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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°16, 26 avril 2010  >  Quels objectifs pour la Suisse? [Imprimer]

Quels objectifs pour la Suisse?

A propos du «Rapport sur la politique extérieure» du Conseil fédéral

par Marianne Wüthrich, docteur en droit

Le Conseil national et le Conseil des Etats ont débattu, lors de la session de printemps 2010, du «Rapport sur la politique extérieure» (RPE)1 du Conseil fédéral et décidé à la majorité d’en «prendre connaissance».2 A la demande du Parlement, le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) avait, en septembre 2009, non seulement présenté son rapport d’activité annuel mais également un texte de 240 pages rendant compte de tout l’éventail des précieuses activités de politique étrangère de la Suisse dans le monde entier. Le DFAE, dirigé par la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, a mille moyens de contribuer à un monde plus humain et de défendre en même temps les intérêts politiques et économiques de la Suisse. La Suisse profite pleinement de ces possibilités. Il n’y a aucune raison d’abandonner cette politique de notre petit Etat neutre, ami de tous les peuples du monde, et d’aspirer à un rapprochement militaire avec l’OTAN ou à une adhésion à l’UE. Le besoin du DFAE de rapprocher la Suisse souveraine toujours plus de l’UE jusqu’à atteindre l’objectif à long terme de l’adhésion est tout aussi injustifié. Celle-ci entraînerait le renoncement à beaucoup de caractéristiques de la Suisse: la neutralité et les solides structures du fédéralisme et de la démocratie directe. Ce sont ces tendances lisibles dans le RPE qui ont suscité au Parlement quelques remarquables prises de position critiques.
Pays neutre et non lié à des structures supranationales, la Suisse est en mesure de s’engager dans le monde entier en faveur de conditions de vie plus humaines et d’aider à résoudre pacifiquement des conflits.

Aide humanitaire
«Le mandat de la Confédération dans le domaine de l’aide humanitaire s’étend au monde entier et lui prescrit de sauver des vies et d’atténuer la détresse lorsque des ­crises, des conflits et des catastrophes frappent ­directement des populations civiles. Cette assistance se conforme au droit international humanitaire et aux principes d’humanité, d’indépendance, d’impartialité et de neutralité.» (RPE, p. 153)
Ainsi, la Direction de la coopération au développement (DDC) a, en 2008, apporté une aide d’urgence lors d’un tremblement de terre en Chine, d’inondations en Bolivie et dans d’innombrables autres situations de détresse dans le monde. La Suisse vient en aide de manière neutre aux victimes de guerres. Ainsi, elle soutient au Moyen-Orient les réfugiés palestiniens et irakiens en étroite collaboration avec le CICR, l’ONU et d’autres ONG. Quand on lit le RPE, on tombe sur une quantité d’opérations humanitaires de la Suisse dans le monde entier.

Renforcement du droit international humanitaire

«La Suisse s’attache traditionnellement à promouvoir et à développer le droit international. C’est une des constantes de sa politique extérieure. Elle y trouve un intérêt particulier, ne pouvant user de son poids politique ou militaire. Elle accorde dans ce contexte une place de premier plan aux droits humains et au droit international humanitaire.» (RPE, p. 138)
Voici un exemple parmi beaucoup d’autres à ce sujet: Après la guerre dans la bande de Gaza en 2008/09, la Suisse est intervenue auprès des autorités israéliennes pour lui demander de respecter le droit international humanitaire et de permettre aux organisations humanitaires d’accéder rapidement à la population de la bande de Gaza. La Suisse a été le premier pays à pouvoir acheminer là-bas des biens humanitaires et à obtenir l’entrée d’une équipe médicale d’urgence du CICR.
Grâce à sa neutralité et au fait qu’elle n’appartient à aucun bloc, la Suisse peut souvent, en collaboration avec le CICR, dont le siège est à Genève, apporter une aide plus efficace que les grandes puissances dont l’aide dépend de considérations partisanes.

Coopération au développement – aide à l’autonomie

La DDC et le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) soutiennent la population dans beaucoup de pays en développement grâce à de nombreux projets visant à résoudre des problèmes de développement. D’autres pays industrialisés le font également mais les organisations suisses ont l’habitude, en raison de la démocratie directe, d’aborder les problèmes dans un rapport d’égal à égal avec autrui. On trouvera des exemples impressionnants du travail de la DDC et du SECO dans le magazine Un seul monde publié par la Confédération.

