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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°39, 3 octobre 2011  >  «Ceux qui ont pris des risques doivent les assumer» [Imprimer]

«Ceux qui ont pris des risques doivent les assumer»

Interview de Frank Schäffler, député (FDP) au Bundestag

ef./kks. Le 21 septembre, l’association «Zivile Koalition e.V.» a organisé à Berlin une Table ronde, sous la direction de Beatrix von Storch, dont le sujet était «L’accord MES – une voie vers l’union de dettes? – Abolition de la démocratie et de la souve­raineté». Y ont participé Hans-Olaf Henkel, les députés au Bundestag Frank Schäffler (FDP) et  Klaus-Peter Willsch (CDU), Karl Albrecht Schachtschneider, Marie-Christine Ostermann («Jeunes entrepreneurs») et Beatrix von Storch («Zivile Koalition e.V.»), tous intervenants de grande valeur.
La réunion fut suivie par plus de 300 personnes. (Un compte-rendu plus explicite suivra prochainement dans «Horizons et débats».) La grande majorité des participants était d’avis qu’il fallait empêcher le plan de sauvetage permanent de l’euro, le Mécanisme européen de stabilité (MES). Cette revendication est soutenue par 180 000 courriels de protestation envoyés jusqu’à présent aux députés du Bundestag.
Frank Schäffler, député FDP, qui avec d’autres membres de son parti a engagé une prise de position des membres afin d’empêcher la mise en œuvre du MES à durée indéter­minée, a exigé que les créanciers des pays en défaut de paiement soient engagés aux plans de sauvetage. Dans le cadre de la manifestation, notre journal a obtenu une interview.

Horizons et débats: Vous avez déclenché un mouvement en demandant que les membres du FDP puissent s’exprimer sur la question des nouvelles mesures à prendre pour le sauvetage des pays surendettés. Quel en fut l’écho?

Frank Schäffler: Dans notre parti, nous avons un instrument qui permet de réviser les décisions du parti prises lors des congrès par une consultation des membres, lorsque certaines conditions sont remplies. Nous sommes en train de réunir 5% des voix des membres – ce qui est le quorum nécessaire pour imposer une décision des membres. Nous avons recherché des soutiens dans toutes les régions et de toutes les sections des Länder et nous pensons obtenir le quorum nécessaire d’ici quelques jours. Ce qui offrira la possibilité d’une prise de décision alternative des 68 000 membres du FDP. Les membres auront à se prononcer sur notre proposition et sur celle de la direction du parti. Cela se fera en septembre ou en octobre, dès lors que nous aurons le nombre de voix suffisant.

Quelles sont vos propositions pour une solution du problème de l’euro?

Il y a trois choses à faire. Nous devons remettre à l’honneur les règles de responsabilité au sein de l’Union européenne. Ce qui signifie que ceux qui prennent des risques doivent les assumer. Les pays et les banques qui ont vécu au-dessus de leurs moyens, qui ont pris de trop gros risques, doivent assumer leurs responsabilités. Le cas échéant, il faudra une diminution de la dette et un renoncement de la part des créanciers.
Deuxièmement, il doit y avoir la possibilité de sortir de l’euro. Ce qui signifie que ceux qui violent constamment les règles doivent pouvoir être expulsés, en ultime recours.
Troisièmement c’est aussi une question fondamentale du système monétaire. Nous avons une crise de surendettement des banques et des Etats. Cela a pu se produire parce que notre système bancaire est conçu en partie comme une réserve monétaire et peut ainsi produire de la monnaie à partir de rien et octroyer des crédits sans limites. Pendant des décennies, nous avons mis en place un système qui permet d’offrir des crédits ne reposant pas que sur les économies faites. Les banques ont la possibilité d’utiliser les économies des gens pour offrir des crédits infiniment supérieurs. Elles produisent de l’argent sans compter, ce qui provoque la nécessité d’imprimer toujours plus de monnaie afin de maintenir un certain niveau de croissance économique. C’est ainsi que se prépare l’inflation, non seulement du côté des produits de consommation, mais aussi du patrimoine. L’inflation tend à se corriger elle-même. La contradiction existe dans le fait qu’on devrait lâcher de la pression alors qu’en fait on la renforce. Il sera toujours plus difficile d’entreprendre des corrections plus tard.

Que pensez-vous de la mise en insolvabilité ordonnée?

C’est une coupe dans les dettes brutale. En Europe, il n’existe pas de tribunal d’insolvabilité ou quelque chose de similaire. La Grèce par exemple décidera elle-même quand elle sera insolvable, en cessant d’honorer ses dettes. Dans ce cas, le marché décrétera que le pays est en défaut de paiement et il ne recevra plus de nouveaux crédits. Une insolvabilité ordonnée consiste dans le fait de se réunir à temps avec les créanciers afin de mettre en place une commission de créanciers. Ce fut souvent le cas au niveau du Club de Paris et de celui de Londres pour les créanciers du privé et du secteur public. C’est cela une insolvabilité ordonnée. Dans le cas contraire, on a affaire à une insolvabilité désordonnée, du fait qu’on n’a pas cherché à s’entendre avec les créanciers. Une insolvabilité ordonnée consiste dans le fait que l’Etat endetté cherche à s’entendre avec ses créanciers afin de trouver une solution.
J’y vois une perspective. Il faut décider une conversion, il faut donner la possibilité de sortir du système, ce qui, selon le professeur Schachtschneider, existe depuis le jugement de Maastricht. Les créanciers doivent être associés en premier. Ce qui n’est pas le cas avec les plans de sauvetage actuels – c’est une perversion de l’économie de marché.

De quoi aurait besoin actuellement l’Union européenne?

Il n’y a pas de protection juridique dans l’UE. Personne n’a contrôlé les règles. Il faut réintroduire le droit dans l’UE, c’est une condition indispensable pour obtenir une amélioration. Il faut pouvoir quitter la zone euro. C’est pour la Grèce la seule chance de retrouver une compétitivité, chance qu’elle n’a pas au sein de la zone euro.
On tente maintenant de semer la peur. Nous devons sortir de la «logique du sauvetage»: Qui s’endette doit assumer ses responsabilités. Les Etats, tout comme les investisseurs, doivent supporter eux-mêmes les risques. Socialiser les dettes revient très cher et peut engager d’autres à imiter. Nous devons contribuer à éviter un désastre pour la société civile.

Monsieur Schäffler, nous vous remercions de nous avoir accordé cette interview.

*    Frank Schäffler, est né en 1968 à Schwäbisch Gmünd, il est diplômé en gestion des entreprises et cadre commercial. Il fut pendant 13 ans con­seiller indépendant au service d’une entreprise qui proposait des produits financiers. Depuis 2009, il est député et membre du groupe parlementaire FDP au Bundestag et membre de la Commission des finances. Depuis 2010, il préside le groupe de travail pour la réduction de la bureaucratie au sein de son groupe parlementaire. En 2011, il reçut le «Deutscher Mittelstandspreis». Depuis 2011, il est membre du comité directeur du FDP au niveau fédéral et président de section du FDP d’Ostwestfalen-Lippe.