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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°32, 11 août 2008  >  Un enfant trouve son chemin dans la vie [Imprimer]

Un enfant trouve son chemin dans la vie


par le Dr Andreas Bau, médecin spécialisé pour enfants et adolescents

En rapport avec sa nature sociale depuis sa première inspiration, l’être humain essaie de construire un attachement solide envers une personne fiable de son entourage. Un attachement solide, une base fiable constitue la base de toute formation de personnalité réussie.
Dans l’exemple suivant, la mère n’était pas disponible comme personne principale. Lisez maintenant, comment on peut aider adéquatement un enfant qui est venu au monde dépendant de la drogue et menacé d’échouer à l’école et dans la vie.

Au début de sa scolarité, en raison de son manque d’attention et de son comportement étrange, la petite fille a reçu un diagnostic psychiatrique et on a prescrit des psycholeptiques. Les grands-parents sont venus en aide et avec eux des spécialistes du domaine médical et pédagogique.
Sarah est née en 1992. A cette époque, la mère était héroïnomane, une heure avant la naissance de son premier et unique enfant, elle s’est injecté une grande quantité d’héroïne. Sarah est venue au monde avec un poids très insuffisant et une grave dépendance. Les médecins de la clinique d’enfants, dans laquelle le bébé a été transféré tout de suite après sa naissance, ont lutté pour sa survie dès ses premiers jours. La mère qui continuait à consommer toutes sortes de drogues, n’a visité sa fille que de façon très irrégulière. Au bout de quatre semaines, elle a cherché sa fille à la clinique, contre l’avis des médecins. L’assistance sociale n’a pas élevé de protestation, car la mère a dit «Sans mon bébé je ne peux pas vaincre ma dépendance.»
Les parents de la mère ont commencé, peu de jours après la naissance, en vue de l’état de santé de leur fille, à s’occuper de leur petite fille de façon aimable et avec une grande fiabilité. Ils ont continué cette prise en charge pleine de sollicitude les années suivantes, car la mère s’absentait souvent pour plusieurs mois, sans les avertir et sans laisser d’adresse. Chaque fois qu’elle revenait, elle reprenait Sarah tout de suite. Différents programmes de désintoxication de la mère ont échoué. Les grands-parents se sont fait un plan pour réparer auprès de leur petite fille ce qu’ils n’avaient pas réussi lors de l’éducation de leur fille.
Les grands-parents étaient d’origine sédentaire et très enracinés en ce qui concerne les questions de l’éducation et l’attachement aux valeurs. Cela s’est confirmé dans l’éducation de leur petite fille. Pendant l’éducation de leur fille, ils s’étaient laissé séduire par des influences de la révolte de mai 1968. En conséquence, ils n’avaient pas fixé assez de limites à leur fille et ils ne lui avaient pas donné assez d’orientation. Ils avaient cru que l’enfant savait par lui-même ce qui était bien pour lui, selon les théories d’éducation qui avaient alors cours pour beaucoup de gens. Ces circonstances avaient contribué essentiellement au dérapage de leur fille. Ils étaient maintenant conscients des causes et bien décidés à ne pas faire les mêmes fautes.
Sarah a développé un comportement nerveux et instable. Au jardin d’enfants, elle est restée solitaire et ne s’est pas liée d’amitié avec d’autres enfants. Souvent elle quittait la pièce et revenait au bout de quelque temps sans être rappelée. A la question de savoir pourquoi elle faisait cela, elle ne pouvait pas répondre. Les jardinières d’enfants ont souvent exprimé le soupçon d’un trouble de la perception avec des traits autistes. Dans l’exécution de ses projets, l’enfant faisait preuve d’une grande persévérance. Les grands-parents s’en sont réjouis et l’ont considéré comme une force de caractère. Après l’expérience douloureuse avec leur fille, ils ont accompagné leur petite fille avec bienveillance et en lui donnant des repères clairs. Cet échange émotionnel dans la bienveillance avec leur petite fille a eu pour résultat qu’elle s’est attachée à ses grands-parents.
