Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°5, 8 fevrier 2010  >  Espoir pour de nouvelles sortes de pommes résistantes [Imprimer]

De très anciennes sortes de pommes trouvées en Asie centrale, résistantes au feu bactérien et à la tavelure

par Klaus Gersbach, président de Fructus (Association pour la promotion d’anciennes sortes de pommes), www.fructus.ch

Le jardin d’Eden se trouvait peut-être en Asie centrale. Et peut-être qu’Adam et Eve ont été chassés du paradis parce qu’ils ont goûté au Malus sieversii. Cette sorte de pommes et quelques autres – dont descend notre pomme de table Malus domestica – ont leur origine dans de véritables forêts vierges de pommiers dans la région d’Asie centrale du Kazakhstan et de Kirghizie. Elles font aussi partie de la plus grande collection de sortes de pommes du monde, celle de l’Institut de recherches Cornell-Geneva dans le Nord de l’Etat de New York, USA. Là-bas, Phil Forsline, qui travaille pour l’Office fédéral de l’Agriculture USDA, est responsable d’un projet de culture qui pourrait révolutionner la production de pommes dans le monde entier. Il a expliqué à un groupe de spécialistes suisses en culture de pommes pourquoi les propriétés des pommes primitives sont si précieuses pour la culture de nouvelles sortes de pommes et de porte-greffes résistants aux maladies.

La plupart des sortes actuelles en Amérique du Nord sont issues des graines des fruits amenés d’Europe par les immigrants du XVIIe jusqu’au XIXe siècle. Ce «pool génétique» est aussi appelé «pool génétique Johnny Appleseed» parce qu’un certain John Chapman (surnom: Johnny Appleseed), un missionnaire du Massachusetts a semé et observé pendant 50 ans un grand nombre de graines de pommes d’Europe et il les a ensuite plantées dans tout le Middle West. On a continué à sélectionner les descendants de ces graines, surtout en vue de leur couleur et de leur grandeur. Ainsi, à partir d’une Red Delicious presque incolore sont issus différents types de Red Delicious d’un rouge profond. La Golden Delicious, la McIntosh et la Jonathan sont également issues de ce pool génétique. Toutes ces sortes ont les mêmes origines: Malus x domestica de l’Asie centrale.
Mais aux USA existent aussi des pommes sauvages vieilles de plus de 1000 ans qui ont dû être introduites jadis par les Indiens depuis l’Asie en passant par le détroit de Béring. Dans la collection de Geneva il y en a aussi des descendants.

Petite histoire de la simplicité génétique

On peut prouver de plus en plus clairement que les sortes de pommes actuelles ont déjà été apportées en Europe de l’Ouest depuis l’Asie centrale par les Grecs et les Romains. En plus, les commerçants ont dispersé les plantes tout au long de la route de la soie.
Dans l’hémisphère sud, les sortes dominantes comme la Granny Smith et la Gala sont également génétiquement très ressemblantes aux sortes des USA. La Granny Smith par exemple a été découverte en 1868 à Sidney Eastwood, en Australie. Elle est issue des graines de ces arbres qui ont été plantés dans les premières cultures de semences de fruits en 1788 en Tasmanie; ces arbres, de leur côté, avaient leur origine en Angleterre. Ainsi, presque toutes les sortes de pommes actu­elles ont mondialement des propriétés génétiques très semblables.

Expéditions aventurières dans la patrie de la pomme

Nouveaux et différents sont maintenant les greffons et les graines du Caucase, du Kazakhstan, de la Chine et de la Russie, qui ont été rassemblés entre 1989 et 1999 dans sept expéditions financées par l’Office de l’Agriculture des USA (USDA). L’objectif était l’élargissement de l’étroite base génétique des pommes de table. Dans les forêts vierges de pommiers de l’Asie centrale, on a rassemblé du matériel de plantes et on l’a transféré ensuite à la banque génétique à Geneva NY. On a emmené surtout du matériel de la «pomme primitive» Malus sieversii, qui est certainement l’une des plus importantes ancêtres de nos sortes actuelles de la Malus domestica.
Phil Forsline a participé à toutes les expéditions. Lors de la visite de l’immense verger de pommiers il raconte: «Pour arriver dans les montagnes du Caucase nous avons souvent dû utiliser l’hélicoptère et effectuer de longs trajets en jeep sur de mauvaises routes poussiéreuses et faire de longs tours à pied. Mais ce que nous avons trouvé là-bas, nous a permis de doubler l’étendue du patrimoine génétique de notre collection à Geneva. Cet effort nous a fait avancer scientifiquement. Cela nous a permis de connaître la genèse des pommes des millénaires en arrière. Nous avons pu constater que la diversité des variétés de pommes est beaucoup plus large qu’on ne l’attendait. Nous connaissons maintenant par exemple Malus augustifolia avec des feuilles pennées ou bien aussi Malus ombrophila qui ressemble à des petits Nashi avec ses fruits brun foncé et les grandes cellules lentis blanches.