Résolution pacifique des conflits: les bons offices de la Suisse, pays neutre

Un domaine central de la politique étran­gère suisse sont ses efforts en faveur de la paix dans le monde. En tant que petit Etat neutre, la Suisse peut accomplir toutes sortes de missions mieux que les autres acteurs. La neutralité ne profite pas seulement à la Suisse. Au contraire, aujourd’hui tout particulièrement, le monde, avec ses guerres et la misère qu’elles provoquent, a un besoin urgent d’Etats neutres qui ne font partie d’aucune alliance politique ou militaire. La résolution pacifique des conflits correspond en outre à une tradition séculaire au sein de la Confédération et vis-à-vis de l’étranger. Aussi n’est-ce pas un hasard si la Croix-Rouge a été fondée en 1863 à Genève et y a toujours son siège. Seul un petit pays neutre pouvait et peut encore assumer le rôle honorable de principal responsable du CICR car la confiance de tous les gouvernements et groupes de population impliqués était une condition indispensable à des activités humanitaires efficaces. Et le terrain neutre qu’offre notre pays est également précieux pour des rencontres de parties en conflit. Le RPE mentionne plusieurs exemples de bons offices récents.

Le dialogue et la médiation pour régler les conflits

«Un des grands atouts historiques de la ­Suisse est sa capacité de dialoguer et de ­promouvoir le dialogue. Le dialogue ­s’avère nécessaire pour affronter des situations conflictuelles ainsi que des défis délicats et complexes. La Suisse essaie de créer des alliances en vue de focaliser les efforts sur certaines questions importantes de la sécurité humaine. Le dialogue a été jusqu’à présent un instrument particulièrement utile de la politique étrangère helvétique: il a permis à la Suisse d’obtenir des succès remarquables et de se faire une place au sein de la communauté internationale. Il est devenu l’une des expressions les plus raffinées de la diplomatie. Ces dernières années, la Confédération s’est employée à mettre un terme aux violences dans plusieurs zones de conflit, a contribué à l’accomplissement de plusieurs processus de paix et a inscrit de nouveaux aspects de la sécurité humaine à l’ordre du jour international. La Suisse entend renforcer encore l’instrument du dialogue à l’avenir.» (RPE, p. 123s.)

Ainsi, dans le conflit à propos du pro­gramme nucléaire de l’Iran, la Suisse entretient depuis 2006 de nombreux contacts avec l’Iran, l’AIEA et les grandes puissances occidentales, et en 2008 elle a réuni toutes les parties autour d’une table à Genève.
Au Moyen-Orient, la Suisse a un pro­gramme civil de promotion de la paix. Elle soutient différentes organisations israéli­ennes et palestiniennes qui s’engagent en faveur d’une résolution pacifique du conflit, en particulier en faveur du développement de l’Initiative de Genève et de sa diffusion par des ONG israéliennes et palestiniennes. En ce qui concerne le Liban, une rencontre informelle entre toutes les parties a eu lieu au début de 2008 en Suisse et notre pays a proposé son soutien à l’élaboration d’une nouvelle doctrine de sécurité nationale. Finalement, la Suisse a poursuivi son dialogue avec tous les acteurs concernés par le conflit du Proche-Orient au niveau diplomatique afin de trouver des solutions praticables aux problèmes complexes du processus de paix.

Offre de bons offices sous leur forme classique

La sauvegarde des intérêts d’autres pays est un instrument traditionnel de la politique extérieure de la Suisse. La Suisse représente depuis des décennies les intérêts américains en Iran et à Cuba ainsi que les intérêts cubains aux Etats-Unis. En Iran, son mandat s’étend notamment au suivi de plus de 7000 citoyens américains qui vivent dans le pays.
Voici deux exemples récents:
•    Turquie et Arménie: «A la demande de cette dernière [Arménie] et de la Turquie, la Suisse a offert ses bons offices pour animer un processus de négociation qui a abouti à des résultats acceptables pour les deux parties.» (RPE, p. 125)
•    Russie et Géorgie: Se fondant sur une longue tradition de contacts, la Russie a, en octobre 2008, prié la Suisse de représenter ses intérêts en Géorgie. Avec l’autorisation de la Géorgie, la Suisse a assumé un mandat de puissance protectrice pour les deux Etats. Cela signifie concrètement que les contacts consulaires et diplomatiques nécessaires sont possibles dans les anciennes ambassades des deux Etats à Tiflis et à Moscou sous la responsabilité des ambassades suisses.
La conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey tient beaucoup à promouvoir l’institution des bons offices. Elle prouve ainsi que le monde a un besoin urgent du domaine traditionnel de la politique étrangère suisse.

