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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°13/14, 11 avril 2011  >  Ce que nous emportons avec nous de l’école [Imprimer]

Ce que nous emportons avec nous de l’école

par Christiane Bau-Wespe

Je suis enseignante d’école secondaire et de petite classe. Depuis 1 an et demi je suis à la retraite. Une de mes classes de Hambourg m’a invitée en février 2011 pour un revoir, 17 ans après qu’ils aient quitté l’école. J’ai tenu cette classe de la huitième jusqu’à la dixième. C’était une classe très spéciale car elle était composée uniquement d’adolescents qui avaient échoué dans divers lycées, et qui avaient été relégués dans cette classe qu’on appelait «Rückläuferklasse» (classe des redoublés). C’étaient 25 élèves, et aujourd’hui, 17 ans après la fin de l’école, mon ancien élève Felix les a convoqués. Même des années après la fin de la scolarité, c’est un champ d’activités qui s’offre à nous, enseignants, de re­prendre ce qu’on a enseigné à nos élèves pendant des années et de les encourager pour les dix ans à venir.
Mon ancien élève Metin a décrit l’importance de cette signification dans son album de fin de scolarité de la façon suivante:
Metin: «En quelque sorte, je crois aussi qu’un enseignant est très important pour la vie. Car c’est lui qui passe cinq jours par semaine, et probablement dix ans de sa vie, avec des enfants qui ne sont pas les siens. Au début, pour les deux, cela semble inaccoutumé – mais au fil du temps quelque chose changera. Ils deviennent une équipe bien rodée. L’élève devient de plus en plus habile et l’enseignant par conséquent plus heureux. Car c’est lui qui, finalement, peut être fier de quelqu’un parce qu’il voit ce qu’il a fabriqué. Il parlera du monde à l’élève et il sera celui qui lui parlera de son pays et il sera celui qui l’enverra dans le monde doté d’une bonne formation. Lorsqu’on demande à l’élève – n’importe quand – s’il a une fois appris quelque chose, il peut dire, la conscience tranquille, que c’était bien le cas. Un enseignant n’enseigne pas seulement son savoir – il changera aussi l’élève. Car si l’on passe plus de cinq ans avec quelqu’un, cela peut bien avoir de l’influence – le plus souvent dans un sens positif. La plupart des gens diront même: ‹Si mon instituteur n’avait pas été là…›. Maintenant on entend même des histoires d’adolescents dont la vie a tellement changé grâce à leur enseignant, que finalement ils sont devenus meilleurs en tant qu’êtres humains.»

Deux réunions de classe impressionnantes

Pour mieux vous présenter cette classe, je vais d’abord vous raconter notre première ren­contre, il y 7 ans:
Quand je suis arrivée, ils ont scandé en chœur «Nous ne fumons pas, nous ne buvons pas, nous ne prenons pas de drogues.» C’était leur manière de me saluer. Nous nous sommes rencontrés à proximité de l’école dans une sorte de bistrot Fast-food avec une grande salle où les 25 élèves pouvaient prendre place. On pouvait y manger des pizzas et autres plats préparés en vitesse, ce que les élèves ont commandé avec leur Coca.
Pour cette rencontre, Félix a apporté la vieille radio de notre école dont il était responsable de la gestion et du fonctionnement.
Les élèves venaient de loin, même de Londres. Quelques-uns avaient amené leurs partenaires et leurs enfants. Il y avait aussi d’anciens élèves des classes voisines qui étaient venus par attachement, parce qu’ils voulaient me revoir. Presque tous les élèves voulaient s’entretenir avec mon mari. Ils voulaient savoir qui il était et ils voulaient savoir de lui comment nous vivions.
Ils changeaient souvent de place pendant cette rencontre, car chacun voulait parler avec moi. Nous avons parlé jusque tard dans la nuit.
Félix, le beau Siegfried et John étaient là. Entre eux, ils ont aussi beaucoup parlé et très ouvertement. Ils s’intéressaient beaucoup les uns aux autres. On sentait qu’ils étaient très attachés entre eux.
Puis l’un d’eux a fait tinter son verre.
Il m’a priée de leur tenir un discours comme je l’avais fait autrefois. Donc je leur ai parlé de la situation dans le monde, de la guerre, et je les ai mis en garde contre le marché de la drogue.
Cela m’était égal, qu’ils m’aimaient ou non. Mais je leur enseignais leurs responsabilités envers le monde. Apparemment mes discours leur avaient manqué, ces discours qui leur avaient lancé un défi, qui les avaient incités à réfléchir en leur montrant leur importance dans le monde et donc leur responsabilité.
Comme dans toutes mes classes, je leur ai parlé et reparlé de façon insistante des drogues, de l’alcool et plus tard du Sida. 10 ans plus tard, ils y pensent encore.
Dora m’a demandé à la fin de la rencontre de pouvoir me parler en privé. Elle est venue de loin avec son mari et deux petits enfants; elle m’a prise dans ses bras devant la porte et m’a remerciée: «Vous m’avez sauvé la vie en ce temps-là. Je vous en remercie.»
Pour le moment, je ne savais pas ce qu’elle voulait dire. Je ne me souvenais pas d’en avoir fait tant pour elle.
Elle m’a rappelé son problème d’anglais. J’avais donné à l’enseignant de rattrapage l’original des examens en classe, pour qu’il puisse bien la préparer. Elle fut donc préparée par lui au mieux, bien qu’il ne lui ait jamais donné l’original.
Elle m’a alors raconté avoir remarqué dès le début et s’être rendu compte, en y réfléchissant bien, que j’avais mis en danger mon emploi pour lui assurer une fin de scolarité convenable. Elle a ainsi pu apprendre le métier de fleuriste, son métier de préférence, ce qui avait renforcé sa confiance en elle-même. Certainement j’avais cru en elle. Pourquoi autrement prendre un tel risque? J’avais beaucoup misé sur elle pour qu’elle ait une chance. La pensée qu’elle avait mérité cette chance l’a profondément émue et lui a donné des forces pour faire son chemin.
Elle a ajouté qu’elle n’avait jamais vécu cela ni avant ni après. Sa mère se disputait toujours avec elle. Sa sœur était toujours jalouse d’elle et était le chouchou des parents.
Cette rencontre de classe a été une grande expérience. Nous avons tous décidé que ce ne serait pas la dernière.

