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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°48, 5 décembre 2011  >  Parcs naturels – retrait insidieux de territoire d’Etat et de bases de vie [Imprimer]

Parcs naturels – retrait insidieux de territoire d’Etat et de bases de vie

par Andreas Geiss

La plus grande catastrophe écologique de forêts en Europe a pris son départ il y a quelques années dans le parc national de la Forêt bavaroise. Un immense cimetière d’arbres a remplacé les forêts vertes. Il s’agit là d’une catastrophe causée uniquement par les hommes, issue d’un aveuglement idéologique. Nos vieilles forêts cultivées au Lusen et au Rachel, donc dans le parc national sont devenues des foyers du bostryche et périront inexorablement avec leur univers d’oiseaux et de plantes, et en partie ils ont apporté ou apporteront la mort par les coléoptères sur toutes les régions forestières bavaroises et bohémiennes.
Les idéologies sont des mondes d’images (grec: idon = image) que les êtres humains se font de la réalité. Les images représentent toujours une réduction de la réalité. Des images et des représentations simples remplacent la réalité complexe. Les représentants d’idéologies sont les idéologues et ils promettent toujours des états définitifs paradisiaques qui s’établiront dans le futur, si on met leur monde d’images à la place de la réalité. Les réalités existantes, considérées non satisfaisantes, doivent être éliminées pour arriver à ce stade final idéal.
Fascisme: Ces dernières décennies, ce terme a été objet d’une large extension de sens. A l’origine il n’était utilisé que pour désigner la forme de dictature de Mussolini en Italie (1922–1945). Plus tard on a dé­signé avec ce mot tous les essais national-socialistes d’ériger un Etat à parti unique. Aujourd’hui on l’utilise pour désigner toute tentative d’imposer une idéologie aux réalités existantes. Les réalités existantes de la société humaine, de la nature etc. sont considérées comme insatisfaisantes et sont détruites avec des mesures mises en place délibérément, souvent par l’autorité de l’Etat, pour arriver à un état final paradisiaque qui devrait durer éternellement.
Fascisme brun ou fascisme de races: en détruisant des races dites «inférieures» on arrivera à un stade final paradisiaque de la communauté du peuple de race pure.
Fascisme rouge ou fascisme de classe: en détruisant une classe sociale, par exemple celle des capitalistes, on arrivera au stade final paradisiaque de la société sans classes.
Fascisme vert ou fascisme écolo: en détruisant la campagne cultivée par les hommes, on arrivera au stade final paradisiaque de la nature authentique et des contrées sauvages.

Etapes du projet dans le parc national de la Forêt bavaroise

Les objectifs initiaux

En 1970, le parc national de la Forêt bavaroise a été fondé. Le but: en supprimant l’économie forestière, on voulait laisser pousser une forêt qui contienne des arbres de 1 à 2 m de diamètre et hauts de 50 mètres, une forêt qui se décompose lentement en l’espace de 300 à 400 ans pour se régénérer ensuite par étapes. Cet objectif a impliqué clairement que l’homme devait intervenir en cas de calamités comme par exemple des arbres abattus par le vent ou la reproduction massive du bostryche.

L’expérience idéologique

En 1983 le directeur du parc national, Hans Bibelriether a imposé un changement d’ob­jectif: «Laisser faire la nature». On a commencé à jouer à quitte ou double avec notre forêt. Ainsi, à partir du 1er août 1983, on a laissé traîner par terre les arbres abattus par le vent, bien qu’on sache mille fois, en tant que spécialiste de la forêt ou en tant qu’agriculteur de la Forêt bavaroise, ce qu’en seront les conséquences: Le bostryche s’installera dans tous ces arbres abattus en les utilisant comme base nourricière pour créer une immense population de coléoptères. S’il y a une grande population de bostryches, ils s’installeront dans tous les arbres épicéa et détruiront la forêt par grandes surfaces. Avec ce changement du projet, on n’a soudainement plus protégé les arbres, mais le bostryche. Lorsque la situation dans le parc s’est aggravée et est devenue incontrôlable, la phase de la minimisation, de l’apaisement et de la dissimulation a commencé: «La prolifération du bostryche trouvera fin au plus tard en 1990.» «Le bostryche ne dépassera pas les 800 m sur mer», etc.