Quand Sarah avait six ans, la mère a commencé une thérapie de désintoxication et réhabilitation d’un an et demi, qu’elle a terminé avec succès. La dépendance pendant beaucoup d’années a eu de lourdes conséquences physiques et psychiques chez la mère. Pendant la cure de désintoxication de sa mère, Sarah a habité entièrement chez ses grands-parents. Après la fin de la thérapie, Sarah a de nouveau vécu à tour de rôle chez sa mère et chez les grands-parents.
Lorsque Sarah était avec eux, les grands-parents allaient régulièrement voir un pédiatre avec lequel ils discutaient toutes les questions, surtout du domaine de l’éducation. C’était impressionnant de voir qu’ils ne s’arrêtaient pas aux comportements négatifs de Sarah. Ils ont toujours su voir les côtés positifs pour renforcer l’estime de soi et pour la motiver à abandonner les comportements négatifs, gênant son développement. Pour le pédiatre c’était un plaisir de les voir construire une amitié solide avec Sarah par leur constance bienveillante. L’office de la protection de la jeunesse concerné a essayé plusieurs fois de déranger le processus de l’éducation, parce qu’il aurait préféré voir Sarah chez sa mère ou en institution plutôt que chez les grands-parents. Avec le soutien du pédiatre, les grands-parents ont pu maintenir leur point de vue d’être les meilleurs remplaçants de la mère. Sarah a aussi développé une amitié envers «son» pédiatre (comme elle disait toujours).
A l’âge de six ans, Sarah a été placée dans une classe d’intégration conduite par une équipe. L’équipe n’a pas réussi à construire une relation de confiance envers l’enfant.
Citation des grands-parents: «Les enseignants ont très vite concentré leur attention sur la nervosité intérieure de Sarah et s’en sont beaucoup occupés dans leur prise en charge. Au fil du temps, il y a eu des améliorations palpables en quelques points de la concentration, mais cette nervosité intérieure avec des tendances aux querelles est restée. Au passage de la première à la deuxième classe, à l’occasion de divers entretiens avec les institutrices, on arrivait souvent à des conceptions différentes concernant les mesures éducatives re­quises. En partie on a aussi fait des reproches injustifiés qui n’aidaient point à établir une bonne collaboration. Ainsi, le corps enseignant faisait entre autre la proposition de présenter Sarah à un médecin, dans le but de lui donner le médicament Ritaline pour la calmer. Ce qui a été fait à partir du 24 janvier 1999. L’état général de Sarah n’a cependant pas changé essentiellement. Au contraire, nous avons dû constater plusieurs changements dus à la Ritaline comme par exemple un manque d’appétit, de la fatigue, une faiblesse de concentration, mal au ventre et des malaises. Après plusieurs consultations chez le pédiatre, la prise de la Ritaline a été arrêtée fin décembre 2000. Le corps enseignant en a été informé et n’a pas été d’accord avec cette mesure. Ils ont fait d’autres re­proches concernant de fausses mesures d’éducation, avec la remarque de faire appel à l’administration des services sociaux.
Ainsi nous ne sommes pas d’accord de laisser Sarah dans cette école, car on ne peut plus espérer une prise en charge bienveillante. Avec l’administration des écoles on a essayé de trouver une place pour Sarah dans une autre école. La coopération avec le corps enseignant responsable n’était plus assurée à cause des méthodes éducatives divergentes et ne peut être acceptée pour le bien de Sarah.»
L’équipe des enseignants a «diagnostiqué» chez Sarah le THADA, sans consulter un médecin. Une des institutrices a dit lors d’un entretien avec le pédiatre: «Sans la Ritaline je ne veux plus de cet enfant dans mes cours».