La deuxième rencontre de classe

Pour la deuxième rencontre qui eut lieu 7 ans plus tard, je me suis préparée, car j’avais perdu ma facilité d’usage de la langue. Pour cette raison, je n’ai pas fait de discours spontané et j’ai apporté un questionnaire pour avoir les réactions de mes anciens élèves.
En février 2011, mon mari a lu ce discours à ma place devant ma classe 10 b:

Chère classe 10 b,
Car c’est ce que vous resterez toujours pour moi, peu importe le temps qui passe!
Tout comme les enfants restent toujours les enfants de leur parents, même lorsque les enfants ont 70 ans et les parents 90 ans. Nous n’avons pas encore tout à fait cet âge, mais tout de même, 17 ans ont passé depuis la fin de la scolarité! Je me réjouis beaucoup de vous voir ici, et mon voyage à Hambourg, je l’ai fait exprès pour vous.
Un enseignant sans voix c’est … Le reste vous pouvez l’imaginer vous-mêmes. Mais la tête et le cœur fonctionnent et j’espère que vous allez m’écrire quelque chose pour le livre dans lequel je consigne les étappes les plus importantes de ma vie d’enseignante. J’ai déjà esquissé le chapitre de la «Rencontre de classe après 17 ans» et le papier, les crayons, voir mon I-Pad sont prêts.
Quel est mon discours aujourd’hui?
Je suis fière de vous! Tels que vous êtes là, et surtout que vous soyez là! C’était toujours ce qu’il y a eu de spécial avec cette classe: La cohésion, malgré les grandes différences! Je n’ai pas tant écrit des histoires particu­lières de vous, mais toujours plutôt de la classe en entier, ma classe d’élèves relégués, où chacun était ce qu’il était tout en devant toujours tirer le meilleur de lui-même. Bien sûr qu’il a fallu vous éduquer, c’était nécessaire pour certains, mais il y eut aussi pour presque tous une petite remarque çà et là, une petite correction concernant le fair-play, les questions de modestie et de courage, etc.
Vous êtes aujourd’hui en plein dans la vie et vous êtes la génération dont tout dépend: Vous empêcherez d’autres guerres, vous enseignerez à vos enfants l’être humain, vous les amenez à apprendre et à renoncer aux drogues! Le plus important aujourd’hui, c’est d’utiliser la raison et le cœur. La raison pour démasquer ce qui se passe réellement en politique mondiale et ce qu’on nous raconte. Le cœur pour combattre le mensonge et le mépris envers les humains, et cela chacun peut le faire à chaque moment de sa vie, où qu’il se trouve.
La mère à la maison éduque les enfants de manière à ce qu’ils apprennent la compassion, qu’ils refusent la violence, qu’ils apprennent à travailler ensemble et à se réjouir de la vie. La femme et l’homme dans leurs métiers respectifs ont beaucoup de possibilités de s’engager pour le fair-play, pour la vérité et les valeurs, et finalement c’est là toujours la voie qui mène au succès. Beaucoup d’entre vous ont certainement déjà fait cette expérience. Une voix intérieure nous dit toujours quelle voie est la bonne quand on se trouve devant des alternatives. C’est notre conscience. Et si personnellement je ne peux pas m’y fier, j’ai besoin d’amis qui me connaissent et ça repart avec du courage tout neuf!

