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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°11, 18 mars 2013  >  Un ami des faibles [Imprimer]

Un ami des faibles

Les derniers adieux de l’ancien ambassadeur suisse Walter Suter au président vénézuélien Hugo Chávez Frías (1954–2013)

par Walter Suter*

Berne/Caracas. Maintenant, il nous a quittés – tout en demeurant parmi nous: notre frère et compagnon, Presidente Comandante Hugo Chávez Frías. Le 5 mars 2013, après avoir longtemps souffert d’un cancer supporté héroïquement, il a rendu l’âme tout en s’éloignant dans l’immortalité: «Qui est mort pour la vie ne peut pas être déclaré mort.»

(Alí Primera).

Personnellement, je n’oublierai jamais la conversation intense et inhabituellement longue à l’occasion de la présentation de mes lettres de créance en tant qu’ambassadeur suisse au Venezuela fin 2003 avec le président au sujet de ses projets révolutionnaires. A la fin de notre entretien, il a pris mon bras, m’a regardé fermement et avec détermination dans les yeux et a dit d’un ton pressant: «Monsieur l’Ambassadeur, je vous le dis, dans ce pays règne la culture de la tricherie; et je vais changer cette culture!»

Améliorations pour ceux qui sont privés de leurs droits et exclus

En fait, Hugo Chávez laisse un héritage exceptionnel, caractérisé par son dévouement et ardeur pour ceux qui étaient privés de leurs droits et exclus dans son pays et l’amélioration de leur sort. Tous s’en souviendront. Hugo Chávez aimait son peuple, il lui a donné dignité, respect et estime de soi. Un très grand parmi les grands.
Gottlieb Duttweiler, fondateur de la chaîne de distribution Migros en Suisse – qui n’était certainement pas homme de gauche, a déclaré en son temps: «Celui qui se bat pour les faibles, aura le fort comme ennemi.» Ces mots pourraient aussi caractériser les quatorze années de la présidence du révolutionnaire vénézuélien Hugo Chávez. En guise d’explication de tous les problèmes et toutes les difficultés qu’il a eus dans son propre pays, mais aussi des améliorations considérables que son gouvernement a réalisées en faveur de la majorité des gens jusqu’alors défavorisés.
Après la quatrième opération du cancer à Cuba, il est récemment retourné dans son pays, cependant trop faible pour reprendre les rênes, mais suffisamment présent pour ses partisans pour garantir la continuité de sa politique. Car, lors de nouvelles élections, ils vont de nouveau voter pour lui, même s’ils le feront en votant pour un nouveau candidat de son Parti socialiste unifié (PSUV).
Le nouveau, probablement Maduro Nicolá, jusqu’alors vice-président, est déjà responsable d’une «correction»: la dévaluation de la monnaie nationale d’un tiers. Cette mesure était nécessaire parce qu’il y a encore trop peu de production dans le pays même. Diminuer la dépendance des importations a toujours été un objectif de Chávez. Cependant, toutes les tentatives précédentes visant à renforcer à la fois l’industrie et la production agricole ont échoué en grande partie. Ce que le gouvernement admet ouvertement. Dans le nouveau plan de développement (2013 à 2019), on a donc de nouveau mis l’accent sur l’amélioration des conditions économiques, notamment dans le développement industriel.

«Lutte radicale contre la pauvreté»

Le retard dans ce domaine est notamment le prix pour la priorité absolue que Chávez a poursuivie dès le début et dans laquelle il a investi la majorité des revenus pétroliers du pays: la lutte radicale contre la pauvreté.
Donner enfin accès à la santé publique, à la formation, à un logement tolérable, à tous ceux qui étaient exclus jusqu’alors, voilà son objectif. Le président en a fixé les impulsions et a beaucoup réalisé. En 2005 déjà, l’UNESCO a déclaré le Venezuela libre d’analphabétisme. Le pourcentage de pauvres a diminué de près de 50% (2002) à un peu moins de 30% (2011). Il y a des médecins pour tous, les denrées alimentaires de base sont subventionnées. Les coûts de tout cela en valaient la peine. Car Chávez a ainsi donné un espoir à la majorité défavorisée. Les gens ont remarqué que quelque chose a changé en leur faveur.

