnement. Pour les commercialiser, il y a plusieurs approches, dont l’association «Unser Land» (Notre terroir). «C’est un réseau pour le maintien de nos bases de vie», définit Nikolaus von Doderer, directeur exécutif, le but de l’association. La diversité biologique et régionale est également le but, tout comme celui du profit. Tous les produits ne sont pourtant pas des aliments biologiques, mais tous sont produits sans OGM. Le réseau comprend 10 communautés solidaires et associations sans but lucratif, situées autour de Munich et Augsbourg. Le réseau ne réunit pas seulement l’agriculture, mais aussi l’artisanat, les consommateurs, les paroisses et la protection de l’environnement et de la nature. «Nous avons besoin d’êtres humains dotés de cœur, de cerveau et d’estomac» affirme son directeur. Les produits sont disponibles dans 900 postes de distribution, mais les grossistes sont exclus comme vendeurs, car les producteurs régionaux ne veulent pas fournir des produits normés.

Produire en prenant ses responsabilités

Josef Braun est agriculteur à Freising et vice-président de Bioland Deutschland. Il dit: «Je veux montrer que nous n’avons pas besoin de génie génétique.» Il continue en disant qu’en agriculture sans OGM, un sol sain est d’une grande importance. Seul un tel sol est capable de nourrir une plante qui garde toute sa valeur nutritive. Pour y arriver, il faut revenir à une technique appropriée et aux cultures mixtes. Un sol sain va de pair avec le ver de terre ou lombric. En enrichissant l’humus, il garantit une fertilité durable du sol. Pour qu’il y trouve continuellement assez de nourriture, il faut maintenir le sol couvert l’année durant. L’intervenant ne voit pas dans l’agriculture un but en elle-même, mais dans un contexte plus large. D’après ses expériences, les systèmes agro-forestiers font aussi partie de l’agriculture.
«Qu’est-ce qui manque au Vorarlberg» s’est demandé Bertram Martin du «Martinshof» à Buch, et il s’est décidé à compléter sa production laitière avec un élevage en plein air de 3000 poules. Bientôt la demande en œufs a dépassé l’offre. Mais au lieu de tenir lui-même encore davantage de poules, l’agriculteur a créé un réseau régional avec d’autres petites exploitations partenaires pour commercialiser les œufs en commun. En même temps, il a fondé une fabrique de pâte aux œufs pour compenser le déséquilibre saisonnier de la demande en œufs. La farine d’épeautre pour les pâtes provient maitenant de 30 paysans du Vorarlberg qui produisent de l’épeautre sur 80 hectares. Ainsi, grâce à l’initiative et l’innovation d’un seul homme, les autres producteurs régionaux profitent des nouvelles possibilités de production. Et Bertram Martin conclut en disant que «le point décisif, c’est de créer de la demande».    •

Michael Götz (Dr. Ing. Agr.). Agro-journaliste indépendant LBB-GmbH, Säntisstr. 2a, CH-9034 Eggersriet, Tél.: +41 71 877 22 29.
E-Mail: migoetz(at)paus.ch; www.goetz-beratungen.ch

(Traduction Horizons et débats)