Votre institutrice Christiane Bau

Voici l’original du questionnaire auquel tous mes élèves ont répondu:
1.    Pourquoi es-tu ici aujourd’hui?
2.    Quels sont les facteurs qui t’ont rendu capable aujourd’hui de mener ta vie correctement?
3.    Qu’est-ce qui t’a guidé lorsque tu t’es décidé à prendre le bon chemin?
4.    Qui t’a donné, ou qu’est-ce qui t’a donné le courage de surmonter les difficultés?
5.    Quelle importance la communauté de la classe a-t-elle eue à l’époque, et encore aujourd’hui?
6.    Si tu devais dire ce qui était important à l’époque: Le bon travail à l’école ou l’amitié, que choisirais-tu?
Merci de répondre à mes questions.

J’ajoute à présent quelques portraits d’élèves et ensuite leurs réponses à mes questions.

Silvia

Silvia était visiblement mal dans sa peau. Elle se cachait toujours derrière les autres, elle n’avait pas de situation facile à la maison: Une mère trop soucieuse d’elle, toujours derrière elle, qui ne la laissait pas grandir et pour cette raison, Silvia ne mangeait pas. Elle portait toujours des vêtements noirs et se donnait un air de secret. Au début elle m’a impressionnée, mais pas longtemps. J’ai parlé avec la mère, l’ai priée de s’occuper de sa propre vie et de me confier Silvia en classe pour l’éducation, ce qui a fonctionné. J’ai dit à Marianne et à Sabine de s’occuper de l’alimentation de Silvia, avec insistance. Silvia s’est laissé faire, visiblement elle y prenait goût. Silvia n’était jamais joyeuse, cela n’allait pas avec son idée d’elle-même. Mais nous la prenions telle qu’elle était et faisions semblant de notre côté que tout soit en ordre, et peu à peu Silvia a pris des forces. Elle pouvait répondre de manière vraiment défensive si quelqu’un l’approchait de trop près. Quel signe de vie vital!
17 ans plus tard: Silvia a grandi. Elle a toujours des tatouages, mais discrets et elle est très jolie et ouverte. Elle vient de terminer une formation d’ergothérapeute car, avec le métier de cosméticienne, elle n’arrivait pas bien à se relier aux gens; elle est rétablie. Elle est la meilleure amie de Sabine. Ecoutons maintenant Silvia:

Question: Pourquoi es-tu ici aujourd’hui?

Silvia: Parce que j’ai beaucoup attendu ce jour qui nous trouve tous réunis une nouvelle fois.

Quels sont les facteurs qui t’ont rendu ca­pable aujourd’hui de mener ta vie correctement?

C’est le soutien aimant de mes amis – aussi des «vieux» amis! Et d’être une personne qui est devenue corps et âme l’artiste de sa propre vie.

Qu’est-ce qui t’a guidée lorsque tu t’es décidée à prendre le bon chemin?

Mon intuition, mes émotions qui vont de pair avec l’espoir.

Qui t’a donné, ou qu’est-ce qui t’a donné le courage de surmonter les difficultés?

Ce sont des êtres humains qui m’ont donné du courage et qui ont cru et croient encore en moi malgré tout.

Quelle importance la communauté de la classe a-t-elle eue à l’époque, et encore aujourd’hui?

La communauté de notre classe a été incroyablement importante pour moi, pas seulement rétrospectivement. Aujourd’hui les cama­rades de notre communauté de classe me rap­pellent qui j’étais et ce que j’ai pu réaliser jusqu’à maintenant.

Si tu devais dire ce qui était important à l’époque: Le bon travail à l’école ou l’amitié, que choisirais-tu?

L’amitié, définitivement, car mon travail en classe était plus que «mauvais» – heureusement cela a changé.

