«Le souverain c’est l’ensemble des citoyens, et non pas leurs représentants dans les organismes de l’Etat. La souveraineté en tant que liberté ne peut donc pas être retirée aux citoyens sans porter atteinte à leur dignité.»«La défense de la souveraineté des Etats nations est la tâche actuelle de ceux qui ne veulent pas renoncer à la liberté du citoyen en tant qu’être humain»par Karl Albrecht Schachtschneider, professeur de droit publichd. Il y a quelques semaines, le nouveau livre de Karl Albrecht Schachtschneider, professeur universitaire de droit public allemand, a paru. Cet ouvrage intitulé «Die Souveränität Deutschlands. Souverän ist, wer frei ist» [La souveraineté de l’Allemagne. Souverain est celui qui est libre]. Sur 350 pages, il élucide, sur la base de l’histoire et de la systématique du droit, les notions de base qui sont en relation avec la notion de souveraineté. L’auteur explique notamment que la liberté politique est incompatible avec la domination d’hommes sur d’autres hommes. La souveraineté est sur toutes les lèvres. La défense de la souveraineté des Etats nations est la tâche actuelle de ceux qui ne veulent pas renoncer à la liberté du citoyen en tant qu’être humain. La souveraineté est synonyme de liberté. Elle ne peut se réaliser que dans les Etats de droit, dans les démocraties, dans les Etats sociaux, donc dans les républiques. Le souverain ce sont les citoyensLa souveraineté du peuple est souvent limitée au pouvoir constituant. Mais souverain est uniquement celui qui est libre, donc le citoyen. C’est lui qui façonne sa vie et son Etat avec tous les autres citoyens, et de cette manière il est homme politique. Le souverain c’est l’ensemble des citoyens, et non pas leurs représentants dans les organismes de l’Etat. La souveraineté en tant que liberté ne peut donc pas être retirée aux citoyens sans porter atteinte à leur dignité. Elle ne peut pas non plus être transférée à l’Union européenne. La souveraineté a des limites aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Elle peut être violée, et en réalité elle l’est profondément, par l’Union européenne dans sa forme actuelle, notamment par l’Union monétaire et économique. Qui veut priver les Allemands de leur souveraineté doit créer un nouveau peuple et un nouvel Etat, le peuple de l’Union et l’Etat de l’Union. Cela ne peut se faire ni contre la volonté de l’ensemble des peuples de l’Union, ni contre celle des Allemands. C’est précisément cette volonté que craint la classe politique, et c’est la raison pour laquelle elle vide la souveraineté insidieusement de son contenu. Il faut que les citoyens s’y opposent, pour leur dignité et leur liberté. Le ministre des Finances allemand fait la révérence au capitalisme illimitéLe 18 novembre 2011, Wolfgang Schäuble, ministre fédéral des Finances, affirme devant les banquiers réunis au Congrès bancaire européen que l’Allemagne «depuis le 8 mai 1945, n’a été, à aucun moment, pleinement souverain». Voilà la révérence de l’Etat devant le nouveau souverain, le capitalisme illimité. Il semblait vouloir justifier ainsi le fait que les Allemands devaient accepter une restriction supplémentaire de la souveraineté de l’Allemagne suite à une Union budgétaire européenne qu’il croyait pouvoir ériger en 24 mois. En «Europe», continua-t-il, la souveraineté se trouvait depuis longtemps «conduite vers l’absurdité». La souveraineté de l’Allemagne est un problème central de l’intégration de l’Allemagne dans l’Union européenne, mais elle crée toujours encore le débat concernant la position de l’Allemagne dans la communauté des Etats. La notion de souveraineté de l’Etat moderneSuite à l’évolution de l’Etat moderne, qui se définit par la territorialité du système politique, à la différence de la personnalité des conditions politiques, la notion de souveraineté est devenue la notion conductrice de la politique et ainsi de la théorie de l’Etat. C’est pourquoi la théorie moderne de la souveraineté se développe surtout en France, le premier Etat marqué par la domination territoriale après l’Empire médiéval caractérisé, lui, par la seigneurie personnelle. La pacification de la guerre civile des confessions exige un homme fort, un prince souverain, le princeps, principe ou prince, qui décide du droit et du tort, et capable d’imposer le droit qu’il définit lui-même. Les conditions préalables techniques de la domination territoriale suffisent à un tel concept de souveraineté. Les théories de souveraineté de Jean Bodin et Thomas HobbesAvec le développement des Etats territoriaux aussi en Allemagne après la guerre de Trente Ans, la théorie de la souveraineté de Bodin s’impose aussi en Allemagne et finalement dans toute l’Europe. L’absolutisme monarchique apparaît. 