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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°41, 13 octobre 2008  >  Guerre en Géorgie [Imprimer]

Guerre en Géorgie

Les médias israéliens révèlent des implications israéliennes

par Wolfgang Freisleben

Ces derniers sept ans, des entreprises israéliennes ont équipé la Géorgie pour la guerre contre la Russie au moyen de livraisons d’armes, d’entraînement d’unités d’infanterie et de la formation d’unités d’élites. Des médias israéliens ont révélé encore pendant les hostilités l’implication en partie scandaleuse d’Israël dans la préparation de l’attaque de l’Ossétie du Sud par la Géorgie le 7 août. De cette manière, la première (USA) et la quatrième (Israël) nation exportatrice d’armement à l’échelle internationale se sont montrées pour la première fois dans le Caucase ouvertement sur la scène internationale en tant que partenaires dans l’intervention militaire. Le quotidien israélien «Haaretz» a cité le 15 août le président géorgien Mikheil Saakachvili comme suit: «Nous avons deux membres israéliens dans notre cabinet. Aussi bien la guerre que la paix sont entre les mains des Juifs israéliens». Il songeait au ministre de la Défense David Kezerashvili et au ministre pour l’Intégration territoriale, Temur Yakobashvili. Tous deux parlent couramment l’hébreu et ont noué l’étroite coopération militaire de la Géorgie avec Israël. Grâce avant tout aux affaires issues de l’armement, Israël est devenu le principal investisseur dans l’économie de la Géorgie.
Au début de cette guerre, Israël s’est empressé d’assurer qu’au moins deux des entreprises privées israéliennes de sécurité et de mercenariat, Defensive Shield et Global CST, avaient achevé avec plusieurs centaines de leurs instructeurs militaires leurs missions ayant eu pour but de former l’armée géorgienne et d’entraîner les soldats aux interventions armées en Géorgie et qu’elles avaient également quitté le pays fin juillet comme leur sous-mandataires – c’est-à-dire juste quelques jours avant l’offensive de l’armée géorgienne. Le propriétaire de Defensive Shield est le brigadier-général de la réserve, Gal Hirsch. Le major-général de la réserve Israël Ziv a la fonction de manager de Global CST. Gal Hirsch a conseillé l’armée géorgienne pour la formation d’unités d’élites selon le modèle de la Sayeret Matkal israélienne et pour le réarmement. En outre, il a tenu différents cours sur la stratégie guerrière et les stratégies de combat dans des territoires bâtis développées par les Israéliens lors de l’occupation des territoires palestiniens.
L’ancien ministre israélien Roni Milo et son frère Shlomo, ancien directeur général du groupe israélien Military Industry ont été d’autres profiteurs de la guerre. Roni Milo a servi d’intermédiaire en Géorgie pour des affaires au profit des deux groupes d’armement israéliens Elbit Systems et Military Industries. Des avions sans pilote (avions à pilotage automatique ou remote-piloted vehicles/ RPV), des tourelles automatiques pour des véhicules blindés de combat, des systèmes de défense aérienne, des systèmes de communication, des obus et des missiles ont été entre autres livrés.

La formation de l’armée géorgienne est un scandale

L’engagement de ces personnes a pris en Israël l’ampleur d’un scandale national depuis que des instructeurs qui sont revenus ont exercé de vives critiques. On reproche à Gal Hirsch d’avoir vendu par pure avidité les doctrines de combat confidentielles de l’armée israélienne et d’autres informations de même nature. A juste titre, on s’est ainsi inquiété du fait que ce ne sont pas seulement les officiers géorgiens qui savent comment l’armée israélienne (IDF) entraîne ses troupes de combat et comment elle organise ses troupes d’élites. Il est de plus possible que le pays voisin majoritairement chiite, l’Azerbaïdjan, espionne ces secrets et puisse éventuellement les vendre ailleurs.
Le service des renseignements israéliens Ynetnews a cité un instructeur israélien qui a déclaré avoir vu sur une table, dans une chambre de conférence non surveillée, un livre confidentiel de l’armée israélienne avec des instructions de sécurité, tout comme des CD de l’armée portant l’indication «confidentiel». Ainsi il aurait été facile de dérober ces informations. Defensive Shield a répondu à ces reproches que toutes les activités de l’entreprise, y compris le matériel pour l’entraînement, avait été autorisées par le ministère de la Défense. Les standards de sécurité relatifs aux informations auraient été strictement observés par des officiers de sécurité expérimentés. Un autre Israélien a rapporté que la formation des soldats géorgiens avait dû être effectuée dans l’ urgence pour pouvoir développer le plus possible de projets lucratifs. Les soldats ont certes été instruits sur une intervention militaire proche. Cependant, on leur a expliqué qu’ils devraient soutenir les troupes de l’OTAN en Irak bien qu’à priori l’objectif réel des engagements était indubitablement l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie.
D’après leurs propres déclarations, il était clair pour les instructeurs israéliens que les soldats n’étaient pas suffisamment préparés pour une guerre en fonction des standards israéliens et que les officiers n’avaient qu’une formation moyenne. Ils leur a donc semblé tout à fait insensé d’expédier une telle armée dans la guerre. Un instructeur a rapporté également que la plupart des soldats qu’il avait formés ont été tués pendant cette guerre.