Jasmin

Jasmin est issue d’un milieu parentale soigné bien situé, enfant unique, elle a eu tout l’amour de sa mère et était surprotégée. Aussi était-elle «de la Haute» … Ayant échoué au lycée, elle était assez frustrée de venir dans ma classe, mais bientôt elle s’est épanouie. Jasmin dispose d’une force vitale remar­quable, exempte de préjugés de classe. Et cela l’a aidée à être bien acceptée dans ma classe. Elle était énergique, intelligente et ambitieuse, mais elle n’avait pas beaucoup de patience, même pas avec elle-même. Nous avons travaillé et elle est devenue plus douce et plus calme.
17 ans plus tard: Jasmin a terminé le lycée en section économique et exerce aujourd’hui la profession d’inspectrice fiscale, avec un cabinet à elle, elle est mariée, et adulte, très à l’aise, une personne fiable.

Question: Pourquoi es-tu ici aujourd’hui?

Jasmin: A cause de l’invitation sympa­thique et pour voir ce que les autres sont devenus. Mais avant tout pour vous, pour vous revoir!

Quels sont les facteurs qui t’ont rendu capable aujourd’hui de mener ta vie correctement?

En premier lieu mes parents. Ce n’était pas toujours simple, surtout à cause de la maladie de mon père, mais mes parents m’ont enseigné les vraies valeurs de la vie.

Qu’est-ce qui t’a guidée lorsque tu t’es décidée à prendre le bon chemin?

Moi-même, je me suis toujours écoutée moi-même.

ui t’a donné ou qu’est-ce qui t’a donné le courage de surmonter les difficultés?

Ma mère.

Quelle importance la communauté de la classe a-t-elle eue à l’époque, et encore aujourd’hui?

Après les mauvaises expériences au lycée, notre classe m’a aidée à retrouver du plaisir à l’école.

Si tu devais dire ce qui était important: Le bon travail à l’école ou l’amitié, que choisirais-tu?

Bien que j’aie des amis formidables, j’ai appris que je ne peux me fier qu’à moi-même. Sans efforts la vie ne fonctionne pas, mais sans amis on serait bien solitaire.

Sabine

Elle m’appelle par-dessus la table: Maintenant c’est moi qui viens vers vous!

Moi: Toi, tu vas bien?

Elle: Oui.

Moi: Cela se voit. Tu as toujours eu une orientation intérieure grâce à ce que tu as appris auprès de ta mère. Elle m’a beaucoup impressionnée.

Elle: Ça va lui faire plaisir.

Remarque: Elève, Sabine a vécu avec sa mère et sa sœur en plein St. Pauli, elle y a fréquenté le lycée catholique et y a échoué. Elle était très nerveuse mais malgré tout toujours honnête. Elle s’est calmée chez nous et a vite fait d’atteindre de bons résultats. Elle est immunisée contre la saleté de la rue.

Question: Pourquoi es-tu ici aujourd’hui?

Sabine: Je suis ici pour retrouver tous ces gens formidables avec lesquels j’ai été à l’école. Rafraîchir la mémoire et les visages.

Quels sont les facteurs qui t’ont rendu capable aujourd’hui de mener ta vie correctement?

Je me suis toujours séparée de toutes les choses et de tous les gens qui ne m’ont pas fait du bien, pour lâcher prise et construire de nouvelles voies.

Qu’est-ce qui t’a guidée lorsque tu t’es décidée à prendre le bon chemin?

Mon mari et mes deux fils (Filip, 3 ans et Ben, 10 mois) me montrent tous les jours de nouvelles voies pour venir à bout de situations difficiles.

Qui t’a donné, ou qu’est-ce qui t’a donné le courage de surmonter les difficultés?

Ma thérapeute, mon mari et ma meilleure amie Silvia.

Quelle importance la communauté de la classe a-t-elle eue à l’époque, et encore aujourd’hui?

Notre communauté de classe m’a formée, c’est pour cette raison que je suis ici aujourd’hui. C’était une classe formidable, une enseignante formidable – vous, Madame Bau – de ces gens qu’on n’oubliera pas tout au long de sa vie. Je suis très heureuse que nous soyons tous réunis ici aujourd’hui, c’est la preuve que nous étions une véritable communauté de classe.

Si tu devais dire ce qui était important à l’époque: Le bon travail à l’école ou l’amitié, que choisirais-tu?

L’amitié. Mais aussi les efforts dans le travail. Maintenir une amitié demande beaucoup de travail et des efforts.
Je vous souhaite tout le bien, Madame Bau. Bien à vous. Sabine.

