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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°10, 23 mars 2009  >  Entamer un conflit fiscal au lieu de balayer devant sa porte [Imprimer]

Entamer un conflit fiscal au lieu de balayer devant sa porte

par Reinhard Koradi

La menace du G 20 de recourir à une «liste noire», construction artificielle qui manque de toute légitimité politique, a incité le gouvernement suisse à céder dans son conflit avec les Etats-Unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’UE. Par son «assouplissement du secret bancaire», le Conseil fédéral entend contribuer à une solution amiable dans le conflit fiscal.
En raison des expériences faites, il n’est pas du tout évident que cette prestation préalable contribue à un traitement de la Suisse comme il est d’usage entre partenaires contractuels égaux et Etats souverains.

Chaque Etat doit effectuer des tâches rela­tives notamment à l’infrastructure, aux institutions sociales, à la formation et à la santé. Pour ce faire, il a besoin d’argent, qu’il obtient de la population sous forme d’impôts et d’autres droits. Le droit de prélever des impôts est un droit régalien. C’est pourquoi l’on parle du pouvoir d’imposition de l’Etat. Ce pouvoir d’imposition comprend notamment le droit d’autodétermination de chaque Etat en matière de système fiscal et de taux d’imposition (niveau des impôts). La charge fiscale qui incombe à chaque habitant est en corrélation étroite avec la politique financière des collectivités de droit public, la situation de l’emploi et le revenu du travail de la population. Il en résulte avant tout que la charge fiscale de la population dépend du sérieux et de l’exactitude avec lesquels les gouvernements et les parlements accomplissent leurs tâches nationales. Font partie de ces tâches: un budget équilibré (pas d’endettement net), le maintien d’un niveau de l’emploi aussi bon que possible et d’une balance commerciale équilibrée. Le maintien de l’emploi à un niveau élevé implique notamment une formation et un système sanitaire en bon état et, surtout, la multiplicité des branches économiques et une solide structure des entreprises (exploitations grandes, petites et moyennes).
Le fait que les gouvernements n’accom­plissent pas leurs devoirs, négligent les intérêts de la population, voire se concentrent sur des objets de prestige et de puissance peut exercer très vite des effets catastrophiques sur le budget de l’Etat. Des dépenses excessives ne conduisent que trop souvent à un endettement de l’Etat entraînant des intérêts considérables, c’est-à-dire une charge fiscale élevée de la population. Une telle charge – surtout si elle est considérée comme injuste – est une cause essentielle d’évasion fiscale. Dans l’ensemble, les causes de l’évasion fiscale proviennent en premier lieu du propre système fiscal et pourraient être considérées – ainsi qu’il est proclamé à gorge déployée à d’autres occasions – du point de vue de la compétitivité. Comme partout, il y a de nombreux systèmes d’incitation dans le secteur fiscal. Tant qu’ils sont légaux et qu’ils correspondent aux traités en vigueur, ils ne justifient aucune accusation contre un pays et son système fiscal.

Le système fiscal de la Suisse

Le système fiscal de la Suisse se caractérise par la confiance réciproque des citoyens et de l’Etat, qui provient du système politique du pays, la démocratie directe. Les diverses possibilités de participer aux décisions et le fait que le peuple est la dernière instance à cet égard crée la transparence nécessaire à propos des tâches de l’Etat et, partant, de la politique des recettes et des dépenses des communes, des cantons et de la Confédération. Le principe de subsidiarité est lié à la démocratie directe, c’est-à-dire que les charges de l’Etat sont réparties entre les divers niveaux de décision conformément aux possibilités. Les communes accomplissent toutes les tâches qu’elles sont en mesure d’assumer. Les tâches qui peuvent être réalisées au prochain niveau sont confiées aux cantons, qui, à leur tour, transmettent à la Confédération celles qui excèdent leurs possibilités. Cette structure de bas en haut rend les autorités proches des citoyens et crée un consensus au sujet de ce que l’Etat doit faire ou ne pas faire.
La même structure concerne le système fiscal. L’impôt communal est la base du système fiscal suisse. Chaque année, les contribuables sont invités à remplir leur déclaration d’impôts et, partant, à donner des renseignements sur leur revenu et leur fortune. A l’assemblée communale, le budget et les taux d’imposition communaux font l’objet d’un scrutin populaire. De même, les taux d’imposition des cantons comme ceux de la Confédération sont fixés lors de scrutins populaires. De nouveaux impôts, telle la taxe sur la valeur ajoutée, sont soumis à un scrutin populaire. Si la taxe sur la valeur ajoutée était majorée, le peuple devrait être consulté à ce propos. A l’exception de cette taxe (impôt à la consommation) et de l’impôt anticipé, les impôts sont levés par les cantons et la Confédération avec la comptabilité correspondante. L’autorité fiscale procède à la répartition des impôts entre la Confédération et les cantons. La majeure partie des impôts prélevés demeure dans la commune des habitants du contribuable.
Mentionné à propos du système fiscal suisse, le secret bancaire protège au premier chef  la sphère privée du citoyen. Afin de limiter l’attrait de la renonciation à déclarer des valeurs patrimoniales, l’impôt anticipé est prélevé sur le produit des intérêts des fortunes placées dans les banques. Celles-ci déduisent directement l’imposition de 35% du produit des intérêts. Si le contribuable inscrit cette fortune dans sa déclaration d’impôts, le bureau des impôts lui rembourse l’impôt anticipé. Le secret bancaire tant décrié à l’étranger voit ses effets largement réduits par l’imposition directe des intérêts. Les accords destinés à éviter la double imposition du produit des intérêts tendent aussi à réduire les conflits avec l’étranger. De plus, il faut considérer les accords contre la double imposition conclus avec divers pays comme une contribution des parties à la lutte contre la fraude fiscale.
Les reproches massifs proférés par l’Alle­magne et la Grande-Bretagne ne ré­sistent pas à un examen sérieux du système bancaire suisse. Les raisons de ces attaques peuvent diverger fortement les unes des autres. Mais elles doivent être taxées d’attaques contre la souveraineté de la Suisse et repoussées énergiquement. Un regard jeté sur la quote-part des impôts et de l’endettement des différents pays pourrait être d’autant plus révélateur que l’évasion fiscale est causée surtout par le pays qui la subit.     •

«Humilier les pays pratiquant le secret bancaire est inacceptable»

hd. Dans un entretien avec le quotidien suisse «Le Temps», le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, s’exprime de manière claire et nette au sujet des attaques contre la Suisse et le Luxembourg. En voici un extrait:
«Mais n’oublions pas les faits: le krach mondial est, avant tout, dû au dérapage des marchés hypothécaires américains. Je suis personnellement très inquiet de la surenchère actuelle, en France et en Allemagne notamment, contre le secret suisse ou luxembourgeois. Il y a là non seulement de l’exagération, mais une arrogance et une condescendance perturbante. Ce matraquage me dérange, car il s’appuie sur une imposture en associant secret bancaire et paradis fiscal, et car il ne tient aucun compte de nos opinions publiques. Nous faisons face, ces jours-ci, à une pensée dominante qui n’a plus lieu d’être. Humilier ainsi des pays voisins européens est inacceptable et pourrait engendrer des gestes de refus. Je l’ai dit tel quel à Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, que je retrouverai en fin de semaine au sommet européen de Bruxelles.
Une telle désinvolture, de la part de responsables politiques, à Paris comme à Berlin, relève d’un populisme d’inspiration médiocre.
J’attends que ceux qui nous cherchent querelle s’en prennent avec autant de véhémence au trusts britanniques, ou aux législations fiscales de certains Etats américains.»