Les porteurs d’espoir dans la culture de résistance

Ce qui est très prometteur pour les cultivateurs ce sont des sortes de Malus sieversii qui ont été trouvées pendant les expéditions au Kazakhstan. Parmi eux, il y en a beaucoup qui ont des propriétés de résistance très précieuses. En plus, leur qualité de fruit est très semblable aux sortes de fruits de table actuelles. Les sortes sauvages, qui ont été utilisées dans la culture pour augmenter la résistance, ont souvent des fruits très petits. L’exemple le plus connu est la Malus floribunda: La plupart des sortes produites actuellement, résistant à la tavelure doivent cette propriété à cette petite pomme. Quelques sortes de la Malus sieversii par contre n’ont pas seulement une résistance contre la tavelure mais aussi contre le feu bactérien, et elles ont la grosseur de fruit souhaitée. Avec un tel matériel, les buts de cultures demandées actuellement peuvent être atteints plus vite parce que la grosseur requise du fruit existe déjà.
Les résultats des premiers tests sont très prometteurs: Pas moins de 25% des sortes testées du Kazakhstan se sont avérées résistantes à la tavelure. C’est d’autant plus positif que les résistances se sont développées par une sélection naturelle.

Patrimoine génétique du Kazakhstan également dans la culture de pommes en Suisse

Dans le monde entier, dans diverses institutions de recherche, sept variétés différentes de la série du Kazakhstan sont testées comme croisements avec la pomme Gala. Dans les descendants on a observé 67% ayant une résistance à la tavelure et jusqu’à 30% ayant la résistance au feu bactérien.
A l’institut de recherche Agroscope (ACW) à Wädenswil également, le cultivateur de pommes, Markus Kellerhals, a reçu, il y a deux ans, du matériel de dix sortes de la Malus sieversii résistantes au feu bactérien de la collection de Phil Forsline. Cette année à Wädenswil, on a pu effectuer les premiers croisements. Il y a également des descendants de Malus robusta 5 à Wädenswil. Kellerhals collabore dans ces expériences aussi avec la station de recherche de Dresde-Pillnitz, qui dispose dans sa banque génétique de différentes variétés de Malus sieversii.

Pommes du Caucase pour des porte-greffes sains

Les capacités de résistance sont également d’actualité pour la culture des porte-greffes. Les vieilles forêts fruitières du Caucase sont de véritables coffres à trésor pour des types de racines résistantes. Forsline nomme comme exemples les résistances trouvées contre le Phytophthora cactorum (pourriture du collet), mais aussi celle contre le Rhizoctonia solani, un champignon qui semble être responsable des problèmes rencontrés dans les cultures de fruits pour la reproduction.
Prometteuse semble être aussi la résistance contre le feu bactérien utilisée dans la culture, laquelle a été trouvée avant tout dans la sorte Malus orientalis, pomme du Caucase trouvée au Caucase russe et dans la région de Sichuan. Cette résistance contre le feu bactérien est spécialement précieuse pour la culture des porte-greffes, parce que le matériel disponible de Malus orientalis présente un bon état virologique et qu’il est robuste contre diverses autres champignons du sol.
Deux de ces porte-greffes nommés Kazak ont subi des tests extrêmes concernant le feu bactérien et la pourriture du collet et sont déjà dans les programmes de culture de porte-greffes de Gennaro Fazio, cultivateur de Geneva NY. Fazio a conduit le groupe de voyage à travers ses champs d’essai et il pense qu’une génération de porte-greffes résistants contre le feu bactérien pourrait être prête dans cinq ans. Des porte-greffes habituels résistants contre le feu bactérien de Cornell Geneva (CG) sont des croisements de sortes traditionnelles avec Malus robusta 5. Une alternative à la M 9 est par exemple la CG 41, un croisement de M 27 x Malus robusta 5. Des pommiers avec de telles bases se trouvent aussi en Suisse chez Agroscope à Wädenswil et chez FiBL à Frick.
Malheureusement, en Suisse il n’y a pas encore de licence et ces porte-greffes ne sont donc pas à disposition dans la pratique. Le pépiniériste thurgovien Erich Dickenmann, qui a fait partie du groupe à Geneva, a essayé jusqu’à présent en vain d’obtenir une licence; mais il dit qu’il fera tout son possible pour obtenir bientôt des porte-greffes résistants contre le feu bactérien pour la culture des arbres. Finalement, Dickenmann a fait aussi des efforts pour obtenir une licence de Gennaro Fazio, et cela à plusieurs reprises.
Les participantes et les participants du groupe de voyage ont été très impressionnés par cette immense et certainement unique collection de sortes de pommes. Ils sont persuadés que les productrices et les producteurs suisses auront également à disposition, dans un avenir proche, une nouvelle génération de sortes et de porte-greffes obtenue par des méthodes naturelles.    •

Rapport partiel du voyage de professionnel des fruits du 19 au 23 août 2009, organisé par Klaus Gersbach, Strickhof, Fachstelle Obst, et président de Fructus.
Source: Fructus, no 94, décembre 2009
(Traduction Horizons et débats)