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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°2, 17 janvier 2011  >  L’Allemagne et l’avenir de l’euro et de l’UE [Imprimer]

L’Allemagne et l’avenir de l’euro et de l’UE

Le débat à propos d’alternatives à la politique gouvernementale est lancé

par Karl Müller

La chancelière allemande, Angela Merkel, toujours accrochée à son idée fixe qu’il n’y a pas d’alternative à sa politique gouvernementale, a, lors de son allocution de Nouvel An, répété ses accents connus quant à l’UE et à l’euro: «L’Europe unie est le garant de notre paix et de nos libertés. L’euro est le fondement même de notre prospérité. L’Allemagne a besoin de l’Europe et de notre monnaie commune. Tant pour notre bien-être que pour les grandes tâches qui nous attendent sur le plan international.»
Le jour précédent, le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, avait, dans une interview accordée au journal berlinois «Tagesspiegel», précisé les projets du gouvernement allemand pour la suite des événements. Une «solution durable» exige une «collaboration accrue des pays membres de la zone euro». Il ajouta que «le mécanisme devant permettre de respecter les conditions-cadre pour les politiques budgétaires et financières doit être plus rigoureux et qu’il faut mieux coordonner les politiques économiques et sociales qui servent de base».
Il faut toutefois se demander si ces prises de position officielles sont sérieuses et s’il n’y a toujours pas de recherche d’alternatives. A moins qu’il ne s’agisse que de rhétorique politique et que des projets de remplacement soient déjà à disposition dans un tiroir.
Il n’est guère heureux pour une démocratie que le gouvernement tente d’empêcher sa population de réfléchir quant aux alternatives de la politique actuelle et qu’il ne soit plus possible d’envisager sérieusement et objectivement les tenants et aboutissants d’options différentes en public.
Il est, de ce fait, d’autant plus intéressant d’entendre des voix remettant en question les affirmations officielles que sans une centralisation accrue dans l’UE il n’y aurait plus d’euro et que sans euro il n’y aurait plus d’UE et que sans cette UE il n’y aurait plus de paix ni de prospérité. Ces contestations permettent de relancer le débat. Ainsi, ont paru le 6 janvier deux articles d’experts qui valent la peine d’être lus.
Ernst Baltensberger, professeur d’économie politique émérite de l’Université de Berne, a publié dans la «Neue Zürcher Zeitung» un article intitulé «L’Union fiscale et politique pour sauver l’euro: la grande illusion», dans lequel il explique pourquoi une centralisation accrue de la politique au sein de l’UE n’aiderait en rien à sauver l’euro, mais reviendrait à faire exploser l’UE.
Le second article a paru dans la «Frankfurter Allgemeine Zeitung» sous le titre «L’euro n’est pas notre destin», rédigé par Werner Plumpe, professeur d’histoire économique à l’Université de Francfort sur le Main. Il démontre pourquoi il n’y a pas de lien indestructible entre l’euro et l’UE, qu’un tel corset cause des difficultés à tous les pays de l’UE, que chaque pays a besoin d’une monnaie stable et qu’un changement de monnaie n’est pas forcément une catastrophe. Il conclut son article en faisant ressortir que le fait «d’imposer un tabou quant aux alternatives n’est pas heureux» et que «ce n’est tout simplement pas nécessaire: les systèmes moné­taires ne sont que des techniques pour faciliter le développement économique et les échanges. Ils ne sont pas conçus pour l’éternité et ne déterminent pas le destin de l’humanité. De ce fait, ils ne sont pas une fatalité pour l’Europe. En effet, il serait bien malheureux pour ce continent que la paix dépende de son ordre monétaire.»
Les deux auteurs ne s’en prennent pas à l’UE, ni à l’idée d’une monnaie unique au sein de l’UE. Mais ils démontrent que la politique actuelle de l’UE doit être remise en question. Ce qui est le cas également de l’auteur suivant qui doit être, lui aussi, cité. Michael Stürmer, historien allemand et éditorialiste connu, se préoccupe dans un article dans la rubrique politique du «Deutschland­funk» du 3 janvier, de savoir ce qu’il en est de l’Union européenne et de constater que «l’Union européenne est actuellement prisonnière d’elle-même, de son obsession de tout vouloir réguler, de son ignorance des fondements démocratiques, de son absence de rayonnement, de la dispersion de son caractère, de ses compromis douteux, de ses combinaisons tactiques.» Et il se met à prévoir l’avenir de l’UE au cas où la centralisation prendrait le dessus: «Les populations s’opposeront à ce qu’elles considéreront comme une colonisation de la part de Bruxelles, de Maastricht et de l’Allemagne.»
Que le gouvernement allemand le veuille ou non, un débat est en route, concernant l’avenir de l’euro, de l’UE et du rôle qu’y joue l’Allemagne. Il serait intelligent de la part du gouvernement de favoriser ce débat, en renonçant à ses affirmations concernant l’absence d’alternative. Quant au peuple, ce serait montrer de l’intelligence que de saisir ce débat en toute liberté.
L’Allemagne ferait mieux, plutôt que de chercher de «grandes missions dans le monde», de réfléchir à sa situation de grand pays au milieu de l’Europe, et de chercher à devenir un exemple de modestie et de prudence, capable d’apprendre des autres, de les traiter sur un pied d’égalité, de se soucier de justice et de paix dans son propre pays et dans le monde, et de faire preuve d’objectivité dans le débat politique.    •