La conséquence écofasciste

Lorsque la catastrophe ne pouvait plus être dissimulée parce que le bostryche avait presque atteint les chemins pédestres menant au Lusen et au Rachel, qu’il avait pénétré profondément dans les forêts de Bohême et dans celle du Dreisessel, on a pris la fuite en avant, on a créé à partir de 1992 la notion de «protection de processus» et on est entré ainsi dans la troisième phase, la phase écofasciste du projet du parc national: Tous les processus, y compris ceux qui conduisent à la destruction de la campagne cultivée par les hommes, sont protégés. Mourir ou tuer pour le stade final paradisiaque est donc érigé en principe. Ces processus représentent également une voie pour arriver au stade idéal paradisiaque de la nature authentique et des contrées sauvages. Pour détourner l’attention des vraies causes de la catastrophe, on a garni le tout d’un gros mensonge: L’effondrement de la forêt serait dû à la pollution de l’air. Le coléoptère ne détruirait que ce qui est déjà voué à la disparition. Mais pourquoi donc la forêt du Danube ou bien toutes les forêts à gauche et à droite du parc national sont-elles encore vertes? Elles sont pourtant soumises aux mêmes émissions. D’autres espèces d’arbres mourraient également et non seulement l’épicéa, si les nuisances par les substances polluantes en sont la cause. Les épicéas meurent parce que le bostryche s’attaque aux épicéas.

Rêves à la Rousseau

Ce que le philosophe français Rousseau (1712–1778) avait élaboré comme conception de l’être humain devrait être imposé dans le parc national de la Forêt bavaroise comme conception de la nature: le romantisme du «retour à la nature», le message du «bon sauvage». L’arbre planté, ce n’est pas la nature, mais uniquement celui issu d’une graine ar­rivée là par hasard et qui a pu y pousser et grandir. Avec cela nous avons la distinction entre le bien et le mal, entre de bons arbres et de mauvais arbres. Et avec cela nous avons une nouvelle base d’action pour tout ce qui doit être détruit. L’idéologue créant ainsi une distinction entre le bon et le mauvais peut se mettre au travail visant l’objectif final.
Mais dans notre pays très peuplé, nous ne pouvons pas nous permettre de réaliser des rêves à la Rousseau. Dans notre société pleine d’exigences, on ne peut pas laisser grandir les enfants comme de «bons sauvages» sans savoir ni formation. De même nous ne pouvons plus abandonner la nature à son destin. L’état de développement de la civilisation, c’est-à-dire de la campagne cultivée, ne peut plus être reconduit. Nous n’avons pas besoin de parcs naturels. Nous avons dépassé ce stade du développement. Nous avons besoin d’une nature cultivée aux ingérences réduites des hommes dans les processus, si nous voulons créer un refuge pour la nature, si nous ne voulons pas la destruction de la nature comme dans le parc national. S’il y a des calamités qui se produisent, nous devons toujours intervenir rigoureusement, car ce n’est que de cette façon que les arbres peuvent atteindre l’âge de 300 à 400 ans. Et une telle forêt est une véritable attraction et représente un beau patrimoine pour les générations futures. Le projet du parc national est tellement primitif, c’est comme si quelqu’un croyait qu’en libérant un troupeau de bœufs, cela redeviendrait un troupeau d’aurochs.

La tentation idéologique et la réalité

On penserait que précisément nous, les Allemands, devrions avoir développé une intuition pour déceler des idéologies et le fascisme, vu que notre peuple l’a déjà vécu. Lorsqu’on nous fait miroiter un stade final paradisiaque, nous devrions nous en méfier. Lorsqu’on nous raconte qu’on devrait malheureusement accepter la destruction de toutes les réalités qui ne sont pas satisfaisantes pour arriver à un stade final paradisiaque, cela devrait sonner l’alarme chez tout le monde. Le fascisme brun a laissé derrière lui des millions d’êtres humains morts, un pays détruit et aucune trace d’un stade final paradisiaque. Le fascisme rouge a laissé des millions de vies détruites, une économie nationale détruite et pas de trace d’un stade final paradisiaque. Le fascisme vert laisse derrière lui des millions d’arbres morts, une Forêt bavaroise galeuse et pas de trace d’un stade final paradisiaque.

Un cimetière d’arbres n’est pas une attraction touristique

Pendant des siècles, nous, les gens de la forêt, nous étions les parias de la société allemande parce que nous étions pauvres. Maintenant que la vie dans notre pays boisé n’est plus tout de suite associée à la notion de pauvreté, et que vivre «en forêt» a une image positive, des idéologues venus de l’extérieur font des expériences sur notre forêt, nous privent de l’image familière de notre patrie, détruisent cette nature magnifique et associent la notion de la «Forêt bavaroise» pour des décennies au fléau du bostryche et à des étendues immenses de bois mort. Une telle Forêt bavaroise galeuse, en loques comme la veste d’un mendiant, n’attire aucun touriste car qui voudrait se confronter en vacances à des images qui le repoussent par leur laideur et qui rendent dépressif?     •
(Traduction Horizons et débats)