Une longue tradition d’accueil d’organisations internationales

«La Suisse possède une longue tradition d’accueil d’organisations internationales. […] Genève, principal siège européen de l’ONU, passe avec New York pour l’un des deux grands centres de la coopération multilatérale.» (RPE, p. 172)
161 Etats entretiennent au moins une mission permanente à Genève. En 2007, quelque 200 000 délégués et experts ont participé à plusieurs milliers de congrès et de conférences organisés à Genève par des organisations internationales et des ONG. «La ­Genève internationale est une grande chance pour la Suisse, car elle lui permet de jouer un rôle particulier plus que proportionnel à son importance géographique.» (RPE, p. 217)

Relations économiques et amicales avec tous les peuples du monde

AELE ou OMC?

L’Association européenne de libre-échange (AELE) a été créée en 1960 par l’Autriche, le Danemark, la Norvège, le Portugal, la Suède, la Grande-Bretagne et la Suisse. D’autres Etats y ont adhéré par la suite mais la plupart d’entre eux ont adhéré depuis à l’UE. Bien que l’AELE ne compte aujourd’hui plus que 4 membres (Norvège, Islande, Liechtenstein et Suisse), elle a conclu des accords de libre-échange avec 21 Etats et territoires. Les Etats de l’AELE réalisent avec ces parte­naires un volume commercial de 489,1 milliards de francs. De nouveaux accords avec d’autres Etats sont constamment préparés et conclus.
La Suisse ferait bien de placer davan­tage au centre de sa politique économique la voie libérale de l’AELE en tant que réseau d’Etats souverains égaux en droits. Le Conseil fédéral serait bien inspiré de promouvoir auprès des petits Etats des accords de libre-­échange avec l’AELE au lieu de vanter haut et fort l’importance pour les exportations suisses d’une «OMC forte» censée posséder un «système efficace de commerce mondial», et de se dépenser en faveur de l’aboutissement rapide du Cycle de Doha. Tout le monde sait que l’OMC et ses «règles efficaces» profitent avant tout aux multinationales et non aux PME ou aux paysans, et surtout pas à la population des pays pauvres. Comme le ­montre l’attaque récente des Etats-Unis ­contre le marché des capitaux, les règles du libre-échange mondial ne sont valables que quand elles arrangent la superpuissance impérialiste.

Place financière suisse

Selon le RPE, il n’était pas juste que dans le contexte de la crise financière, la Suisse et ses banques subissent des pressions de différents Etats qui cherchaient de «nouvelles sources de financement» pour leurs économies considérablement endettées. En particulier, le RPE s’élève contre le projet de l’OCDE de placer la Suisse, qui en est membre à part entière, sur une «liste grise» sans la consulter. En réalité, la Suisse a été le premier Etat, en 1997, à promulguer une loi contre le blanchiment d’argent qui contraint les banques à signaler les actifs acquis illégalement. La Loi fédérale de 1981 sur l’entraide internationale en ­matière pénale (EIMP) permet en outre la collaboration avec d’autres Etats lors de la saisie et de la restitution des valeurs acquises illégalement. Aucun autre pays n’a restitué autant d’argent ayant appartenu à des potentats:
«Au cours des quinze dernière années, il a permis à la Suisse de restituer près de 1,7 milliard de francs, soit bien davantage que n’importe quelle autre place financière.» (RPE, p. 142)
C’est à bon droit que le Conseil fédéral déplore dans le RPE que l’étranger n’ait pas reconnu les efforts exemplaires de la ­Suisse pour faire respecter le droit dans le ­système financier. Napoléon déjà a profité des ­caisses bien pleines de la Suisse quand il avait besoin d’argent pour mener ses guerres, mais contrairement aux grandes puissances d’aujourd’hui, il n’a pas essayé d’étrangler la démocratie directe suisse: il l’appréciait et la respectait.

