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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°22, 8 juin 2009  >  «Nous considérons notre entreprise comme une grande famille» [Imprimer]

«Nous considérons notre entreprise comme une grande famille»

125 ans «Victorinox»: L’histoire à succès du couteau de poche rouge à croix suisse

par Urs Knoblauch, Fruthwilen TG

Avec l’exposition «Le couteau de poche – un outil devient culte» au «Forum für Schweizer Geschichte» à Schwyz, l’entreprise de tradition suisse «Victorinox» fête son jubilé des 125 ans. Derrière le couteau de poche, connu dans le monde entier, se cache une histoire d’entreprise intéressante et exemplaire de la fabrique de coutellerie Karl Elsener à Ibach près de Schwyz.

En 1884, Karl Elsener, après des années d’ap­pren­tissage à Zoug, Paris et Tuttlingen, a fondé son propre atelier. Par la fondation du Verband Schweizerischer Messerschmiedemeister [Association suisse de maîtres couteliers] il a réussi à ancrer la production du couteau pour soldats en Suisse et à assurer ainsi des postes de travail et le développement de l’entreprise. En 1891, le premier couteau pour soldats a été produit à Ibach et six ans plus tard, Karl Elsener dépose le brevet pour le couteau d’officier de couleur rouge. Depuis 1921, l’entreprise porte le beau nom de «Victorinox», composé du prénom de la mère d’Else­ner Victoria et le mot français pour l’acier inoxydable. Après la Seconde Guerre mondiale, le couteau d’officier s’est fait connaître mondialement comme «Swiss Army Knife» et fondera, à partir des années 1960, l’histoire à succès avec la production d’une multitude de couteaux différents pour la cuisine, l’industrie et l’armée, également pour de nombreux pays européens. En 2005, Victorinox a heureusement pu reprendre l’entreprise Wenger SA, active en Suisse romande, et en continuer le travail. Aujourd’hui, Victorinox occupe à son siège principal 900 employés. En 2009, la firme a reçu le très convoité Prix Equité Suisse pour sa gérance exemplaire de l’entreprise.

Entreprise familiale sociale et innovatrice exemplaire

Le travail de qualité, l’innovation et le maintien exemplaire des valeurs en ce qui concerne la gestion de l’entreprise dans le domaine social et éthique sont devenus un exemple impressionnant d’une histoire à succès suisse. Dans une émission à la radio alémanique DRS 1 du 19 mai, le patron actuel de Victorinox, Carl Elsener jr., a souligné comment, avec beaucoup de sens de responsabilité, il conduit l’entreprise vers l’avenir, par en­semble avec ses collaborateurs, et aussi pour les futures générations: «Nous considérons notre entreprise comme une grande famille.» Pour lui c’est une joie mais aussi un «devoir et un défi» de «continuer à gérer Victorinox et d’assurer ce que les générations d’avant ont bâti avec tant de soin».
Carl Elsener se rappelle volontiers comment il s’est incorporé tout naturellement à l’entreprise paternelle, instruit par son père et comment il pouvait l’accompagner dans ses déplacements commerciaux. En ce temps-là, des convictions de base éthiques et humaines lui ont été transmises, si décisives pour la vie avec tous ses devoirs. Dans l’exposition, un film impressionnant du point de vue humain donne à voir avec quel respect et quelle humanité les collaborateurs sont traités et comment il prend sa responsabilité dans des moments économiquement difficiles. La volonté de performance, de compétence en la matière et d’innovation contribue à créer des postes de travail, à les maintenir et à les assurer. Carl Elsener considère comme une obligation spéciale le fait que jamais dans l’histoire des 125 ans de l’entreprise «il n’y ait eu de licenciement pour des raisons économiques».
Grâce à la création d’une fondation d’entreprise en l’an 2000, le site de l’entre­prise Victorinox sera assuré aussi pour les futures générations, pour la population et les collaborateurs. Ce qui démontre à quel point beaucoup d’entreprises mondialisées sont loin de cet éthos social précieux et nécessaire pour une entreprise.
Pour beaucoup de gens, le couteau de poche rouge représente des liens personnels et des souvenirs d’enfance et de jeunesse et du monde adulte. On se souvient comme on a été fier de recevoir le premier couteau Victorinox de son père et de se voir admis avec cela un peu plus dans le monde adulte. Comme boy-scout, pour les tours à vélo ou les randonnées en famille, le couteau de poche s’avère un outil particulièrement utile. Le couteau de poche a acquis en plus une signification spéciale au service militaire, où le couteau de soldats et d’officiers appartient jusqu’à nos jours à l’équipement de base. Des développements techniques et historiques contemporains ont toujours amené des innovations, aussi pour les couteaux de poche. En 1889, «l’armée suisse introduit un nouveau fusil qui nécessite un tournevis pour son entretien. En même temps le ravitaillement en conserves devient important et ainsi l’acquisition d’un outil combiné s’impose».
Grâce à la philosophie innovatrice d’entreprise, il y a sans cesse des développements créatifs, toujours nouveaux pour la vie moderne, les loisirs et l’économie. Très apprécié aujourd’hui est le «Couteau traveller» avec beaucoup de fonctions high-tech pour les voyages, les excursions et les ascensions en montagne. Le couteau de poche rouge est aussi devenu un thème en art et en design. L’artiste américain de pop-art Claes Oldenburg, Coosje van Bruggen et l’architecte Frank O. Gehry ont élaboré pour la cérémonie de clôture de «Il Corso del Coltello» à la Biennale d’art de Venise en 1985 un couteau Victorinox surdimensionné, qui voguait comme gondole sur le Canal de l’Arsenal. Déjà depuis 1977, le Museum of Modern Art a montré dans sa collection de design le couteau d’officier de couleur rouge avec la croix suisse. Ainsi, le visiteur est introduit de façon très vivante dans tous les aspects de l’histoire de l’entreprise et de son activité actuelle. Certains jours dans l’exposition, le visiteur peut composer lui-même son «couteau de jubilé» avec un spécialiste de Victorinox.

