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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2015  >  N° 26, 19 octobre 2015  >  Maintenant tout redevient clair: la Suiza exista! [Imprimer]

Maintenant tout redevient clair: la Suiza exista!

«Des cors des Alpes au lieu d’hallebardes» – la surprise à l’Expo Milano 2015

par Heini Hofmann

A l’Exposition universelle Milano 2015, le concert-record des cors des Alpes était le moment fort suscitant un écho médiatique de loin le plus intense. Ainsi le dénigrement de la Suisse en tant que nation lors de l’Expo de Séville a été clairement corrigé: la Suisse existe – hier, aujourd’hui et demain!

Ceux qui pouvaient assister au concert en direct étaient fascinés: sous un soleil radieux, d’abord l’entrée marquée au pavillon suisse de l’Expo et puis l’exploit sur la majestueuse Piazza della Madonnina devant le Dôme de Milan avec 425 joueurs de cor des Alpes (dont de nombreuses femmes), de même que des jongleurs de drapeaux, des tambours et des hallebardiers (non armés), tous en costume traditionnel – un concert de tous les superlatifs digne de figurer dans le livre Guinness des records. C’est la Suisse qui a couronné l’Expo 2015 par le plus fort moment destiné au public.

Expérience sonore psychédélique

On aurait à peine pu s’imaginer un amphithéâtre plus adéquat du point de vue acoustique que la place du Dôme de Milan: en face la façade gothique du chef-d’œuvre architectural s’élançant vers le haut et autour de la place des palais non moins splendides. Dans cet amphithéâtre à ciel ouvert 425 instruments de culte venant de nos Alpes suisses ont créé un cadre sonore d’une intensité inouïe, archaïque et psychédélique au sens propre du terme.
Donc un effet sonore en plein-air semblable à celui du «Morgestraich» lors du carnaval de Bâle – non pas quant à la tonalité mais à l’intensité – lorsqu’à 4 heures du matin toutes les lumières s’éteignent et des voix s’élèvent criant «Morgestraich – en avant marche!» et qu’alors explose de toutes les ruelles et rues du centre-ville avec une extrême intensité les battements des tambours et les sons des piccolos. Une plus grande jouissance d’un tel événement sonore ne serait probablement possible que parvenant d’une montgolfière.
A Milan, en face du Dôme, le roi Vittorio Emanuele II observait l’événement du haut d’une statue équestre colossale. Le Re cacciatore semblait porter sur les nombreux Suisses un regard plein d’indulgence et de bienveillance, et ce, parce que si leurs ancêtres n’avaient pas volé en 1906 à un de ses successeurs trois petits bouquetins, cette espèce n’aurait pu être sauvée dans tout l’arc alpin. C’est ainsi que le délit tourna en acte de bienfaisance …

Signaux positifs avec effet

Ainsi, 500 ans après la défaite de Marignan, un contingent suisse vint envahir à nouveau le 26 septembre 2015 la Lombardie mais cette fois dans une intention pacifique, avec des cors des Alpes au lieu de hallebardes, avec de la musique à la place des armes. Jamais auparavant autant de cornistes des Alpes n’avaient donné de concert à l’étranger. Comme cet instrument national a non seulement un effet unique, mais semble aussi autochtone et par conséquent authentique, il suscite de la sympathie et du goodwill pour notre pays, un effet bienvenu en ces temps difficiles.
Avec cet événement de cor des Alpes gigantesque lors de l’Expo Milano, les organisateurs ont voulu attirer l’attention non seulement de l’Italie, mais du monde entier sur quatre jalons importants de la Confédération: 500 ans de neutralité (Marignan/Milan, 1515), 200 ans de paix et d’indépendance (Congrès de Vienne, 1815) et – dans le proche avenir – le 725e anniversaire de la Suisse (2016) ainsi que l’ouverture du tunnel ferroviaire du Saint-Gothard, avec ses 57?km le plus long du monde (2016).