Des accords bilatéraux avec l’UE jusqu’au bout

L’énumération des nombreux accords bilatéraux avec l’UE qui existent déjà ou doivent encore être négociés dépasserait le cadre de cet article. Plus tard, nous présenterons les projets d’accords qui auraient des consé­quences déterminantes pour la Suisse, par exemple celui sur la libéralisation du marché de l’électricité, celui sur le libre-échange agricole ainsi que l’adaptation de la législation suisse sur les substances chimiques à celle de l’UE. En outre, sous le titre de «Consolidation des relations avec l’UE», le Conseil fédéral cherche à imposer un accord cadre entre la Suisse et l’UE qui vise à «améliorer et à rationaliser» l’adoption par la Suisse du droit de l’UE, c’est-à-dire, en clair, pour soumettre encore davantage notre pays au joug dudit droit. En même temps, le DFAE insiste sur le fait que la reprise de l’«acquis communautaire» par la Suisse ne doit pas être automa­tique car ce serait une atteinte à sa souveraineté. Sinon il ne resterait plus à notre pays que d’adhérer à l’UE:
«Se pose néanmoins la question des limites dont souffre la voie bilatérale. […] Ces limites se situent probablement là où la Suisse dispose d’une moindre influence qu’ailleurs sur les conditions-cadres qui la concernent directement que dans d’autres scénarios. En d’autres termes: La voie bilatérale ne doit pas mener à une adhésion de facto sans droit de vote. […] Si des raisons d’ordre politique et/ou économique devaient exiger une nouvelle avancée d’envergure dans le sens de l’intégration, un choix s’imposerait au niveau des instruments appropriés – dont l’option de l’adhésion.» (RPE, p. 43)
Vu les prises de position répétées du peuple et des cantons, lors des votations fédé­rales, contre l’adhésion à l’EEE et à l’UE, une minorité de conseillers nationaux ­membres de la Commission des affaires étrangères ont à juste titre demandé le rejet du RPE3 afin de le modifier de la manière suivante:
«Il faut réglementer nos relations avec l’UE au moyen d’accords bilatéraux qui garantissent les intérêts de la Suisse. L’adhésion n’est pas une option.» (Extrait de l’intervention du conseiller national Ulrich Schlüer)

Politique de paix ou participation aux guerres des grandes puissances?

La demande de rejet critique un autre aspect fondamental du RPE, c’est-à-dire le fait qu’il accorde trop peu d’importance à la neutralité: «La neutralité, que le Conseil fédéral a la mission constitutionnelle d’appliquer, doit être réaffirmée en tant que pilier de la politique étrangère. Il faut mettre en pratique la non-intervention dans des zones en conflit (Afrique, océan Indien, etc.) fondée sur notre politique de neutralité.»
Certes, la conseillère fédérale Calmy-Rey a assuré au cours du débat du Conseil ­national et en réponse à Ulrich Schlüer que le rapport de septembre 2010 insisterait davantage sur la neutralité: «Monsieur Schlüer, […] Je suis tout à fait disposée à tenir ­compte dans le prochain rapport des demandes et des propositions que vous faites, en particulier celles relatives à la question de la neutralité. Vous savez que je suis un défenseur de la neutralité et que je me suis fortement engagée en faveur de la promotion de la neutra­lité suisse. Il n’y a pas de raison que nous refusions d’intégrer dans le rapport 2010 vos demandes.»
Bien que la cheffe du DFEA, comme nous l’avons dit plus haut, accorde effectivement beaucoup d’importance à la politique de neutralité dans de nombreux domaines, il faut lui reprocher le fait qu’elle tienne absolument à se mêler aux «grands» et qu’elle ne se ­limite pas aux nombreux domaines – que nous avons relevés – où il y a vraiment suffisamment à faire pour notre petit Etat neutre.
D’une part, le RPE précise que la Suisse serait éventuellement, à moyen terme, candidate au Conseil de sécurité, organe dans lequel on sait que les cinq puissances ayant droit de veto font la loi et ne se soucient guère d’équilibre et dont une des caractéristiques les plus frappantes est l’esprit partisan.
D’autre part, la Suisse collabore depuis des années avec l’OTAN et son Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA).
«Pour la Suisse, le Partenariat est une plate-forme essentielle à la participation aux efforts d’instauration d’une sécurité ­collective; c’est aussi un vecteur ­d’échange de connaissances et d’expériences dans le domaine militaire. […] Dans le cadre du PPP, la Suisse participe à plus de 200 activités par le truchement du DFAE et du DDPS. Il s’agit aussi bien de formations qu’elle propose à d’autres Etats membres du PPP que de la participation à des cours et à des exercices de l’OTAN ouverts aux pays membres du PPP. Sa participation à des activités de ce type permet à la Suisse d’améliorer ses capacités en matière de gestion internationale de crise dans l’optique d’une participation à des opérations de promotion de la paix. Un ­exemple en est son engagement au Kosovo avec la Swisscoy. La Suisse peut ainsi apporter des contributions concrètes à la sécurité du continent. […] L’OTAN compte de plus en plus, pour l’avenir, sur la contribution de partenaires aux opérations de soutien à la paix (exigeant, pour la Suisse, un mandat de l’ONU ou de l’OSCE) sous forme d’engagements de militaires et de civils sur le terrain. Nos relations avec l’OTAN dépendront donc de plus en plus du type et de l’ampleur de notre contribution aux opérations de paix menées par l’Alliance.» (RPE, p. 66s.)
En outre, le DFEA prépare un accord cadre avec l’UE dans le domaine de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Aujourd’hui déjà, la Suisse participe à plusieurs «missions de promotion de la paix» de l’UE dont la majorité de la population n’est pas informée. Le dernier projet, celui de l’engagement de soldats suisses dans le golfe d’Aden contre les «pirates» sous le commandement d’officiers européens (opération Atalante) est encore mentionné par erreur dans le RPE (p. 43) alors que le Conseil national s’était nettement opposé à cette aventure contraire à la neutralité lors de la session d’automne 2009.

