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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°21, 2 juin 2009  >  La République fédérale d’Allemagne a 60 ans [Imprimer]

La République fédérale d’Allemagne a 60 ans Développer une base sociale solide pour la liberté, l’égalité et la fraternité

par Karl Müller

Ces jours d’aucuns fêtent les 60 ans d’existence de la République fédérale d’Allemagne et les 60 ans d’une Loi fondamentale [Grundgesetz] conçue à l’époque comme un texte provisoire.
Que tout le monde en Allemagne ne partage pas ces festivités tient moins au texte de cette Constitution toujours valable qu’à la situation actuelle du pays.
Il faut bien reconnaître, même si dans le cadre de cet article on ne peut entrer dans les détails, que beaucoup d’Allemands ont des doutes justifiés, quant au fait
•    que la dignité de l’être humain est intangible et que tous les pouvoirs publics ont l’obligation de la respecter et de la protéger,
•    que chacun a droit au libre épanouissement de sa personnalité,
•    que tous les êtres humains sont égaux devant la loi,
•    que chacun a le droit d’exprimer et de diffuser son opinion par la parole, par l’écrit et par l’image,
•    que le mariage et la famille sont placés sous la protection particulière de l’Etat,
•    qu’il est possible à tous les Allemands de se réunir paisiblement et sans armes et sans déclaration ni autorisation préalables,
•    que tous les Allemands ont le droit de fonder des associations ou des sociétés,
•    que le secret de la correspondance ainsi que le secret de la poste et des télécommunications sont inviolables,
•    que tous les Allemands ont le droit de choisir librement leur profession, leur emploi et leurs établissements de formation,
•    que le domicile est inviolable,
•    que l’usage de la propriété doit contribuer au bien de la collectivité,
•    que les persécutés politiques jouissent du droit d’asile,
•    qu’il ne doit en aucun cas être porté atteinte à la substance d’un droit fondamental,
•    que tout pouvoir d’Etat émane du peuple,
•    que la République fédérale d’Allemagne est un Etat fédéral démocratique et social,
•    que le pouvoir législatif est lié par l’ordre constitutionnel et que les pouvoirs exécutif et judiciaire sont liés par la loi et le droit,
•    que pour l’édification d’une Europe unie, la République fédérale d’Allemagne concourt au développement d’une Union européenne qui est attachée au principes fédératifs, sociaux, d’Etat de droit et de démocratie ainsi qu’au principe de subsidiarité,
•    que la République fédérale d’Allemagne respecte les règles générales du droit international,
•    que la République fédérale d’Allemagne s’abstient de tous actes susceptibles de troubler la coexistence pacifique des peuples et accomplis dans cette intention, notamment en vue de préparer une guerre d’agression,
•    que les députés du Bundestag allemand ne sont liés ni par des mandats ni par des instructions et ne sont soumis qu’à leur conscience,
•    que lors de leur entrée en fonctions, les membres du gouvernement et le président fédéral prêtent le serment suivant: «Je jure de consacrer mes forces au bien du peuple allemand, d’accroître ce qui lui est profitable, d’écarter de lui tout dommage, de respecter et de défendre la Loi fondamentale et les lois de la Fédération, de remplir mes devoirs avec conscience et d’être juste envers tous.»
Qu’en est-il advenu de la République fédérale d’Allemagne, 60 ans après sa fondation? Est-ce une république dans le sens de res publica, c’est-à-dire l’affaire du peuple? Malheureusement pas! Il s’agit plutôt d’un Etat de restrictions, un Etat qui réduit de plus en plus les droits des citoyens, mais aussi les devoirs de ses «élites» politiques, économiques et sociales. C’est l’essence même du néolibéralisme; et cela particulièrement depuis le rattachement de la RDA, il y a 20 ans, qui n’a pas répondu aux attentes de ses habitants.
Que se passera-t-il dans les prochaines 60 années en République fédérale d’Allemagne? Encore plus de restrictions – destinées à étouffer les gens? Encore plus de «libertés» (autrement dit d’arbitraire) pour les élites?
Ou bien un retour vers les valeurs de base que sont la liberté, l’égalité et la fraternité? Mais cette fois-ci sur une base sociale solide. En effet, les idéaux n’ont rien perdu de leur valeur au cours des temps.
L’organisme Deutscher Paritätischer Wohlfahrtsverband (association allemande paritaire pour le bien-être) a publié, précisément dans la semaine des «festivités», un «Atlas de la pauvreté» pour toutes les régions du pays (www.armutsatlas.de). Les données sont officielles et viennent de l’Office fédéral de statistiques (Statistisches Bundesamt).
On estime, en Allemagne, qu’un ménage est pauvre lorsque son revenu n’atteint pas 60% du revenu moyen. En 2007, année où fut menée l’enquête, ce revenu moyen pour une personne se montait à 736 euros par mois, ce qui équivaut à 1100 francs suisses – pour toutes les dépenses indispensables. Lorsque le ménage comporte plusieurs personnes, ce chiffre diminue, en calculant par tête.
Contrairement à l’affirmation des poli­tiques selon laquelle nous aurions tous vécu au-dessus de nos moyens, l’Atlas constate que la majorité de la population (!) – et pas seulement les pauvres – vivent en dessous du niveau que permettrait la croissance économique.
2007 a été économiquement une «bonne» année. Et pourtant, il y avait déjà un clivage très important entre Länder riches et Länder pauvres, allant de 7,4% dans la région Schwarzwald-Baar-Heuberg du Bade-Wurtemberg à 27% en Poméranie occidentale. Notons que 27% des habitants de cette région, soit plus d’un sur quatre vivaient en 2007 déjà en dessous du seuil de pauvreté. Mais dans l’ensemble du Land le taux de pauvres était de 24,3%, et dans les autres Länder de l’Est il était d’environ 20%, contrairement à des Länder comme la Bavière ou le Bade-Wurtemberg où il était d’environ 10%, ce qui n’est d’ailleurs pas satisfaisant.
Selon la Loi fondamentale, et il est bon de le rappeler, la politique doit se préoccuper d’assurer à la population des conditions de vie équitables dans tout le pays – on entend par-là qu’elles doivent être également bonnes, et non pas également mauvaises.
Le 22 mai, le site Internet www.german-foreign-policy.com publiait des informations sur l’extension sur le Pakistan de la guerre en Afghanistan. L’Allemagne y est également fortement impliquée. Cet article estime que «l’Allemagne contribue à l’escalade de la guerre au Pakistan par la fourniture d’armes, l’entraînement de soldats et de l’argent. […] Des militaires allemands envisagent une intervention de l’OTAN, ce qui impliquerait l’Allemagne.»
Et c’est le jour même où le président américain dictait son plan de guerre à ses hôtes venus de Kaboul et d’Islamabad que le ministre allemand de la Défense assurait le ministre de la Défense pakistanais de son entier soutien. Selon le site Internet mentionné, «c’est tout de suite après ces entretiens que l’armée pakistanaise lançait une grande offensive dans la vallée de Swat, laquelle dure toujours et a pour objectif de vaincre militairement les insurgés. Le président pakistanais assurait récemment que l’offensive dans la vallée de Swat n’était que le début et qu’il fallait s’attendre à une guerre plus meurtrière.»
Voilà les conséquences pour une population aux droits toujours plus réduits et d’une élite de plus en plus «débarrassée» de ses devoirs: la pauvreté et la guerre.
A l’encontre de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.     •