La neutralité et la souveraineté sont absolument prioritaires«L’OTAN n’est pas une option»Interview du conseiller national Jakob Büchler, membre de la Commission de la politique de sécuritéHorizons et débats: Après le rejet du Gripen, comment pouvons-nous assurer indépendamment notre sécurité à l’avenir? Jakob Büchler: La première chose qu’il faut fixer définitivement, c’est le budget pour l’armée. Les 5 milliards que le Parlement a déjà alloués au Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) doivent rester à sa disposition. Là, nous devons faire face à l’ensemble du Conseil fédéral en exigeant que les 5 milliards restent à la disposition de l’armée. L’argent ne doit pas être supprimé suite au Non à la Loi sur le fonds d’acquisition du Gripen, cela serait un signal totalement faux, aussi pour l’armée. Pour diverses raisons nous n’avons pas gagné la votation, mais ce qui est absolument clair est que les 5 milliards doivent rester à la disposition de l’armée. C’était une déclaration si claire et nette qu’il est d’autant plus étonnant que le Gripen, comme élément intégral de l’armée, ait été rejeté. Cela a différentes raisons. D’un côté les partis bourgeois ont trop longtemps discuté au Parlement la question de savoir si le Gripen était l’avion approprié ou si l’on devait en acheter un autre. Le peuple a bel et bien suivi ce débat qui a certainement eu un effet déconcertant. Le fait qu’il y ait eu des parlementaires qui étaient tout d’abord contre le Gripen pour finalement le défendre a laissé beaucoup de points d’interrogation au sein de la population. Il est évident que l’achat d’avions est toujours émotionnel. Où voyez-vous maintenant les priorités d’action pour l’armée, maintenant que nous n’avons pas cet avion? Comment pourrait-on combler la lacune? En ce qui concerne les Forces aériennes nous devons maintenant clairement accepter le résultat de la votation. La question du renouvellement des Forces aériennes va à nouveau se poser, on pousse le bloc de rocher tout simplement devant soi et au bout de 10 ans on y sera de nouveau confrontés. Là il s’agira pourtant du renouvellement total des Forces aériennes. Cela sera encore un plus grand morceau. Pour le moment, nous devons nous concentrer sur un développement raisonnable de l’armée. Nous devons équiper l’armée de sorte qu’elle soit opérationnelle. En outre, nous devons prendre en mains le développement de l’armée de sorte que le tout soit crédible pour la population. A quoi pensez-vous? Un aspect est par exemple la durée des cours de répétition (CR) militaires. La réduction à 14 jours soutenue également par le chef de l’armée, est mise en question par beaucoup de commandants de troupes. La durée de deux semaines est trop courte, la formation en souffre. Si l’on doit partir au service avec des moyens lourds, il faut beaucoup de temps pour les prendre en charge et les transporter vers l’endroit ou le CR a lieu. Après le cours, il faut tout retourner, nettoyer et remettre à disposition bien en ordre. Tout cela prend beaucoup de temps qui manque alors pour la formation directe. Bien sûr des commandants disent aussi que par exemple dans la défense antiaérienne c’est possible, mais s’il y a des moyens lourds en service, il ne reste tout simplement pas assez de temps. Actuellement on parle dans l’armée d’une phase pilote pendant laquelle on veut tester les CR à 14 jours. Je suis curieux d’en apprendre les résultats. Vous avez mentionnez la question du budget. Quel est le besoin d’acquisition de notre armée? Ce que nous devons absolument éviter, sont les restes de crédit, que le DDPS restitue chaque année dans la caisse générale de la Confédération, mais qui ont été à vrai dire alloués à l’armée. Les adversaires de l’armée s’emparent toujours de cet argument pour dire que l’armée n’a pas un si grand besoin et qu’on pourrait réduire le budget. Cela mène à nouveau à des affrontements au sein du Parlement, ce qui est coûteux et désagréable. Au futur nous devrions l’éviter. Le DDPS doit clairement envisager