Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°33, 4 novembre 2013  >  «Plan d’études 21»: la Suisse mérite mieux [Imprimer]

«Plan d’études 21»: la Suisse mérite mieux

par Daniel Jenny

L’article intitulé «Le Plan d’études 21, une appréciation juridique» paru dans l’édition no 31/32 d’«Horizons et débats» démontre qu’on ne peut obliger aucun canton à suivre ce plan d’études. Cela est vrai pour tous les cantons, indépendamment du fait qu’ils aient adhéré ou non au «concordat HarmoS».

Par la suite, je désire exposer les raisons pour lesquelles je pense que la place économique suisse mérite mieux que ce plan d’études. J’enseigne des apprenants (apprentis) en informatique dans une école professionnelle publique du canton de St-Gall. Les écoles professionnelles enseignent les apprenants un à deux jours par semaine, afin de leur permettre, en tant que citoyens et professionnels, d’obtenir avec succès leur Certificat fédéral de capacité (CFC). Même mes jeunes collègues, qui enseignent depuis moins de 5 ans, ont remarqué que le niveau des performances en mathématiques et en allemand a diminué chez une grande partie des apprenants. Ce n’est cependant pas parce que les jeunes gens ne seraient pas intéressés à leur métier, mais parce qu’ils n’ont plus les connaissances préalables nécessaires. Les entreprises et les écoles professionnelles tentent par un soutien ciblé de mettre à jour le savoir de base manquant. Aussitôt qu’à la suite d’une phase d’exercice intensive les premiers succès apparaissent, les apprenants reprennent courage et améliorent leurs performances scolaires. C’est ce qu’on souhaiterait à tous nos jeunes.
On serait donc en droit d’espérer que le nouveau Plan d’études 21 («Lehrplan 21») sera une bonne occasion pour mieux préparer les élèves à leur apprentissage professionnel. Examinons donc quelles sont les connaissances exigées par exemple en mathématiques? Sur quel savoir scolaire les écoles professionnelles pourront-elles se baser? Prenons par exemple le sujet des équations puisque la transformation de formules est importante dans un grand nombre de professions techniques. Dans le plan d’études actuel, l’objectif de l’école secondaire exige dans le domaine des équations ce qui suit:

  • Savoir résoudre des équations du premier degré à une inconnue, avec ou sans inconnue dans le dénominateur.1

Voilà un objectif formulé de manière univoque. Pourquoi toujours moins d’élèves maîtrisent-ils cela, voilà qui devrait être analysé. Est-ce que ce sont les manuels ou les méthodes d’enseignement qui ne sont pas adaptés aux objectifs? Au lieu d’améliorer cela, on abandonne totalement cet objectif pour la filière de base de cycle du secondaire. Le «Plan d’études 21» prescrit, uniquement pour les élèves venant de la filière élargie, comme objectif final ce qui suit:

  • Les élèves savent résoudre des équations linéaires avec une variable à l’aide de transformations équivalentes.2

Pour ces élèves l’objectif est simplifié, car la résolution d’une équation à une inconnue dans le dénominateur n’est plus exigée. Il est pour le moins étonnant qu’on abaisse les exigences pour la jeune génération bien que le Conseil fédéral veuille renforcer les métiers MINT dans les domaines des mathématiques, de l’informatique, des sciences naturelles et de la technique …
A la lecture du «Plan d’études 21» quelques objectifs étranges en mathématiques m’ont sauté aux yeux. «Les élèves …

  • … savent faire la distinction entre les valeurs exactes et arrondies.3
  •  … décident selon la situation d’opérer avec des valeurs arrondies ou exactes.»

Est-ce que ce sont réellement des objectifs pour les classes terminales du cycle du secondaire? Doit-on se contenter de cela?
De même des aspects «non-mathématiques» en mathématiques m’ont sauté aux yeux dans le paragraphe «rechercher et argumenter».
«Les élèves …

