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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°16, 26 avril 2010  >  Rôle des associations, en particulier lors de crises [Imprimer]

Rôle des associations, en particulier lors de crises

La fiabilité des relations facilite l’organisation de l’aide à l’autonomie

hd. La démocratie directe suisse dépend entièrement de l’engagement des citoyens au sein de la collectivité. Les pères fondateurs de notre Etat fédéral ont constaté très tôt qu’une large participation ne fonctionnerait pas sans une éducation populaire générale et ­complète. Et il s’agit surtout, selon Heinrich ­Pestalozzi, de l’éducation intellectuelle, manuelle et affective, de l’empathie, de la solidarité et, à partir de cela, de la volonté d’agir résolument et avec courage.
Il entre dans les objectifs de n’importe quelle communauté humaine de former des individus possédant le sens civique, le sens des responsabilités, de la solidarité et la volonté de collaborer. Mais, comme dit le poète, il faut que germe dans la famille ce qui s’épanouira plus tard dans le pays et entre les différents pays, parce que nous formons tous sur cette planète la grande famille humaine. Il est évident que les qualités énumérées ci-dessus ne tombent pas du ciel, c’est pourquoi une éducation approfondie, et cela non pas à l’école seulement, mais également au sein de la famille a une grande importance.

Résolvons nos problèmes grâce au brassage des générations

Mais cela ne suffit pas pour faire des ­jeunes gens des citoyens réfléchis et disposant d’aptitudes sociales. Pendant longtemps, le ­ciment susceptible de conduire les jeunes hommes vers une communauté plus large et les amener à vivre ensemble pacifiquement une fois adultes fut longtemps, en Suisse, notre armée conçue comme une «école de la nation». Mais il existe une autre institution capable de donner le sens de la communauté aux enfants et aux adolescents déjà, et cela au-delà de l’école et de la famille, indépendamment du sexe, de l’appartenance sociale ou religieuse, et hors de tout conflit d’intérêts ou partisan, ce sont les irremplaçables associations privées.
Tout ce qui germe déjà comme sens des responsabilités et sens civique au sein de la famille et de l’école peut se consolider et se développer au sein des associations. Des individus d’origines très diverses sont là pour réaliser des tâches et résoudre de ­manière constructive des problèmes, des conflits, dans une véritable école de la vie, et cela pour une fois sans parents ni enseignants. Toutes les classes d’âge, tous les métiers y apportent leurs expériences et leurs savoir-faire, les adultes et les jeunes travaillant ensemble à résoudre des tâches concrètes. Ce faisant, les jeunes peuvent profiter des expériences des générations précédentes et, de plus, il s’agit là, à la différence de la vie virtuelle d’Internet, de la vie réelle où les adultes ne sont pas perçus comme des carica­tures de ringards mais comme des modèles qui s’investissent dans leur famille, leur profession et leur commune. Ainsi les associations peuvent servir de relais entre l’individu et sa famille d’une part et l’Etat de l’autre. Ce faisant, elles aident les jeunes à devenir des citoyens responsables.

Les associations protection contre la perte de repères

Aujourd’hui, en Suisse, une part importante des tâches citoyennes s’accomplissent dans le cadre des associations. La possibilité de fonder facilement une association (voir encadré ci-dessous) pour se consacrer à une cause commune est à l’origine d’une grande diver­sité d’idées et d’approches des problèmes.
Mais les associations ne contribuent pas seulement à enraciner les individus dans la commune et la région où ils habitent, elles contribuent également, par leurs activités, à intégrer mieux et plus rapidement les citoyens venus d’ailleurs. Dans les communes et différents quartiers des villes, des associations diverses assument une grande partie de la vie culturelle proprement dite. Elles contribuent en outre à la survie des traditions ainsi qu’à la transmission et à la promotion des valeurs.
Les réunions régulières, les intérêts partagés, les décisions prises ensemble conformément aux objectifs de l’association, la maîtrise des conflits entre les membres, tout cela rend plus solides les rapports et plus ef­ficace le travail commun, ce qui ne doit pas être sous-estimé face à un avenir qui s’annonce difficile. Les relations solidaires, le sentiment d’être respecté par les autres membres et les activités très utiles constituent une protection solide contre l’indiscipline, le laisser-aller et la perte de repères.
Les associations peuvent donc jouer un rôle décisif dans les situations de crise. Les structures rodées, la connaissance des situations et des personnes sur place et la fiabilité des rapports qu’elles entretiennent facilitent l’organisation de l’aide à l’autonomie. On n’a pas besoin d’attendre l’aide de l’Etat, on peut tout de suite s’organiser sur place et s’atteler aux tâches qui émanent de la situation. Le danger que la violence éclate et que le dé­sordre s’installe, accentuant les difficultés, diminue.•