Grâce à l’insistance des grands-parents et avec le soutien actif du pédiatre, Sarah a changé d’école au bout de sa troisième année et a été integrée dans une classe normale. La nouvelle institutrice qui assurait seule tout l’enseignement sauf le sport, s’est réjouie de la nouvelle élève, de sa vivacité et de sa persévérance. Là aussi, Sarah a parfois quitté la classe sans avertissement. L’institutrice a bien remarqué ce comportement, mais elle n’a pas fait de commentaire. Comme les grands-parents, elle n’a pris en considération que les actes positifs. Elle se réjouissait quand Sarah revenait et l’a cordialement invitée à participer. Sarah aimait cette institutrice et elle a senti son estime. L’institutrice a pris soin d’intégrer Sarah dans la communauté de la classe. Ses camarades, avec l’accompagnement de l’institutrice, ont participé activement pour que Sarah se sente à l’aise dans la nouvelle classe. Le sentiment est né: Nous faisons cela ensemble.
Un traitement médicamenteux avec la Ritaline n’était plus d’actualité. Un échange intense s’est développé entre l’institutrice, les grands-parents et le pédiatre. Souvent des entretiens ont eu lieu en sortant de son cabinet. Dans la mesure du possible, on avait réussi à faire participer aussi la mère de Sarah qui continuait à maîtriser sa vie sans drogues. Au bout de la quatrième classe, Sarah ne quittait plus la classe mais suivait les cours avec attention et elle travaillait bien.
Au début de la cinquième année scolaire, Sarah a changé d’école pour aller au gymnase. Elle n’a pas réussi à combler ses lacunes dans les matières scolaires. Au bout de longues discussions avec la maîtresse, les grands-parents, la mère et le pédiatre, Sarah a été dans un établissement d’enseignement secondaire et a étudié au niveau de la Realschule. Là aussi, Sarah a rencontré une maîtresse qui la soutenait pleinement. Ses travaux se sont améliorés de plus en plus et Sarah est devenue une jeune fille sûre d’elle. Concernant son niveau scolaire elle se trouvait dans le premier tiers.
Depuis 2004, elle vit entièrement chez ses grands-parents, car elle ne voulait plus vivre chez sa mère. Cet arrangement a été pris en accord avec tout le monde. Le droit de garde a été attribué aux grands-parents. Les années suivantes, ils ont donc pu s’occuper de l’éducation de leur petite fille sans l’influence dérangeante de la mère. Ainsi le concept pédagogique et la foi inébranlable des grands-parents en leur petite fille ont pu se déployer pleinement. Sarah allait souvent seule chez le pédiatre. Les questions médicales semblaient n’être qu’un prétexte pour aller le voir.
En conclusion encore quelques remarques des grands-parents:
«Avec le soutien des activités sportives une fois par semaine au sein des communautés, on peut reconnaître aujourd’hui chez Sarah qu’avec toutes ces mesures on a pu atteindre un développement tout à fait normal. Un pas dans cette normalisation a été la décision prise en 2002 de ne pas laisser Sarah dans une classe d’intégration mais de la mettre dans une classe normale. Suite à ces mesures on a pu reconnaître chez Sarah, déjà au bout de quelques semaines, qu’elle a pu renforcer sa personnalité. Aujourd’hui elle fait la joie de tous les responsables par son apparition et son estime de soi.
Nous sommes aujourd’hui persuadés d’avoir suivi la bonne route et qu’un traitement continu à la Ritaline aurait certainement signifié pour Sarah une régression dans son développement. Aujourd’hui, vu l’équilibre et la sûreté de soi de Sarah, nous pouvons certainement regarder l’avenir avec joie et être persuadés qu’elle trouvera son chemin.
Personnellement, je ne peux que déconseiller de vouloir maîtriser des problèmes apparents avec la drogue ‹miraculeuse› Ritaline. Son administration provoque plus d’effets négatifs que positifs, et cela nuit à tout développement d’un enfant.»    •