Conclusion

Depuis son arrivée au Département des ­Affaires étrangères, la conseillère fédé­rale Calmy-Rey a fait beaucoup pour renforcer la politique de neutralité de la Suisse et pour l’utiliser comme un instrument ultra­moderne de solution de nombreux problèmes mondiaux. Nous lui recommandons instamment, à elle et à son équipe du DFAE, de réfléchir sérieusement à la question de savoir si la Suisse, petit Etat indépendant, n’a pas suffisamment à contribuer à la paix dans le monde sans marcher aux côtés des grandes puissances. Le renoncement aux engagements dans le cadre du Partenariat pour la Paix (PPP), du Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA) et de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) libérerait des sommes qu’elle pourrait consacrer à bon escient au désarmement.
«La deuxième priorité de la Suisse porte sur l’élimination totale de toutes les armes de destruction massive et la prévention de leur dissémination ainsi que de celle de leurs vecteurs.» (RPE, p. 114)
Ne voulons-nous pas donner la priorité à cette mission dans le domaine militaire?    •

1 Rapport sur la politique extérieure 2009, réf. 09.052, pp. 1–232. www.sinoptic.ch/textes/rapport 2009/2009_DFAE_rapport.politique.etrangere-fr.pdf /
2    Il s’agit d’un rapport d’activité du Conseil fédéral que le Parlement ne peut ni accepter ni refuser. Il a uniquement la possibilité de décider soit d’en «prendre connaissance» soit de le renvoyer au Conseil fédéral avec la demande de le compléter ou de le modifier.
3     Procès-verbal du Conseil national du 4/3/2010

Union européenne ou souveraineté du peuple?

 Extraits de l’intervention du conseiller national Ulrich Schlüer (UDC, ZH) du 4 mars à propos du Rapport sur la politique extérieure du Conseil fédéral 2009:

