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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2015  >  N° 13, 18 mai 2015  >  Armée et peuple [Imprimer]

Armée et peuple

km. L’objectif d’avoir une armée se soumettant à la volonté du peuple et prenant les armes uniquement en cas d’attaque armée contre son propre pays pour le défendre est le résultat d’expériences historiques amères.
Jusqu’au début du XIXe siècle, il n’y avait dans les pays allemands que des armées de mercenaires qui servaient uniquement les princes payants ou d’autres chefs d’armée – à l’instar du bien connu Wallenstein. Suite à la réforme de l’armée prussienne, après la défaite contre l’armée de conscrits napoléonienne, on a bien introduit le service militaire obligatoire en Prusse, et des individus exceptionnels tel Gerhard von Scharnhorst ont fait preuve d’opinions nobles et de pensées courageuses parmi les officiers dirigeants. Ces réformes n’étaient cependant influencées qu’au début par la pensée démocratique. Avec la restauration de l’aristocratie après 1815, les armées de conscrits étaient soumises non plus au peuple mais uniquement à leurs princes. La lutte de 1848/49 pour la première Constitution valable pour toute l’Allemagne a en réalité échoué en partie à cause des armées princières. Et là où se manifestèrent par la suite la résistance politique, comme au landtag prussien, celle-ci fut combattue par une violation de la Constitution. Le Premier ministre prussien d’alors Otto von Bismarck expliqua plus tard, comment il avait pris parti en déclarant que «les députés [devraient] placer la plus grande quantité possible de fer et de sang dans les mains du roi de Prusse pour qu’il puisse la placer, selon son appréciation, dans l’un ou l’autre plateau de la balance». Il s’ensuivit trois guerres.
La Constitution de l’empire (1871–1918) déterminait que l’empereur allemand (et roi de Prusse) était le commandant en chef de l’armée. Dans les livres d’histoire, on retrouve l’état d’esprit exigé des soldats. Ainsi, Guillaume II fit savoir aux recrues de son régiment de la garde de Potsdam: «Vous m’avez juré la fidélité, donc vous êtes maintenant mes soldats, vous vous êtes rendus à moi corps et âme; il n’y a pour vous qu’un seul ennemi, et c’est mon ennemi. Suite aux intrigues socialistes actuelles, il pourrait être nécessaire que je vous ordonne d’abattre vos proches, vos frères, oui même vos parents – que Dieu nous en garde –, mais aussi à ce moment-là, vous devez suivre mes ordres sans broncher.» L’élitisme des officiers allemands se reflète dans un article d’un hebdomadaire militaire: «Dans aucun autre pays du monde, les officiers se trouvent à un niveau aussi élevé, ont un rang aussi élevé qu’au sein de la société humaine, une position aussi estimée et renommée qu’en Allemagne. Le fondement ancestral de l’état d’esprit des officiers est illustré par le sens dynastique, la fidélité absolue envers la personne du monarque, le patriotisme surélevé, la sauvegarde de l’existant, la défense des droits monarchiques se trouvant sous sa protection et la lutte contre les idées des sans-patrie et des ennemis du roi.»
Les tueries perpétrées à hauteur de millions lors de la Première Guerre mondiale sont suffisamment connues.
La Reichswehr dans la République de Weimar ne se sentait pas non plus responsable face à la démocratie. Ses officiers, étant en majorité originaires de l’armée de l’empereur, méprisait la démocratie et n’étaient pas prêts à défendre la jeune République contre les insurrections de droite à l’intérieur du pays. De nombreux officiers de la Reichswehr saluèrent la prise du pouvoir des nationaux-socialistes, participèrent en été 1934 aux assassinats des adversaires de Hitler à l’intérieur du parti et se soumirent longtemps sans broncher à la Wehrmacht de Hitler comme à sa politique d’armement et à ses ruptures de contrats.
Oui, en ce temps-là, il y avait également des officiers sincères avec des opinions nobles. Il y eut le 20 juillet 1944 et ses antécédents. Il y eut des officiers haut gradés de la Wehrmacht qui refusèrent déjà en 1938 les plans de guerre de Hitler comme l’acte manqué d’un hasardeur, étant même, pour un court laps de temps, prêts à renverser Hitler. Mais même un homme tel que Claus Schenk Graf von Stauffenberg est devenu, après les premiers succès de guerre de Hitler, un admirateur du «Führer» rêvant encore longtemps, bien qu’il se fût intérieurement distancié des nationaux-socialistes, de la victoire allemande dans une guerre injuste. Pas tous les officiers et cer­tainement pas tous les soldats de
la Wehrmacht étaient des criminels, néanmoins, pendant la guerre, la Wehrmacht était impliquée dans de terribles crimes.
Tout cela était connu des pères fondateurs de la Bundeswehr et de l’Organisation des Forces armées dans la Loi fondamentale allemande et doit être pris en considération. La Bundeswehr devrait être une pure armée de défense, le soldat de la Bundeswehr un citoyen en uniforme lié au peuple, la Bundeswehr une armée avec une mission et un soutien démocratiques. Mais où en est-elle actuellement – et dans quelle direction va-t-elle être dirigée?