Histoire culturelle du couteau de poche

L’exposition donne, dans une deuxième division, une vue de l’histoire culturelle du couteau. Dans un parcours, centré sur des thèmes, on montre aux visiteurs des couteaux pliants de différentes cultures. A côté de couteaux de la collection de l’entreprise Elsener et Victorinox beaucoup de pièces d’exposition proviennent du collectionneur de Winterthur Horst A. Brunner. La perfection dans la technique et la forme artistique et les dessins sont impressionnants, mais aussi la multitude des matériaux utilisés. Dans beaucoup de couteaux se reflètent les habitudes de vie et la manière de l’utilisation comme outil pour différentes activités.
Il y a 5000 ans, des lames en métal, d’abord en bronze, plus tard en fer et acier ont commencé à remplacer les lames de pierre; les manches étaient fabriquées simplement en bois ou bien en matériaux précieux comme l’ivoire ou la nacre. Richement décoré, le couteau devient une œuvre d’art ou un objet de culte plein de symbolisme. Le catalogue d’exposition très informatif contient des informations culturelles intéressantes: «Chaque culture connaît des règles et des rituels clairs pour l’utilisation du couteau, qui doivent être respectés. Les aliments sont-ils coupés à la cuisine, sur la table ou dans une assiette? Quel couteau est utilisé pour un travail, et quel couteau ne doit pas être utilisé?» Ce qui montre l’évidence de la nécessité d’une formation ménagère.

Victorinox et le «Modèle Suisse»

Ainsi, l’exposition «Le couteau de poche – un outil devient culte» mène non seulement à la réflexion sur l’artisanat des couteliers et sur l’utilisation multiple des couteaux, mais aussi sur les contextes historiques, intellectuels et politiques qui font l’histoire à succès de Victorinox, de la qualité suisse et de la volonté de la nation suisse. Avec beaucoup de persévérance, de créativité et d’indépendance et une grande diversité, une entreprise exemplaire a été construite. De telles entreprises saines et exemplaires, petites et grandes, sont nécessaires pour assurer la qualité de vie et les prestations sociales dans notre pays pour les générations à venir. Pour cela il faut aussi des gens qui ont la volonté de performance, une économie forte avec de multiples postes de travail, du bon artisanat, de la technologie et une agriculture pour assurer la souveraineté alimentaire et une paysannerie saine. Ainsi, les écoles, les hôpitaux et tout le nécessaire pour le bien commun, la culture et l’aide urgente pour tous ceux qui souffrent de la misère dans le monde peuvent être mis à disposition.
On reconnaît combien des entreprises soci­ales et la gestion de l’Etat sont étroitement liées, et quelle importance ont les causes qui unissent la coopération de tous pour les objectifs communs. C’est uniquement si la volonté politique pour le nécessaire est au centre et si la société n’est pas polarisée et divisée idéologiquement que cette voie peut être suivie. Nous portons cette responsabilité pour nos enfants et pour notre jeunesse. Les jeunes ont la volonté de travailler et d’être créatifs avec une bonne guidance et ils veulent bien se rendre utile dans la société et dans le monde. Il est clair que nous tous, à notre place, en famille, à l’école, dans notre métier et comme citoyens, nous devons y participer. Alors la joie de vivre, le sens de la vie et la paix dans le monde seront renforcés. Ainsi a été créé le modèle à succès de la Suisse et c’est seulement de cette manière qu’elle peut continuer à se développer: avec sa démocratie directe, son fédéralisme, sa force qui crée la communauté, avec la culture politique de liberté et des coopératives. Vu sous cet angle, notre pays et notre monde commun forment aussi «une grande famille».
L’écrivain suisse Meinrad Inglin (1893–1971) a vécu et travaillé dans cette magnifique vallée de Schwyz, au milieu des montagnes, et il a formulé sur la Suisse et sur le monde dans son livre «La Suisse dans un miroir» (1938) des choses valables et d’actualité. Ce qu’il nous dit, a de l’importance de nos jours pour les éducateurs, pour les citoyens, les politiciens, les instituteurs mais aussi pour la jeunesse et la future génération: «C’est une situation difficile à laquelle il n’est pas naturellement aisé de se mesurer! Comme toutes les réalisations des grandes civilisations, cet Etat est vulnérable et toujours en grand danger! Il ne tolère aucune solution extrême et n’est pas fait pour les irresponsables; au contraire, il a besoin de mesure et d’équilibre. La Suisse est un pays pour gens mûrs. […] Cet Etat démocratique, extraordinairement tolérant et intellectuellement riche est la chose la plus intelligente qu’une société mélangée comme la nôtre ait pu créer au cours des siècles. J’ai réfléchi à la question et je constate qu’il n’y a rien de mieux au monde!»    •

L’exposition peut être visitée jusqu’au 18 octobre 2009 au Forum für Schweizer Geschichte.
Du mardi au dimanche, de 10–17 h. Des offres pour des groupes, des écoles, un concours de photos et beaucoup de manifestations spéciales accompagnent l’exposition. Informations: +41 41 819 60 11 ou à l’adresse: www.sackmesserkult.ch