  • … peuvent s’essayer à des exercices ouverts exigeants.»4

Que signifie «s’essayer à» dans le contexte d’un exercice de calcul? Des notions psychologiques n’ont rien à voir dans l’enseignement des mathématiques. Il faut enseigner les bases aux élèves, et non pas interpréter leur comportement.
La jeune génération en Suisse mérite qu’on exige beaucoup d’elle et qu’on l’encourage. N’ayant que des objectifs imprécis, voire omis, les débutants professionnels n’ont pas le bagage nécessaire pour terminer leur apprentissage avec succès.
Par mes explications, je désire soutenir l’argumentation juridique exprimée dans l’article paru dans «Horizons et débats» no 31/32 du 28/10/13, disant pourquoi les cantons ne peuvent pas être contraints à suivre le «Plan d’études 21». Le canton de St-Gall a adhéré au «Concordat HarmoS». Ainsi, pour le «Plan d’études 21» l’objectif suivant de HarmoS est valable: «Au cours de l’école obligatoire chaque élève acquiert la formation de base qui lui permet d’accéder à la formation professionnelle […].»5 Cet objectif n’est certainement pas rempli avec le «Plan d’études 21».
Des démarches semblables également dans les centres de formation professionnelle
La situation concernant le «Plan d’études 21» m’a rappelé ce qui se passe dans le domaine des centres de formation professionnelle. La formation de l’informaticien est fixée dans une ordonnance sur la formation professionnelle. Celle-ci devrait subir un renouvellement. Pour notre école cela signifierait que nous devrions réduire le nombre de leçons de mathématiques et de sciences naturelles de la moitié sans qu’une autre matière reçoive en revanche plus de leçons. Que les apprenants venant des écoles secondaires en sachent moins, cela sautera évidemment moins aux yeux si les écoles qui les reprennent réduisent elles-mêmes la matière à apprendre! Est-ce ainsi que nous voulons renforcer les petites et moyennes entreprises (PME)? Qui assume la responsabilité de tels coups des technocrates? Cela sent l’égalitarisme introduit par des organisations internationales telles l’OCDE (Organisation de coopération et développement économiques) et l’UE. Si tout est pareil, cela ne veut pas dire que c’est meilleur! Egaliser signifie une fois de plus un nivelage vers le bas.
Outre l’abaissement du niveau des performances à l’école secondaire et dans l’apprentissage de l’informaticien, une autre procédure semblable me frappe:

  • Beaucoup d’entreprises formatrices n’étaient pas d’accord avec la nouvelle ordonnance sur la formation professionnelle. On les a renvoyées à un sondage électronique. Celui-ci était conçu de manière à ce qu’on ne puisse pas s’exprimer sur certains points importants étant donné que seules des réponses préfabriquées étaient à disposition. Il y avait des points où plus de 80% des entreprises n’étaient pas d’accord.
  • Les recteurs des centres de formation professionnelle se sont clairement prononcés contre la nouvelle ordonnance sur la formation professionnelle de l’informaticien. Parallèlement à l’«audition» des centres de formation professionnelle, les cantons peuvent également donner leur point de vue. Mais cela a massivement perdu en signification depuis qu’un «groupe de spécialistes» s’est installé dans la «Maison des cantons» pour y exprimer ses opinions. Quelle était alors cette opinion? Ce groupe a affirmé que les entreprises étaient très contentes de la nouvelle ordonnance. Il l’a prétendu même concernant les points avec lesquels la majorité des entreprises n’était justement pas d’accord. – Comment appelle-t-on une telle présentation erronée de la situation?

Il est dans la nature des choses que les prises de position des entreprises formatrices, des organisations du monde du travail et des écoles puissent différer. Jusqu’à présent, je pensais que la grande majorité des entreprises formatrices était respectée, puisque le modèle à succès de la «formation duale» n’est possible qu’avec leur participation. Pour pérenniser la place industrielle suisse, il faut que nous prenions davantage soin des entreprises formatrices – et le «Secrétariat d’Etat pour la formation, la recherche et l’innovation» aussi! Les changements devraient être des améliorations.     •
(Traduction Horizons et débats)

1    cf. www.schule.sg.ch/home/volksschule/unterricht/lehrplan/20081/_jcr_content/Par/downloadlist/DownloadListPar/download_6.ocFile/8_Fachbereich_Mathematik.pdf. Edition 2008, page 29
2    http://konsultation.lehrplan.ch/index.php?nav=150 |41|1&code=a|5|0|1|1|4
3    http://konsultation.lehrplan.ch/index.php?nav=150 |41|3&code=a|5|0|1|3|1&PHPSESSID=b71f53c503ba286ac658478413940068
4    http://konsultation.lehrplan.ch /index.php?nav=150|41|2&code=a|5|0|1|2|1 
5    www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=4083