Les peuples veulent la paix et la justice

Il faut corriger les erreurs de la politique extérieure allemande

par Karl Müller

Le ministère de la Défense allemand publie chaque semaine une statistique concernant le nombre de conflits armés en Afghanistan. On y découvre que la guerre s’aggrave de semaine en semaine, causant des blessés et des morts dans les troupes d’occupation – on ne dispose toutefois pas de données quant aux victimes afghanes, dont le nombre doit être bien supérieur. On ne peut guère espérer en obtenir, maintenant que l’armée américaine sous la houlette d’Obama, a lancé une violente offensive dans le sud du pays, ce qui correspond d’ailleurs à la «recommandation» de généraux allemands: «il faut frapper fort».
Mais dernièrement, les journaux allemands étaient pleins de commentaires à propos de la mort de 3 soldats allemands – le langage conforme officiel utilisant le terme «tombés», le ministère de la Défense allemand se gardant bien de parler de «guerre». Donc, une nouvelle fois trois jeunes vies – deux étaient âgés de 23 ans, l’autre de 21 –, sacrifiée dans une boucherie dont on ne comprend pas l’utilité. Trois jeunes hommes, qui avaient des parents, peut-être même des épouses et des enfants, mais à coup sûr de la parenté et des amis.
On peut se demander en l’honneur de quoi ces trois hommes ont sacrifié leur vie. Ils se sont noyés dans une rivière dans laquelle leur véhicule était tombé lors d’un combat. On peut tenter de s’imaginer quelles furent leurs dernières minutes de vie, quels furent leurs tourments. Et tout cela pour rien!
Comment est-ce possible que les politiciens allemands occultent pareillement cette réalité? Qu’en compensation, ils préfèrent ériger des stèles à leur mémoire et que, après presque sept ans et demi, ils conti­nuent de parler de la défense de l’Allemagne à l’Hindou Kouch, et de demander plus de «­reconnaissance» pour les soldats qui s’y trouvent.
Mais une «reconnaissance» pour quoi? Pour une politique insensée qui ne peut que produire le malheur. Chaque jour des morts et des blessés – sans oublier la terrible détresse de millions d’Afghans qui, eux, ne vivent pas dans des camps militaires luxueux.
Le monde politique allemand n’apprécie pas que la population prenne conscience de cette ineptie – qu’elle soit au courant et que, de ce fait, la propagande de guerre perde de son efficacité. Il ne sert plus à rien de tenter d’obnubiler ce constat en organisant des débats quant aux stratégies à mener.
En fait, la propagande de guerre n’a jamais pris pied, et surtout pas auprès de ceux qui ont été précipités dans la guerre, arrachés à leurs familles et à leur entourage, avec comme perspective la ruine et la mort.
Il est vrai que l’humanité a toujours connu des individus sans relations humaines, prêts à se vendre et à exprimer leur chauvinisme et dont l’esprit était aveuglé par la propagande. On y trouvait souvent de prétendus intellectuels. Toutefois, il ne s’agissait que d’une minorité mise en avant et montée en épingle par les médias et présentée dans les «actualités» («Wochenschau»).
Le psychologue viennois, Alfred Adler, avait déjà démontré, lors de la Première Guerre mondiale, que l’immense majorité des jeunes soldats n’était pas partie en guerre avec enthousiasme. Bien au contraire! Mais on continue de répandre cette légende de l’engouement, espérant ainsi renforcer la propagande servant à soumettre les esprits.
En effet, qui ose s’opposer à ces prétendus cris d’enthousiasme? Mais aussi: qui, plus tard, osera avouer avoir participé à ces cris d’enthousiasme? Ainsi, les uns sont entraînés dans la guerre, et les autres sont censés désespérer des humains. Voilà une sinistre stratégie.
Qu’en était-il, alors que la foule réunie au «Sportpalast» accueillait Joseph Goebbels avec des cris d’enthousiasme à son annonce de la guerre totale. Il s’agissait d’une claque, destinée à servir aux prises de vue des «actualités» et à donner le ton juste à la radio. Encore aujourd’hui on cloue au pilori les quelques personnes qui ne ­parlent pas seulement du petit groupe de résistants allemands connus, mais aussi d’une certaine aversion et de la résistance dans les petites choses d’une large partie du peuple. Cela contredit la thèse de la culpabilité col­lective.
Les dictatures occidentales actuelles parlent de démocratie et de liberté. Mais les peuples se refusent à accepter ce que l’on veut leur imposer, car ce n’est ni la liberté ni la démocratie.
Comment peut-on, après tout ce qui s’est passé, considérer le président des Etats-Unis comme le «guide du monde libre», sans même se poser de questions? Quelle arrogance de la part des politiciens, des médias et des intellectuels occidentaux de vouloir donner des leçons de morale politique à un pays comme l’Iran, alors que l’Occident a mené, à bien des égards, une politique désastreuse qui a laissé des traces sanglantes.
Il y a des signes qui ne trompent pas, no­tamment en ce qui concerne la nouvelle tentative d’une prise d’influence occidentale, ayant pris en compte les victimes d’un conflit. Les ennemis de l’Iran ont estimé que dans tous les cas ils voulaient profiter politiquement de la situation du pays, que l’opposition gagne ou perde. Le conseiller du président américain, le sénateur Nunn, avait déclaré, au début des troubles, qu’il était nécessaire de convaincre la communauté internationale de la nécessité de renforcer les mesures prises contre l’Iran, au cas où les négociations échoueraient.
Mais rien n’a servi. Pas même les polémiques lancées par les journaux allemands à grand tirage contre celles et ceux qui avaient contribué à informer honnêtement.
En effet, les populations ne se laissent plus berner aussi facilement. Que chacun sache bien que dès lors qu’on s’engage pour un monde plus paisible et plus juste, on a les populations de son côté.    •