Le droit associatif et la démocratie directe en Suisse

hd. Les fondements du droit associatif se trouvent à l’article 60 du Code civil. Tous les humains peuvent se mettre en­semble librement pour créer une association, pour autant que l’objectif de l’association ne soit ni immoral, ni illégal.
Une association devient une per­sonne morale et de droit, dès que l’Assemblée constitutive a consigné les statuts sous forme écrite et que le comité a été nommé. Les statuts doivent préciser l’objet de l’association et donner des informations sur ses ressources et son organisation. Une inscription dans le registre du commerce n’est nécessaire que si l’organisation mène une activité commerciale, c’est-à-dire, vise à réaliser un gain financier.
L’assemblée des membres est l’organe suprême de l’association. Elle est convoquée par le comité. La convocation se fait selon le règlement des statuts et, en outre, d’après la loi si un cinquième des membres exigent la convocation (art. 64 CC).
Tout comme le peuple souverain dans la démocratie directe, c’est l’Assemblée générale qui a le dernier mot à dire dans une association. Elle détermine les besoins de l’association en tant qu’organe suprême. Le comité procède selon les statuts, gère les activités de l’association et soumet à l’assemblée générale des suggestions pour organiser des activités ou d’autres opérations. Les membres, comme dernière instance, ont finalement toujours le dernier mot en ce qui con­cerne toutes les questions de l’association.
La convocation de l’Assemblée en tant qu’organe suprême revient aussi aux membres. Ils fixent dans les statuts, quand et à quel intervalle ils veulent se réunir.
L’admission et l’exclusion de membres incombent à l’Assemblée en tant qu’organe suprême.
Avec l’Assemblée, les membres de l’association ont la supervision sur les activités des différents organes de l’association, lesquels peuvent être destitués en cas de non-exécution des buts de l’association.
Tous les membres de l’association ont le même droit au vote. Les décisions de l’association sont prises par la ma­jorité des membres présents (art. 67 CC). En outre, les sujets à l’ordre du jour sur lesquels il faut prendre une décision doivent être communiqués en temps utile afin que chaque membre puisse se former sa propre opinion.

Contribution des associations à la naissance de l’Etat fédéral suisse

hd. Si des groupements rassemblant des personnes ayant les mêmes idées et les mêmes droits décisionnels – selon le principe «one man, one vote» – sont à ­l’origine de la Confédération, il en fut de même lors de la fondation de notre Etat fédéral moderne de 1848 qui rassembla les associations en tant qu’école de la nation et de la démocratie directe.
Encore à l’époque de la domination napoléonienne sur l’Europe, le sens civique libéral s’éveilla dans la Confédération, par exemple au sein de la Société suisse d’utilité publique (1810). Mais les citoyens à l’esprit libéral échangèrent également leurs idées dans des associations scientifiques et culturelles tels les cercles littéraires et les sociétés des sciences naturelles (p. ex. la Société helvétique, les sociétés des beaux-arts, la Schweizerische geschichtsforschende Gesellschaft).
Les sociétés de tir regroupèrent au début un public assez large. Ainsi, la fondation, en 1824, de la Société suisse de tir (association faîtière) permit de renouer avec l’ancienne tradition des fêtes de tir. Ces fêtes, qui attiraient un public nombreux, offraient des occasions idéales pour diffuser des idées libérales et nationales. Depuis la Régénération (mouvement libéral, 1830–1848), il y eut des associations nettement politiques, p. ex. l’Association nationale suisse, fondée en 1831 ou la société d’étudiants Helvetia fondée en 1832. Mais l’Eidgenössischer Sängerverein, fondé en 1842 rapprocha les Confédérés quelques années avant le resserrement des liens politiques de 1848.
Ainsi, dès la première moitié du XIXe siècle, on doit aux associations d’importantes impulsions politiques et sociales. Elles souhaitaient davantage de libertés civiques, une émancipation sociale, promouvaient l’école et apportaient leur aide dans des situations de détresse. Mis à part leurs objectifs statutaires, elles devinrent des lieux d’échange d’idées nouvelles, en particulier d’idées inspirées de la philosophie des Lumières. En tant que forums de discussions, elles encouragèrent la propagation des idées libérales et créèrent un réseau de relations entre les cantons. Leur engagement entraîna des changements économiques, sociaux et politiques. En même temps que le développement des coopératives, les associations contribuèrent considérablement à ce que l’évolution de la Suisse aboutit en 1848 à la fondation de l’Etat fédéral et ainsi à la Willensnation (nation née de la volonté collective) avec ses droits civiques libéraux de démocratie directe.
Dès lors, les associations eurent des activités politiques en proposant de ­nouvelles lois ou des modifications de lois, en participant à des procédures de consultation ou à la formation de l’opinion avant des votations. Aujourd’hui encore, les manifestations des associations qui ont lieu alternativement dans les différentes régions du pays contribuent à l’entretien de contacts amicaux aux niveaux social et politique dans tout le pays. Elles incitent les citoyens, jusqu’au jour de la votation, à ne pas prendre leurs décisions uniquement en fonction de leur propre point de vue mais à chercher à tenir compte des problèmes et des besoins de toute la ­Suisse. C’est dans un tel contexte qu’ont pu naître de grandes réalisations comme la Poste, les CFF, l’approvisionnement en électricité, etc. qui offrent des services de qualité jusque dans les villages les plus petits et les plus reculés.

Sources: Die Schweiz und ihre Geschichte, Lehrmittelverlag des Kantons Zürich, 1998
Dictionnaire historique de la Suisse (www.dhs.ch)