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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2016  >  No 3, 8 février 2016  >  «Barils d’explosifs» dans la guerre en Syrie [Imprimer]

La paix a également besoin de vérité

«Barils d’explosifs» dans la guerre en Syrie

Peu d’initiatives en faveur de la vérité mais une intense propagande belliciste

km. Joachim Guilliard est engagé dans les mouvements pour la paix depuis les années 1980 et depuis longtemps journaliste amateur et écrivain. En 2001, il lança l’initiative contre l’embargo de l’Irak et en fut le porte-parole avec l’ancien coordinateur du programme d’aide de l’ONU pour l’Irak, Hans-Christof von Sponeck.
Le 26 janvier 2016, le journal «Junge Welt» a publié un article détaillé et bien documenté dans lequel on prétendait que l’armée syrienne utilisait des «barils d’explosifs», ce qui correspondait à un crime de guerre. Cette affirmation est entretemps devenue «l’argument essentiel servant à justifier l’objectif du renversement du gouvernement et le refus de toute collaboration avec le gouvernement».
Les «barils d’explosifs» sont des engins explosifs improvisés, fabriqués à l’aide de grands tonneaux métalliques ou d’autres gros récipients remplis d’explosifs et de fragments de métal. Leur production est moins chère que les armes usuelles et elles peuvent être lancées depuis des hélicoptères et des avions civils.
Les affirmations selon lesquelles le gouvernement syrien se sert de telles armes sont avancées principalement par les médias occidentaux et certains groupes de défense des droits humains. Il s’agit de donner l’impression que les attaques avec ces armes se dirigent essentiellement contre des quartiers habités et des installations civiles. A ce sujet, Guilliard cite un passage d’un communiqué de presse d’Amnesty International (AI) concernant un rapport de mai 2015, affirmant que «les terribles frappes aériennes répétées contre des quartiers habités font apparaître une politique voulant de plein gré attaquer systématiquement la population civile par des attaques représentant des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité».
L’organisation américaine Human Rights Watch (HRW) estime dans son rapport de février 2015 que «la répartition des endroits avec de grosses destructions» font apparaître que les forces gouvernementales agressent «l’ensemble de la population» des villes concernées «avec des engins explosifs».
La plupart des rapports de ces deux organisations portent sur la ville d’Alep, âprement disputée depuis juillet 2012. Guilliard estime toutefois insensée l’affirmation selon laquelle l’armée syrienne utiliserait de tels barils d’explosifs pour «punir» la population civile: «Vu la situation difficile de l’armée syrienne, devant se battre sur un grand nombre de fronts, l’affirmation qu’elle puisse encore trouver le temps d’entreprendre de larges actions punitives, est relativement absurde. Il est beaucoup plus vraisemblable que là où l’aviation porte ses attaques, il y ait des installations militaires importantes des milices adverses, car ces dernières se trouvent souvent dans les villes.»
Même les plans établis par HRW et AI avec les lieux prétendument bombardés par des «barils d’explosifs» à Alep permettent de le reconnaître. La plupart des objectifs, contre lesquels l’aviation syrienne a lancé des attaques, se trouvent dans des régions définies comme étant «contrôlées par l’opposition». Cette «opposition» est constituée surtout avant tout de milices radicales islamiques et djihadistes.
De plus: «Il n’y avait pas eu de manifestations significatives contre le gouvernement à Alep en 2011 et la deuxième plus grande ville de Syrie n’a pas connu de troubles pendant plus d’un an. Toutefois, des milices hostiles au gouvernement, bien approvisionnées grâce à la proximité de la frontière turque, avancèrent jusqu’à Alep en juillet 2012 et purent, après de sérieux combats, prendre le contrôle de la moitié orientale du centre-ville.» Selon Guilliard, la plupart des citoyens d’Alep, «qui tombèrent sous la coupe de la brutale oppression des milices, n’éprouvèrent aucune sympathie pour ces nouveaux seigneurs. Beaucoup s’enfuirent dans les quartiers tenus par les forces gouvernementales ou dans les régions côtières sécurisées.» Il n’y avait donc aucune raison d’entreprendre des actions punitives contre «l’ensemble de la population».
D’après Guillard, l’affirmation selon la­quelle la plupart des cibles à Alep seraient trop éloignées du front pour avoir une importance militaire ne convainc pas. «Aucun endroit de la région contrôlée par les milices, telle que signalée sur les cartes de HRW et AI, est à plus de 2,5?km de la ligne de front. En outre, lors de la reprise de combats, il semble que la plupart des habitants restants ont fui la zone. Ainsi, au début de 2014, 500?000 personnes ont quitté les quartiers de la ville tenus par les milices lorsque l’armée syrienne avait lancé une nouvelle offensive. Des quartiers entiers se sont vidés. On ne peut donc guère parler d’attaques ciblées contre la population civile, comme cela est affirmé selon les attaques marquées sur la carte de HRW de cette période.»
Outre cela, Joachim Guilliard a découvert qu’on manipulait avec des données falsifiées: «Le 26 février 2015, HWR a présenté via Twitter la photo d’un quartier fortement détruit avec le commentaire suivant: ‹L’armée syrienne utilise des barils d’explosifs malgré l’interdiction absolue.› En réalité, cette photo avait déjà été publiée par le ‹New York Times› le 13 février. On y voyait la ville kurde de Kobané qui avait été, selon la légende, ‹détruite par les forces islamistes et les attaques aériennes de la coalition menée par les Américains›. Le 8 mai, le chef de HWR, Kenneth Roth, a publié une autre photo aérienne d’un quartier détruit, illustrant prétendument ‹ce que les barils d’explosifs d’Assad ont fait à Alep›. En réalité, c’était une photo de Gaza prise l’année précédente.»