«A propos de l’option UE: Selon le Conseil fédéral, il devient de plus en plus difficile de mener des négociations bilatérales. Mais ce n’est pas vrai. Le problème, c’est que cela ­ennuie le Conseil fédéral. Il faut continuer des négociations séparées et cela demande des efforts, ce qui est fatigant. Ce serait plus agréable d’en faire partie et de suivre le courant. Mais on est très loin d’un concept quand on répugne a faire des choses ennuyeuses. […]
Notre problème, et il est sérieux, est que dans notre Constitution, nous défendons la souveraineté du peuple, également dans les importantes questions de politique ex­térieure. Chez nous, c’est le peuple qui a le dernier mot. Ce qui domine, ce ne sont pas les idées de la ministre des Affaires étrangères qui consi­dère parfois le peuple comme dé­passé par les événements. Cela signifie que vous, Madame la ministre des Affaires étrangères, ne pouvez élaborer une politique étrangère efficace qu’avec le peuple, et non pas contre lui. L’attitude de notre peuple à l’égard de l’Union européenne est connue. Dans le passé, l’initiative favorable à une adhésion rapide à l’UE a été massivement rejetée. Ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas s’en accommoder ne peuvent pas représenter notre pays, ils doivent céder leur place à d’autres qui défendront cette position. Les lamentations sur les possibilités de développement limitées sont déplacées. Les lignes directrices ont été fixées dans le cadre de la souveraineté populaire. Une démocratie directe ne peut pas se permettre d’avoir pendant des décennies une politique étrangère – menée par le Conseil fédéral – qui est diamétralement opposée à ce que le peuple a décidé.
A propos de l’intégration de l’armée ­suisse dans l’OTAN et l’UE, qui est incompatible avec la neutralité: Commençons par mentionner brièvement le pénible chapitre de l’opération Atalante. On n’a pas pu l’effacer du Rapport parce que celui-ci était déjà terminé au milieu de l’année dernière.
Cette idée aussi a échoué parce que chez nous, la souveraineté populaire est un principe politique, le plus important que nous ayons. Et le Conseil fédéral devrait le respecter. […]
Le Rapport sur la politique extérieure n’évoque pas le fait que la stratégie interventionniste des grandes puissances a échoué dans le monde entier: en Irak et en Afghanistan, les opérations high tech ont été sans effet. On se mêle de toutes sortes d’autres politiques. […] Concentrez-vous donc sur ce que la Suisse devrait faire. Nous aurions là suffisamment de travail. Une fois de plus, on néglige le droit international de la guerre.»

Question du Conseiller national Mario Fehr (PS, ZH) au Conseiller national Geri Müller (Verts, AG) lors du débat du 4 mars:

«Une partie importante de ce Rapport concerne nos relations avec l’Europe et la question de savoir quelles suites leur donner. Vous n’en avez pas parlé. Je vous demande donc si oui ou non les Verts sont maintenant pour des négociations d’adhésion et pour l’adhésion?»

Réponse de Geri Müller:

«Peut-être que le microphone était en panne lors de mon intervention. Il ne s’agit pas ici de savoir si l’on est pour ou contre l’UE. J’ai dit clairement après cet état des lieux qu’il y avait deux possibilités: nous adhérons à l’UE et nous reprenons tout ce qu’elle implique, ou nous menons explicitement une politique de non-adhésion. Cette dernière option signifierait également que la Suisse développe une politique marquée par les particularités et les atouts du pays, mais ce n’est pas une politique contre l’UE. De nombreux parlementaires européens apprécient le fait que la Suisse n’en fasse pas partie car elle est favorable à certaines choses qui n’ont pas été réalisées en Europe, domaines qui pourraient constituer des champs d’expérimentation. C’est cela que j’ai dit.»

Luzi Stamm (UDC, AG) à Mario Fehr:

«Vous vous énervez à l’idée que maintenant nous sommes dépendants. Vous voulez adhérer à l’UE. Voulez-vous nous faire croire que nous serions moins dépendants si nous étions dans l’UE?»

Explications remarquables du Conseil fédéral dans le Rapport sur la politique extérieure 2009 au sujet des relations entre la Suisse et l’Allemagne

«C’est avec la République fédérale ­d’Allemagne que la Suisse entretient les rapports les plus étroits, gage d’une collaboration construc­tive et durable. La consolidation de ces liens et l’intensité des échanges sont dans l’intérêt des deux parties; ils bénéficient en effet aussi à l’Allemagne.
La Suisse achète à cette dernière pra­tiquement le même volume de marchandises qu’à l’Italie, la France, les Etats-Unis, les Pays-Bas et le Royaume-Uni réunis (le ­volume financier des importations en provenance ­d’Allemagne était de 65,8 milliards de francs en 2008). Les achats des sept millions d’habitants de la Suisse à l’Allemagne atteignent ainsi pratiquement la moitié du volume acheté par les plus de 300 millions d’habitants des Etats-Unis. La balance commerciale de l’Alle­magne avec la Suisse est excédentaire depuis des années (23,1 milliards de francs en 2008), ce qui finance une bonne partie du déficit allemand à l’égard de l’Asie. La Suisse est le ­sixième investisseur en Allemagne (environ 50 milliards de francs). Elle atteint même parfois le premier rang dans les nouveaux Länder allemands. Un total de 1200 entreprises suisses occupent en Allemagne 260 000 personnes. Elles y disposent d’un vaste réseau de sociétés de production, de distribution et de participation financière.