75 ans après Bodin, Thomas Hobbes écrit en 1651 le Leviathan comme réponse aux frayeurs de la guerre civile en Angleterre entre Charles I., le Parlement et Oliver Cromwell. Son œuvre soutient l’absolutisme par contrat dogmatique et sert jusqu’à aujourd’hui de justification pour de nombreux penseurs concernant l’autorité de l’Etat. Niccolo Machiavel, lui-même républicain, avait déjà justifié la raison d’Etat affirmée par tous les moyens dans les cités de l’Italie comme nécessité d’un régime pacifiant dans son œuvre Il Principe, de 1513, publié à titre posthume en 1532. Le machiavélisme marque encore aujourd’hui les méthodes d’un grand nombre d’hommes politiques. Liberté et souveraineté au temps des LumièresLes grands maîtres penseurs de la liberté sont Jean-Jacques Rousseau avec son Contrat social, 1762, et Emmanuel Kant avec ses publications Critique de la raison pure, 1781/87, Fondation de la métaphysique des mœurs, 1785/86, Critique de la raison pratique, 1788, Métaphysique des mœurs, 1797/98, Projet de paix perpétuelle, 1795/96, et encore d’autres textes sur la critique. Mais aussi John Locke, Les deux traités du gouvernement civil, 1690, et Charles Montesquieu, De l’esprit des lois, 1748, ont beaucoup contribué à la diffusion de la conception d’une république empreinte de liberté. De Hegel à Carl Schmitt: contre la libertéLe philosophe du constitutionalisme restaurateur est Georg Wilhelm Friedrich Hegel. Son ouvrage Principes de la philosophie du droit, ou droit naturel et science de l’Etat en abrégé, 1821, prône le dogme d’Etat basé sur une métaphysique historisante qui comprend l’Etat comme la réalité de la raison et de la moralité et qui le sépare de la société en tant que système des besoins. L’Etat est à l’intérieur et à l’extérieur une domination consciente d’elle-même et autonome. Sa volonté n’est pas seulement raisonnable, l’expression du Weltgeist, mais elle est aussi le Droit. Hegel se moque par l’ironie de la liberté politique des citoyens dans le sens de Kant à cause de ses «pensées insipides». Hegel met la souveraineté extérieure au-dessus du droit. La victoire décide sur le droit et le tort. Hegel a diminué la force du mouvement de la conception de la liberté rationaliste en Allemagne jusqu’à aujourd’hui, et il a justifié la domination par l’Etat. Cela a eu des conséquences dévastatrices, mais Hegel était le philosophe déterminant de l’Allemagne du XIXe et de la première moitié du XXe siècle. Cependant, les textes constitutionnels de l’Allemagne, déjà la Constitution de Weimar et plus encore la Loi fondamentale, sont conçus dans l’esprit de Kant. Hegel pourtant a toujours beaucoup d’adeptes. Des professeurs de droit public allemands véhiculant une notion douteuse de la souverainetéAucune dogmatique sérieuse de la souveraineté n’a été développée dans le contexte de la Loi fondamentale. Les différents écrits sont déterminés par un hégélianisme peu conscient, et sont toujours orientées vers la domination. Martin Kriele accepte dans son Einführung in die Staatslehre. Die geschichtlichen Legitimationsgrundlagen des demokratischen Verfassungsstaates, 1975/2003, uniquement la souveraineté du peuple comme pouvoir constituant, mais il la récuse dans l’Etat constitutionnel du pouvoir constitué parce qu’il ne voit la souveraineté uniquement comme droit de domination sans séparation des pouvoirs. Une théorie libérale de la souveraineté, qui cherche à se rattacher à Rousseau et Kant, n’a pas encore été développée. Werner Mäder ne l’a pas non plus développée dans ses publications Kritik der Verfassung Deutschlands. Hegels Vermächtnis 1901 et 2001, 2002, et Vom Wesen der Souveränität. Ein deutsches und ein europäisches Problem, 2007. A juste titre inquiet, il juge la souveraineté de l’Allemagne prioritairement selon les notions de souveraineté de Bodin, Hobbes, Hegel, Heller et Schmitt et il critique l’intégration européenne de manière justifiée comme étant une perte de souveraineté. Souveraineté libéraleDans ma publication Freiheitliche Souveränität, j’ai présenté les diverses théories de la souveraineté mentionnées ci-dessus et j’ai notamment analysé de manière critique les théories dominatrices de Bodin, Hobbes, Hegel, Heller et Schmitt mais aussi de Kriele. Je m’appuie sur Rousseau et sur Kant. Je renvoie à cette publication, je ne peux cependant pas épargner au lecteur quelques phrases concernant ces théories de la souveraineté, à cause des effets qu’elles ont aussi de nos jours. 1 Le texte complet se trouve dans Horizons et débats, no 13 du 2/4/12, p. 9 sqq. Extrait de Karl Albrecht Schachtschneider, Die Souveränität Deutschlands. Souverän ist, wer frei ist. Le manifeste de Viennedu 26 octobre 2012 en faveur la sortie de la République d’Autriche, perpétuellement neutre, de l’Union européenne et de tous les accords consécutifs1. Nous, hommes et femmes des neuf Etats de notre République, nous sommes réunis pacifiquement à Vienne, dans la capitale de notre République, pour exiger la mise en œuvre fidèle de la Loi de la fête nationale1 le jour même de cette dernière. Nous sommes présents du fait que «l’Autriche a déclaré le 26 octobre 1955 par la loi constitutionnelle concernant la neutralité de l’Autriche2 sa volonté de conserver en tous temps et en toutes circonstances son indépendance et de la défendre par tous les moyens à sa disposition, ayant déposé dans cette loi constitutionnelle sa volonté de neutralité perpétuelle» et que, de ce fait, l’Autriche a fait le serment de contribuer, «en tant que pays neutre, à la paix dans le monde.» Nous avons conscience que cette neutralité perpétuelle3, calquée sur le modèle suisse, nous a valu par le traité d’Etat de Vienne du 15 mai 1955 le retrait des forces d’occupation alliées des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale et de leurs forces militaires – ce qui nous a redonné une entière liberté au sein de la famille des peuples du monde. Au nom des nombreux participants à la manifestation nationaleEva Maria Barki, avocate, VienneKlaus Faissner, professeur, VienneHans Richard Klecatsky,ancien ministre de la Justice, InnsbruckKarl Socher, professeur d'université,Innsbruck(Traduction Horizons et débats) 1 Préambule de la Loi fédérale du 28 juin 1967. BGBl Nr. 63 |