Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°1, 11 janvier 2010  >  Esquisse d’un Traité de sécurité européen [Imprimer]

Esquisse d’un Traité de sécurité européen

Le 5 juin 2008 le Président russe a soumis (à l’Europe) une initiative visant à élaborer un traité de sécurité paneuropéen, dont l’axe consisterait – dans le contexte de la sécurité politique et militaire de la région euratlantique – à créer un espace commun sans démarcations afin de liquider une fois pour toutes l’héritage de la guerre froide. Dans cette optique Dimitri Medvedev a proposé de consacrer formellement l’impératif juridique du principe de droit international de la sécurité indivisible, en vertu duquel aucun Etat et aucune organisation internationale oeuvrant dans l’espace euratlantique n’a le droit de renforcer ses propres mesures de sécurité aux dépens des autres nations ou organisations.
En s’appuyant sur les aboutissants de discussions qui se sont déroulées l’an dernier en divers lieux, la Russie a préparé une esquisse d’un Traité de sécurité européen. Le Président russe a envoyé cette esquisse aux chefs d’Etat des pays concernés ainsi qu’aux Présidents des organisations internationales oeuvrant dans la région (OTAN, Union européenne, OTSC [Organisation du Traité de sécurité collective, dont le siège est à Moscou], CEI [Communauté des Etats indépendants] et OSCE). Dimitri Medvedev a bien précisé que la Russie est ouverte à toute proposition relative à l’objet de son initiative, qu’il espère une réaction positive de ses partenaires et l’ouverture d’une discussion de fond sur des éléments spécifiques du projet de Traité, dont nous reproduisons le texte ci-après.

Les parties en présence,
dans l’espoir de promouvoir leurs relations dans un esprit d’amitié et de coopération dans le cadre du droit international,
–    guidées par les principes contenus dans la Charte des Nations Unies, dans la Déclaration sur les principes de droit international relatifs aux relations amicales et à la coopération entre les Etats en accord avec la Charte des Nations Unies (1970), les Accords d’Helsinki, la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (1975), la Déclaration de Manille sur le règlement pacifique des conflits internationaux et la Charte de Sécurité européenne de 1999,
–    rappelant que l’emploi de la violence ou la menace de cet emploi, ainsi que toute autre atteinte à l’intégrité territoriale ou à l’indépendance politique d’un Etat quel qu’il soit est incompatible avec les buts et principes de la Charte des Nations Unies relatifs à leurs relations mutuelles ainsi qu’avec ceux qui régissent les relations internationales en général,
–    reconnaissant et appuyant le rôle du Conseil de sécurité des Nations Unies, principal responsable du maintien de la paix mondiale et de la sécurité internationale,
–    conscients de la nécessité d’unir nos efforts pour répondre de manière efficace aux défis et menaces dans un monde globalisé et interdépendant,
–    avec l’intention de créer des méca­nismes de coopération efficaces susceptibles d’être activés sans délai afin d’apporter une solution aux problèmes et diver­gences qui pourraient survenir, d’aborder les préoccupations de chacun et de réagir de façon appropriée aux défis et menaces qui surviendraient dans le domaine de la sécurité,
sommes convenus des points suivants:

Article 1

Conformément à cet accord, toutes les parties présentes s’engagent à coopérer sur la base d’une sécurité indivisible, égale pour tous et intégrale. Chaque mesure de sécurité prise par l’une des parties, individuellement ou en commun avec d’autres, y compris dans le cadre d’une organisation internationale, d’une alliance militaire ou d’une coalition, doit être mise en œuvre dans le respect des intérêts sécuritaires de toutes les autres parties. Les parties agissent conformément à l’accord, pour mettre en œuvre ces principes et renforcer la sécurité mutuelle.