Employeur …

Certes, la différence de taille se traduit par une certaine asymétrie, qui s’estompe toutefois à mesure qu’on descend dans le sud de l’Allemagne. Les échanges commerciaux sont par exemple symétriques avec le Bade-Wurtemberg. Dans la Bade du Sud, le rapport s’inverse: plus de 44 000 frontaliers allemands provenant majoritairement de cette région travaillent dans le nord de la Suisse. Dans le district de Waldshut, une personne active sur cinq gagne sa vie dans notre pays.

… et pays de prédilection des émigrants

La Suisse est d’ailleurs devenue le pays de prédilection des émigrants allemands qui sont plus de 31 000 à l’avoir choisie en 2008, ce qui représente la moitié d’une ville comme Lucerne. Il y a maintenant plus de 233 000 ressortissants allemands dans la population résidente étrangère; ils constituent la deuxième colonie étrangère après la communauté italienne, et leur contribution dynamique à l’économie, à la culture et à la science, mais aussi au système de santé suisse est tout à fait bienvenue.

Prises de positions inacceptables

Ces relations intenses ont été quelque peu perturbées ces derniers temps par le contentieux lié à l’entraide fiscale. Le problème ne provient pas des intérêts parfois divergents des deux pays, mais du ton qu’a pris le débat entre ces deux voisins très proches. Le ­ministre allemand des finances s’est exprimé à plusieurs reprises de façon inacceptable, et a continué de le faire alors que le Conseil fédéral avait décidé le 13 mars 2009 de reprendre les normes de l’OCDE en matière d’entraide administra­tive dans le domaine fiscal. Ses propos ont été reçus avec indignation par le gouvernement, le Parlement et la population suisse.

La Suisse n’est pas un paradis fiscal

Notre pays a clairement manifesté sa position à l’égard de l’Allemagne, publiquement et par les canaux diplomatiques. La Suisse n’est pas un paradis fiscal; elle collabore activement dans ce domaine et a conclu des conventions contre les doubles impositions avec 74 pays, parmi lesquels l’Allemagne – dont elle n’a reçu jusqu’à présent qu’une seule demande d’entraide administrative. Elle a prouvé ses bonnes intentions en concluant avec l’UE des accords sur la fiscalité de l’épargne et la lutte contre la fraude. Cela s’est traduit par un versement à l’Allemagne de 131 millions de francs de produits de la taxation des intérêts en vertu de l’accord sur la fiscalité de l’épargne pour la seule année fiscale 2007.
L’introduction anticipée de l’accord sur la lutte contre la fraude entre la Suisse et l’UE, convenue avec l’Allemagne et avec d’autres membres de l’UE avant que certains d’entre eux aient achevé la procédure de ratification, complète ce dispositif. L’accord est entré en vigueur à l’égard de l’Allemagne et de la majorité des autres Etats de l’UE le 8 avril 2009; 4 pays ne l’ont pas encore ratifié. La controverse avec l’Allemagne a éclaté malgré des contacts intenses, établis et entretenus à tous les niveaux.

Toute coopération doit être mutuelle

Les restrictions imposées par l’Allemagne concernant les approches de l’aéroport de Zurich pèsent aussi sur les relations bilatérales. Cette inégalité de traitement pénalise l’aéroport de Zurich par rapport à ses concurrents de Francfort et de Munich. Les mouvements aériens sont pourtant nettement liés à l’Allemagne, puisque environ 70% d’entre eux sont le fait de compagnies allemandes ou en mains allemandes (Swiss, Lufthansa, Air Berlin, etc.), et que près d’un quart sont à destination ou en provenance d’Allemagne. L’aéroport de ­Zurich est la principale infrastructure aérienne de Suisse et occupe une place importante dans l’économie helvétique comme dans celle de la région transfrontalière.
Il a été convenu que le groupe de travail des deux ministères des Transports procéderait à une analyse commune des nuisances sonores émises par l’aéroport de Zurich selon des méthodes internationalement reconnues. La ­Suisse soumettra ensuite une proposition de fonctionnement de l’aéroport de Zurich fondée sur les résultats de cette analyse.
Les relations avec l’Allemagne doivent avoir un statut prioritaire à tous les niveaux. Aux yeux de la Suisse, deux voisins aussi étroitement liés ont intérêt à soigner leurs relations. Ils se doivent le respect, même lorsque leurs intérêts ou leurs vues divergent. La Suisse a manifesté à plusieurs reprises sa volonté d’entretenir de bonnes relations avec son voisin du Nord. […]»

Source: RPE 2009, pp. 46s.