John

C’était l’un des plus âgés de ma classe, un jeune homme blond, assez maladroit et nerveux, il rougissait très vite lorsque il se sentait coincé et ce n’était pas rare. John était l’aîné de quatre enfants. Son père était souvent loin et la mère s’est appuyée sur son aîné. John était très responsable et a fait beaucoup d’efforts pour apprendre, mais dans les relations avec les autres il était aussi très tendu, comme généralement dans la vie. Ses efforts de tout bien faire étaient toujours visibles. Il s’est souvent emballé pour faire vite, alors qu’il aurait pu vivre tranquillement. Ce n’était cependant pas prévu dans sa vie.
Je n’ai jamais connu toutes les tâches qui lui incombaient à côté de l’école, mais son inquiétude devait venir de sources réelles, car il était capable d’écouter tranquillement lorsque quelqu’un s’exprimait, il pouvait se retrouver dans les émotions d’un autre, il pouvait donner des conseils et prendre vigoureusement les choses en main.
John avait plusieurs fois échoué à l’école, mais c’était uniquement un accompagnement tranquille et optimiste qui lui manquait, il était trop laissé à lui-même. Chez nous il a fait le diplôme de la Realschule, et lorsque je l’ai vu la dernière fois, il était entré dans la marine.
Lors de la journée du sport, John et ses pairs devaient effectuer une course de 1000 m, ce n’était pas si simple pour tout le monde. Il était parmi les premiers à passer la ligne d’arrivée. Loin en arrière, à l’autre bout de la place, les élèves plus jeunes effectuaient leur course de 500 m. Nous voyions sa sœur Saskia pâle et épuisée et sur le point d’abandonner. Qu’a fait John?
En un temps éclair il a été sur la piste, a porté sa sœur sur les épaules les derniers 200 mètres et a passé la ligne d’arrivée. Là, il s’est effondré, mais il s’est vite relevé.
Il a eu de monstres applaudissements et cela de tous les élèves.
C’était lui, John et nous tous l’aimions beaucoup.
17 ans plus tard, John m’a dit bonjour en me serrant très fort dans ses bras, comme une maman crue perdue depuis longtemps, et il m’a embrassée sur les deux joues en chuchotant: «Je suis tellement content de vous voir! Tellement content!»
Il vient vers moi à la table.

Moi: Comment vas-tu?

John: C’est variable.

Je sais, j’ai souvent pensé à toi.

C’est gentil. J’ai travaillé pendant 5 ans comme plongeur dans la marine, maintenant je suis chez Siegfried au bar.

Que veux-tu faire encore?

Faire des études peut-être.

Et tu es toujours aussi gentil?

Oui, pas tout à fait.

Il faut des muscles pour se défendre contre les brutalités.

Oui, exactement, je suis en train de les excercer. Je me réjouis tellement d’être ici, tous ceux de la classe ont tellement grandi. Je suis tellement content de vous voir. A l’époque, vous aviez réalisé que j’étais un retardataire et vous m’avez doucement soutenu! Merci beaucoup!

Question: Pourquoi es-tu ici aujourd’hui?

John: D’abord je ne voulais pas venir, j’étais hier «au bloc». Heureusement Siegfried et Marc m’ont pris sous les bras et m’ont amené. Je ne suis plus tellement sociable.

Quels sont les facteurs qui t’ont rendu capable aujourd’hui de mener ta vie correctement?

La foi en moi (et en Dieu).

Qu’est-ce qui t’a guidé lorsque tu t’es décidée à prendre le bon chemin?

Est-ce que ça existe le bon chemin? Il n’y a pour moi qu’une voie c’est-à-dire la voie …

Qui t’a donné, ou qu’est-ce qui t’a donné le courage de surmonter les difficultés?

Mes amis, les meilleurs, Siegfried et Marc, ma famille et ma foi, et l’idée que tout était et est bien – même si tout ne tourne pas toujours rond.

Quelle importance la communauté de la classe a-t-elle eue à l’époque, et encore aujourd’hui?

Pour moi il n’y avait pas de meilleure classe terminale. Une équipe! Vous pouvez le confirmer.

Si tu devais dire ce qui était important à l’époque: Le bon travail à l’école ou l’amitié, que choisirais-tu?

Je n’ai pas fait de carrière. Je m’aime moi-même, j’aime ma vie, mes amis et ma famille … Je sais que je m’en sortirai toujours.    •