Parlement démocratiquement légitimé

Après des siècles de régime autoritaire, les exclus peuvent maintenant participer politiquement et prendre part aux 30 000 à 40 000 conseils communaux (Consejos Comunales). Ils ne voulaient plus se priver de tout cela. Par conséquent, Chávez a été réélu à plusieurs reprises. Bien que l’opposition dispose encore de la majorité de la presse et de la télévision et ait mené des campagnes des plus agressives, de nettes majorités ont soutenu ses programmes politiques dans 14 élections sur 15 depuis 1999.
L’UE a confirmé en 2005 déjà, que ces élections se sont déroulées de façon absolument correcte, et plus tard aussi la fondation de l’ancien président américain James Carter. Même l’opposition vénézuélienne l’avoue entre-temps. Il n’y a donc aucun doute que le Parlement est légitimé démocratiquement. Les «Chavistas» y auront la majorité absolue pour encore au moins trois ans. En outre, 20 gouverneurs sur 23 sont des militants du parti. Les forces armées font maintenant également bloc derrière le gouvernement et sa politique. Compte tenu de cette force institutionnelle, tout plaide en faveur d’une poursuite de la politique sociale dans les années à venir.

Des conservateurs reconnaissent les prestations de Chávez

L’Archevêque et théologien de la libération brésilien Mgr Hélder Câmara a dit une fois: «Lorsqu’on rêve tout seul, ce n’est qu’un rêve, alors que lorsqu’on rêve à plusieurs, c’est déjà une réalité.» Chávez a montré la voie aussi aux pays d’Amérique latine voisins. De larges parties de la population ont réalisé que des conditions de vie misérables ne sont pas irréfutables.
Dans la dernière décennie, les gouvernements de gauche démocratiquement élus ont repris le pouvoir au Brésil, en Uruguay, en Argentine, au Paraguay, en Bolivie et en Equateur. Pour eux, Chávez était et est toujours le point de repère. Et même un conservateur comme le président chilien Sebastian Piñera reconnaît que Chávez a été la véritable source d’inspiration de l’intégration latino-américaine entre-temps réalisée. En Europe, trop souvent, on ne se rend pas assez compte de tout cela. Certes, ces étapes d’intégration ne sont pas dans l’intérêt du Nord.
En conclusion: le Venezuela d’aujourd’hui a encore d’énormes problèmes dont Chávez et ses compagnons se rendent compte: la situation économique, la corruption toujours sévissante, l’administration qui ne fonctionne pas correctement, la criminalité élevée. Malgré tout cela, Chávez a accompli énormément de choses. Aujourd’hui, son «socialisme du XXIe siècle» est rêvé d’un grand nombre de personnes en commun.     •

*     Walter Suter est membre du Parti socialiste suisse et ancien ambassadeur de la Suisse au Venezuela.
(Traduction Horizons et débats)

gl. La sympathie exprimée par la population du Venezuela et par toute l’Amérique latine à l’occasion de la mort du Président Hugo Chávez est bouleversante. Plus de deux millions de personnes du pays entier ont assisté aux cérémonies funèbres et ont fait la queue des jours entiers afin de pouvoir personnellement dire adieux à leur Président. Mais aussi toute l’Amérique latine pleure un homme d’Etat qui a beaucoup fait pour l’unification et le développement du continent – et qui s’est engagé courageusement et avec bravoure pour la paix mondiale, la souveraineté et l’égalité de tous les Etats. Dans 15 pays du monde, le deuil national a été décrété, dont le Brésil, l'Argentine – et également la Chine.
Le fait qu’en Europe, on nous présente une image caricaturale déplorable de l’activité de Chavez, en dit long sur l’indépendance de la presse. L’Amérique latine ne s’en laissera pas impressionner – nous y sommes toujours considérés comme vassaux fidèles des Etats-Unis.