ceci. Cette année on ne pourra pas investir de manière sensée tout l’argent. Il n’est pas question de tout simplement dépenser l’argent, mais au futur nous devrons investir l’argent dans des acquisitions nécessaires. Quelles acquisitions sont urgentes pour que l’armée puisse accomplir le mandat constitutionnel? Nous avons besoins de véhicules de transport, nous devons renforcer notre défense aérienne. Cela se trouve déjà depuis longtemps sur la liste. Ici, il est urgent d’effectuer un renouvellement. En outre, les biens immobiliers sont loin d’être assainis. Il y a différentes charges et acquisitions que nous devrions avancer afin que les moyens qui sont à disposition puissent être raisonnablement utilisés. L’acquisition de nouveaux véhicules est un processus d’envergure et prend du temps, mais nous devons le prendre en main afin que nous ayons assez de véhicules à disposition pour tout les cas. Ne devrait-on pas davantage mettre l’accent sur cet aspect dans la discussion? C’est absolument clair. La neutralité est fixée dans notre Constitution et a une importance énorme. Je pense aussi que le peuple suisse est d’accord avec ça. La neutralité est absolument prioritaire. Je constate pourtant qu’une grande partie du peuple voit et juge les dangers autrement. J’ai toujours essayé d’expliquer que nous avions besoin d’avions pour les temps de crise, pour des circonstances exceptionnelles, dans des situations déséquilibrées et non pas pour le beau temps. Pour cela nos 32 F/A-18 suffisent juste. Et puis on entendait toujours dire que la cyber-guerre est un danger beaucoup plus grand et que là nous ne pourrions plus faire intervenir aucun avion. Cela est bien sûr vrai, mais dans ce domaine-là on fait beaucoup. Avec la stratégie future du développement de l’armée, qui ne sera pas non plus facile à réaliser, on doit ouvertement montrer au peuple où nous voulons aller avec notre armée et quel chemin nous voulons emprunter. Il est réjouissant que le service militaire obligatoire soit toujours incontesté. La conseillère nationale Allemann a dit après la votation que la Suisse pourrait dans une plus grande crise se mettre sous le bouclier de l’OTAN. Est-ce que cela pourrait être une option? Non, en aucun cas. Se coucher dans le même lit que l’OTAN, cela ne va pas du tout. La neutralité le défend clairement. Certes nous avons des traités de droit international, mais cela concerne seulement des charges de police de l’air et ne vaut qu’en temps de paix. Un accord avec l’OTAN pour des temps de crises est totalement impossible. Ce serait absolument inadmissible. En dehors de cela, il n’y a pas d’aide sans contrepartie. Nous ne pouvons pas dire, OTAN aide-nous et elle arrive. Non, pour cela nous devrions payer beaucoup, davantage que ce que nos propres avions nous coûteraient. L’OTAN n’est pas une armée, l’OTAN est une alliance militaire et chaque membre s’engage avec son arsenal d’armes. J’ai été en Lituanie. Les trois Etats baltiques n’ont pas d’armées. Ils ont l’OTAN et ont dû participer aux coûts. Cela est inimaginable en Suisse. A côté du budget du DDPS nous devrions encore payer l’OTAN pour les temps de crises. Cela serait totalement absurde. L’OTAN – non, ce n’est pas une option, je ne consacre aucune réflexion à cela. Monsieur Büchler, merci beaucoup de cet entretien. • (Interview réalisée par Thomas Kaiser) La neutralité est un trait caractéristique de la Confédération suissepar Wolfgang von WartburgLa neutralité suisse n’est ni imposée de par l’extérieur ni simple moyen d’affirmation de soi. Elle est l’expression, le trait caractéristique même de la Confédération. La tâche primordiale de l’Etat est de maintenir le droit et la paix. Tout ce qui dépasse cette tâche est problématique. Lorsque ce principe est respecté également envers l’extérieur, il en résulte nécessairement qu’on renonce à toute politique de puissance et par conséquent à toute alliance politico-militaire. Source: Wolfgang von Wartburg. Die europäische Dimension der Schweiz. Zur Geschichte der Schweiz und |