Article 2

1.    Aucune des parties contractantes n’entreprendra d’opérations ou activités engageant de façon significative la sécurité d’une ou plusieurs autres parties, n’y participera ni ne les soutiendra.
2.    Toute partie contractante, membre d’alliances militaires, de coalitions ou d’organisations s’efforcera d’assurer le respect par ces alliances, coalitions ou organisations des principes de droit international relatifs aux relations amicales et à la coopération entre les Etats contenus dans la Charte des Nations Unies, en confor­mité avec les Accords d’Helsinki, la Charte de Sécurité européenne et autres documents acceptés par la Conférence pour la sécu­rité et la coopération en Europe, et qui sont également exposés dans l’article 1 de ce Traité et de veiller à ce que les décisions prises dans le cadre de ces alli­ances, coalitions ou organisations n’aient pas d’influence notoire sur la sécurité d’une ou plusieurs des autres parties.
3.    Aucune partie contractante n’autori­sera à utiliser son territoire ni n’utilisera celui d’une autre partie pour préparer ou exécuter une attaque armée contre l’une ou plusieurs des autres parties ou pour toute opération qui porterait une atteinte no­toire à la sécurité d’une ou plusieurs autres parties.

Article 3

1.    Toute partie contractante a le droit de demander à une autre partie, par voie diplomatique ou par l’intermédiaire du dépositaire, de leur fournir des informations sur toute mesure législative, administra­tive ou d’ordre organisationnel impor­tante qui selon elle pourrait affecter sa sécurité.
2.    Conformément au paragraphe 1 de cet article, les parties informent le déposi­taire de toute demande et des réponses qui lui ont été données. Celui-ci en informe à son tour les autres parties.
3.    Rien dans cet article n’interdit aux parties de recourir à toute mesure susceptible de garantir dans leurs relations transparence et confiance mutuelle.

Article 4

Le mécanisme suivant est destiné à aborder des questions en relation avec la substance de ce Traité et à régler les différends et divergences qui pourraient apparaître au sujet de son interprétation ou de son application:
a)    Consultations entre les parties,
b)    Négociation entre les parties,
c)    Conférence extraordinaire des parties.

Article 5

1.    Si l’une des parties contractantes estime qu’une ou plusieurs autres parties viole(nt) le Traité ou menace(nt) de le faire – ou souhaite débattre avec une ou plusieurs autres parties d’une question en rapport avec la substance de l’accord et qui doit selon elle être soumise à examen – elle peut demander des consultations avec la ou les parties qui selon elle pourraient être intéressées. La partie en question informe de ces demandes le dépositaire qui en informe à son tour les autres parties.
2.    Ces consultations ont lieu dès que possible, mais […] jours au plus tard après la réception de la requête par les parties déterminantes, sauf si la requête prévoit une date ultérieure.
3.    Chaque partie qui n’est pas invitée à ces consultations a le droit d’y assister de sa propre initiative.

Article 6

1.    Chaque participant à une consultation prévue à l’article 5 de ce Traité a le droit de proposer au dépositaire de convoquer comme suite à cette consultation une Conférence des parties pour débattre de la question qui en a fait l’objet.
2.    Le dépositaire convoque la Conférence des parties, à condition que la proposition en question soit acceptée […] jours après réception de la requête par au moins (2) parties contractantes.
3.    La Conférence des parties a valeur juri­dique si au moins les deux tiers des parties y prennent part. Ses décisions sont prises au consensus et sont contraig­nantes.
4.    La Conférence des parties fixe elle-même les règles de procédure qu’elle suivra.

Article 7

1.    Une agression ou menace d’agression armée contre l’une des parties contractantes entraîne l’application immédiate des mesures prévues à l’article 8 (1) de cet accord.
2.    Sans préjudice des dispositions prévues à l’article 8 de cet accord, toute partie contractante est en droit de considérer toute agression armée contre une autre partie comme une agression armée contre elle-même. Elle peut exercer son droit – conformément au droit à se défendre prévu à l’article 1 de la Charte des Nations Unies et sous réserve de leur approbation – d’apporter le soutien nécessaire, y compris militaire, à la partie agressée, en attendant des mesures onusiennes visant à maintenir la paix mondiale et la sécurité internationale. Le Conseil de sécu­rité de l’ONU doit être informé sans délai des mesures prises par les parties contrac­tantes en vertu du droit à assurer leur propre défense.