De nombreuses vidéos et images voulant placer l’armée syrienne et le gouvernement sur le banc des accusés, sont fournies par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) sise à Coventry en Angleterre, par des comités de coordination locaux et par la Shahba Press Agency. Selon Guilliard, les médias présentant ces infos «n’ont, semble-t-il, repris leurs énonciations sans vérification, bien qu’elles proviennent de toute évidence d’une partie belligérante spécifique».
Il en est de même des nombreux rapports d’AI et HRW qui prennent une importance particulière due à la bonne réputation dont bénéficient les organisations des droits de l’homme: «Leurs rapports reposent également en grande partie sur les donnés de ces mêmes sources – donc outre celles mentionnées ci-dessus également le Violations Documentation Center (VDC) d’Istanbul et le Syrien Network for Human Rights (SNHR) en Grande-Bretagne. Toutes ces organisations sont étroitement liées à des groupes d’opposition à l’intérieur et à l’extérieur de la Syrie. Elles ont leurs sièges dans les pays qui s’engagent pour un ‹changement de régime› en Syrie et qui les financent, au moins en partie.»
Joachim Guilliard examine en détail la source la plus importante de toutes les accusations contre le gouvernement syrien, l’«Observatoire syrien des droits de l’homme», et révèle son caractère problématique. Malgré cela (ou: peut-être pour cette raison?) cette organisation est financée par l’Etat britannique, par l’UE et un certain nombre de médias britanniques.
«Naturellement, explique Guilliard, la partialité dans les recherches ne signifie pas, que tous les rapports sur les attaques aériennes ayant touché des installations civils et ayant fait des victimes civiles sont inventés. Il est probable que les forces armées syriennes ont engagé et engagent les forces aérienne également dans des cas où le risque pour des personnes non impliquées est excessivement haut». Mais cela est vrai dans une «dimension bien plus grande pour les attaques des Etats-Unis et des autres pays de l’OTAN dans des situations de guerre similaires: tant en Afghanistan qu’en Irak occupé, où l’armée de l’air a attaqué des positions ennemies dans les villes et il en a été de même dans la guerre de l’OTAN contre la Libye en 2011». Mais ni AI ni HRW y ont fait des recherches systématiques et se sont montrés autant scandalisés que cela a été le cas concernant les activités de l’armée de l’air syrienne et plus récemment aussi les attaques aériennes russes en Syrie.
«Manifestement, explique Guilliard dans la dernière partie de son enquête, il y a un lien entre les buts de politique étrangère des Etats-Unis et de ses alliés européens et les campagnes d’AI et de HRW. Cette dernière a déjà souvent été critiquée à cause de sa grande proximité de la Maison blanche et du Département d’Etat, tout spécialement en juillet 2014 dans une lettre ouverte des lauréats du prix Nobel et d’anciens fonctionnaires de l’ONU. Celle-ci se dirigeait surtout contre le fait que souvent des postes influents au sein de HRW étaient occupés par des personnes ayant eu des fonctions de haut niveau dans le gouvernement, l’armée et la CIA et vis-versa des dirigeants de HRW avaient pu accéder à un poste gouvernemental – les critiques parlent d’un mécanisme à effet de porte tournante. Ainsi, par exemple, l’ancien analyste de la CIA Miguel Díaz a été nommé conseiller de HRW. Huit ans plus tard, il a pu faire profiter de ses expériences le Département d’Etat américain dans sa nouvelle fonction d’agent de liaison entre les services secrets et les experts non-gouvernementaux. Tom Malinowski devint directeur de l’organisation pour Washington, lui qui était, lors des bombardements de la Yougoslavie en 1999, directeur en chef du Conseil de sécurité nationale à la Maison blanche et responsable de la rédaction des discours de politique étrangère. Dans sa nouvelle fonction, il promeut la guerre en Libye et la loua à la fin comme étant ‹la réaction militaire la plus rapide en vue d’une crise menaçante des droits de l’homme›. Sous Obama, il devint par la suite secrétaire d’Etat pour la démocratie, les droits de l’homme et le travail au ministère américain des Affaires étrangères. Parmi les principaux sponsors de HRW se trouvent des fondations de grands groupes américains. Leur plus important donateur est probablement le milliardaire George Soros. Uniquement en 2010, sa fondation ‹Open Society Foundation› a fait parvenir plus de 100 millions de dollars à l’organisation HRW».
En observant AI, on peut souvent découvrir une certaine proximité à des positions de politique étrangère des Etats occidentaux. Ses centres d’intérêts se trouvent souvent dans des pays se trouvant en ligne de mire des Etats-Unis et pays membres de l’UE. «Son influente section américaine n’est également pas libre de l’effet de porte tournante. Ainsi c’est précisément Suzanne Nossel qui devint en 2012 directrice d’AI (USA) après avoir été chef de service au Département d’Etat et avoir joué un rôle important dans l’introduction ‹de résolutions pionnières contre la violation de droits de l’homme› contre l’Iran, la Syrie et la Libye. Elle a également introduit la notion de ‹Smart Power› pour définir le mélange de la puissance militaire et du pouvoir ‹doux› dans la politique extérieure des Etats-Unis, critère déterminant de la politique extérieur d’Hillary Clinton».     •