Programme d’incitation au terrorisme

«Cet engagement de l’OTAN est une menace pour l’Allemagne. Les images montrant les attaques aériennes américaines, les civils tués, les villages détruits se répandent dans des millions de ménages musulmans au travers de la télévision. Il est bien clair que nombre de jeunes gens ne sont pas disposés à accepter cet état de fait et veulent s’y opposer. Y compris dans notre pays. Le ministre de l’Intérieur Schäuble poursuit en Allemagne les terroristes alors que son collègue Jung met en place dans la guerre en Afghanistan le terreau favorable à leur éclosion. Cette guerre est un véritable programme d’incitation au terrorisme.»

Jürgen Todenhöfer, auteur de plusieurs ouvrages sur la guerre en Afghanistan
et ancien député CDU au Bundestag dans une interview accordé à
Spiegel Online le 29 juin

Des soldats allemands meurent pour les Etats-Unis

«Al-Qaïda ne joue plus aucun rôle en Afghanistan. C’est le commandant en chef américain lui-même, le général ­Petraeus, qui le dit. Prétendre que le pays serait livré à Al-Qaïda en cas de retrait des troupes américaines se situe au niveau des bobards.[…]
Nous nous battons en Afghanistan contre une révolte nationale contre l’Occident. L’Afghanistan est intéressant du point de vue géostratégique, du fait que de cette région on peut contrôler la Russie, l’Inde, le Pakistan et aussi la Chine. Le pays est aussi de grand intérêt du point de vue de la politique des ma­tières premières. Les Américains ont en vue la construction d’un gazoduc traversant le pays. […]
A mon avis, nos soldats meurent en Afghanistan du fait d’une conception erronée de la solidarité envers les Etats-Unis. Et cela, nos politiciens le savent pertinemment.»

Jürgen Todenhöfer, auteur de plusieurs ouvrages sur la guerre en Afghanistan
et ancien député CDU au Bundestag dans une interview accordé à
Spiegel Online le 29 juin

69% des Allemands sont favo­rable au retrait de la Bundeswehr

«La mission de la Bundeswehr en Afghanistan rencontre une opposition grandissante dans la population. Lors de la dernière enquête présentée par l’émission ARD-Deutschlandtrend, 69% des citoyens allemands estiment que l’armée allemande doit ‹se retirer aussi rapidement que possible d’Afghanistan›. C’est 5% de plus qu’en avril de cette année et le pourcentage le plus élevé jamais mesuré par ARD-Deutschlandtrend sur cette question.»

Spiegel Online du 3 juillet

© 2006, Current Concerns, www.currentconcerns.ch, Phone +41-44-350 65 50, Fax +41-44-350 65 51