Article 8

1.    Dans les cas prévus à l’article 7 la partie agressée ou menacée d’agression armée informe le dépositaire qui convoque sans délai une Conférence extraordinaire, pour décider des mesures collectives à mettre en œuvre.
2.    Si la partie exposée à l’agression n’est pas en mesure d’en informer le dépositaire, toute autre partie a le droit de demander au dépositaire de convoquer une Conférence extraordinaire; dans ce cas c’est la procédure prévue à l’article 1 qui s’applique.
3.    La Conférence extraordinaire a le droit d’inviter des Etats tiers, des organisations internationales ou toute autre partie concernée.
4.    La Conférence extraordinaire a valeur juridique si au moins les quatre cinquièmes des parties y prennent part. Ses décisions sont prises à l’unanimité et sont contraignantes. Si l’une des parties contractantes agresse ou menace d’agresser militairement une autre partie, sa voix n’est pas prise en compte lors du vote d’une décision.
La Conférence extraordinaire fixe elle-même les procédures qu’elle suivra.

Article 9

1.    Le Conseil de sécurité de l’ONU reste le principal responsable du maintien de la paix mondiale et de la sécurité internationale. De même les droits et devoirs des parties contractantes telles que définies par la Charte des Nations Unies ne sont en rien modifiées par ce Traité, qui ne doit pas être considéré comme une tentative d’empiéter sur leurs prérogatives.
2.    Les parties contractantes confirment que leurs engagements conformes aux traités internationaux dans le domaine de la sécurité et en vigueur au moment de la signature ne sont pas incompatibles avec ce traité.
3.    Les parties contractantes ne prennent pas d’engagements internationaux incompatibles avec le traité.
4.    Ce traité ne porte pas atteinte au droit de l’une des parties à la neutralité.

Article 10

Cet accord sera proposé de […] à […] à la signature de tous les pays de l’espace euratlantique et eurasien entre Vancouver et Vladivostok, ainsi que des organisations internationales suivantes: l’Union européenne, l’Organisation de la sécurité et de la coopération en Europe, l’Organisation du traité de sécurité collective, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord et la Communauté des Etats indépendants.

Article 11

1.    Cet accord nécessite sa ratification par les Etats signataires et l’approbation ou l’acceptation des organisations internationales signataires. Il devra en être donné communication au gouvernement […] qui fera office de dépositaire.
2.    En communiquant son approbation ou son acceptation de ce Traité, une organisation internationale engage la tota­lité de son domaine de compétence relatif aux questions visées par lui. Elle informera le dépositaire de toute modification correspondante dans son domaine de compétence.
3.    Les Etats mentionnés à l’article 10 et qui n’ont pas signé ce traité avant l’expiration du délai prévu peuvent y adhérer en en faisant la demande au dépositaire.

Article 12

Le traité entrera en vigueur après réception par le dépositaire de la vingt-cinquième communication prévue à l’article 11.
Pour chaque Etat ou organisation internationale qui ratifie, accepte ou approuve ce traité ainsi que pour tout Etat qui y adhère après la vingt-cinquième ratification, approbation ou acceptation, l’entrée en vigueur est fixée au dixième jour qui suit la réception par le dépositaire de la communication correspondante.

Article 13

Tout Etat ou organisation internationale peut adhérer à ce Traité après son entrée en vigueur sous réserve de l’accord de toutes les parties contractantes, en en faisant la demande auprès du dépositaire.
Pour tout Etat ou organisation qui y adhérerait, le Traité entre en vigueur 180 jours après le dépôt de la demande d’adhésion auprès du dépositaire, si durant ce délai aucun partie contractante ne lui a fait connaître d’objections à cette adhésion.
Article 14
Toute partie a le droit de se retirer du Traité si elle estime que des circonstances extraordinaires en relation avec la substance du Traité mettent en péril ses intérêts supérieurs. La partie qui souhaite se retirer communique ses intentions au dépositaire au moins […] jours avant la date de retrait prévue. Cette communication comporte une description desdites circonstances extraordinaires qui selon elle mettent en péril ses intérêts supérieurs.

Source: http://eng.kremlin.ru/text/docs/2009/11/223072.shtml, Esquisse d’un Traité de sécurité européen du 29/11/09
(Traduction Horizons et débats)