«Du-Da-Doo» – «Post-au-too»

Les deux concerts – à l’Expo et sur la place du Dôme – ont commencé par l’ouverture de l’opéra «Guillaume Tell» de Gioachino Rossini, l’un des plus grands compositeurs italiens dont plusieurs œuvres ont eu la première à la Scala de Milan. De l’andante de cette ouverture est issu le fameux klaxon à trois tons du car postal suisse. La séquence sonore do dièse-mi-la en la majeur, est connue depuis 1923 comme le perce-oreille «Du-Da-Doo» des car postaux suisses.
Lorsque le chauffeur du car postal fait retenir le klaxon à trois tons devant un rétrécissement de la route de montagne, les touristes étrangers applaudissent, et les passagers suisses se souviennent de leurs voyages scolaires passés. Car ce triple accord est plus qu’un avertisseur, il est une espèce de chant de prière technique qui, tout comme le cor des Alpes, réveille des sentiments patriotiques.
A part «San Gottardo» de Rossini, il y eu encore deux premières à savoir «Expo Milano» et «La bataille de Marignan». L’inscription dans le livre Guinness des records qui n’a plus qu’à prendre les barrières formelles, pourrait être assurée. Cependant c’est moins important pour toute la famille de cornistes des Alpes que la fierté personnelle d’avoir contribué à la réussite.

Un effort logistique extraordinaire

Ce qui est fou dans cette histoire: les 425 cornistes des Alpes ne pouvaient jamais répéter tous ensemble au préalable des deux concerts à Milan. Certes, il y a eu dans toutes les parties du pays des répétitions générales obligatoires en plus grandes formations. Mais les deux concerts de Milan étaient épreuve de feu et live en même temps. Mais tout a parfaitement fonctionné parce que tous ont donné le maximum – entrée en scène disciplinée et force au niveau du son.
Une organisation étonnante: de tous les cantons suisses, les gens en costumes traditionnels se sont réunis, accompagnés par le conseiller fédéral Ueli Maurer lui-même dans un costume traditionnel, ont démontré au monde ce dont une nation de volonté est capable. Avec les icônes suisses telles les cors des Alpes, les CFF et les cars postaux, ils ont voyagé (plusieurs ont dû se lever avant quatre heures du matin) avec beaucoup de bonne volonté et une collation sponsorisée au concert colossal à Milan et sont rentrés le soir même avec les transports publics tout contents et sans aucun incident.

Imitation recommandée

L’idée de cet événement de valeur ajoutée simple, mais extrêmement effectif ne venait pas des étages du tourisme, mais de la base. L’initiateur était l’ensemble «Alphorn-Ensemble Engiadina St. Moritz» avec Hans Peter Danuser, ancien directeur du tourisme de St. Moritz.
Le patronage incombait à Karin Niederberger de Malix, présidente de la Fédération suisse des yodleurs, et Christian Durisch de Coire était directeur de projet, expérimenté sur le plan d’expéditions à l’étranger (en 2008 «les Grisons à Berlin» – avec plus de 300 chèvres). Que l’Assessore alla Cultura (conseiller municipal de la culture) qui a accueilli les cornistes suisses à Milan, s’appelait Filippo del Corno, n’était que la cerise sur le gâteau d’une gestion de la marque bien réfléchie.
En bref: cette manifestation suisse pacifique venant de l’Engadine «Cors des Alpes au lieu de hallebardes» lors de l’Exposition universelle à Milan a, aux dépenses minimales et soutenu par un large travail bénévole, suscité dans le monde entier le plus grand écho médiatique. Ce qui pourrait être un avertissement de se rappeler ses propres valeurs principales lors de futures expositions nationales et universelles. Elles sont plus efficaces que certaines rigolades intellectuelles et artificielles. Maintenant, le slogan «La Suiza no exista» est du passé et le monde entier sait que «La Suisse existe – plus que jamais!»    •
(Traduction Horizons et débats)

Le cor des Alpes

HH. Avant que le cor des Alpes devienne instrument de musique et attraction touristique, il servait à rassembler le bétail. Sa fabrication relève de l’artisanat traditionnel: l’artisan qui construit le cor des Alpes cherche
un sapin au penchant de la vallée et qui est pour cette raison tordu. Il enlève l’écorce et le divise en deux, creuse avec le rabot rond et la gouge les deux moitiés jusqu’à une épaisseur d’environ trois millimètres, colle de nouveau les parties et les enveloppe de rotin.
Une embouchure de trompette en bois facilite la transmission des vibrations des lèvres à l’air enfermé dans le tube du cor des Alpes. Une vibration lente fait naître un son profond. Plus les lèvres vibrent vite, plus la corne sonne haut. La portée acoustique du cor se monte – on s’étonne – à 8 kilomètres. Pour le transport, on peut démonter en trois parties l’instrument de plus de 3m et de 2–3kg. Récemment, des cors de carbone ultralégers, noir-gris (en 10 pièces et à peine ½ kg) sont produits; mais l’effet intime du bois leur manque.