Israël bafoué par le chef du Hezbollah

Le scandale est devenu gênant lorsque le secrétaire général de la milice chiite du Liban du Sud, Hassan Nasrallah, a raillé, dans un discours à l’occasion du deuxième anniversaire de la deuxième guerre du Liban, les dirigeants politiques et militaires israéliens: «Tous les dirigeants de l’armée ont été limogés en raison de la guerre du Liban. Gal Hirsch a déjà été vaincu au Liban et maintenant la Géorgie a perdu par sa faute.»
Hirsch a servi pendant la guerre du Liban en tant que commandant de la division Galilée de l’IDF et a dû démissionner après les graves pertes israéliennes. Nasrallah railla encore: «En se fiant aux experts israéliens et à leurs armes, la Géorgie a appris pourquoi les généraux israéliens ont échoué. Ce qui s’est passé en Géorgie est un avertissement à l’adresse de tous ceux qui cherchent à impliquer l’Amérique dans des aventures dangereuses.»

Armement depuis sept ans

L’armement israélien au profit de l’armée géorgienne a commencé il y a sept ans et a été réglé par l’intermédiaire d’hommes d’affaires géorgiens qui ont émigré en Israël et y ont pris contact avec l’industrie de l’armement et des marchands d’armes. Ils ont indiqué, à la surprise générale, l’importance du budget réservé à l’armement par ce petit Etat de 4 millions et demi d’habitants. La coopération militaire entre ces deux pays s’est développée très rapidement, ce qui était dû avant tout à l’engagement personnel du ministre de la Défense. Les marchands d’armes israéliens ont aussi essayé de convaincre l’entreprise d’Etat Israeli Aerospace Industries de vendre des systèmes entiers à l’armée de l’air géorgienne, ce qui a cependant été rejeté. La raison de ce refus étaient les commandes russes à Aerospace Industries pour l’armement additionnel d’avions de combat issus des réserves de l’ancienne URSS. Israël ne voulait pas trop irriter les Russes. Les Russes considérèrent avant tout la livraison d’avions à pilotage automatique par le groupe israélien privé et coté en bourse Elbit Systems comme une provocation. Ceux-ci ne sont pas seulement utilisés pour la reconnaissance aérienne mais, équipés de missiles ou de bombes, ils peuvent alors être employés comme armes offensives sans pilote.
Le service d’informations israélien DEBKA-files a rapporté que cet engagement israélien important en Géorgie vise en secret à permettre à Israël de prendre pied dans les affaires énergétiques. A travers la Géorgie, un nouveau corridor pourrait être construit pour transporter le pétrole provenant d’Azerbaï­djan et le gaz provenant du Turkménistan lequel passerait par Bakou (en Azerbaïdjan), Tiflis (en Géorgie), Ceyhan (en Turquie) pour continuer vers Ashkelon et Eilat (tous deux en Israël) en traversant la mer Rouge en direction de l’Inde. En 2005, il y a déjà eu des premiers rapports sur des projets israélo-turcs pour la construction d’un pipeline allant de Ceylan à Ashkelon en traversant la Méditerranée et en passant par Eilat pour continuer vers l’Asie du Sud. Cependant, ce sont les Russes qui ont gagné pour l’instant la compétition. Comme l’a relaté le quotidien asiatique «Asia Times» le 30 juillet,1 le groupe russe Gazprom a réussi à conclure un accord à long terme avec l’élite dominante particulièrement versatile du Turkménistan pour l’exploitation des énormes gisements de gaz turkmènes.    •

Source: Zeitschrift International III/2008
(Traduction Horizons et débats)

1 www.atimes.com/atimes/Central_Asia/JG30Agt01.html