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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°11, 21 mars 2011  >  Du fromage au dialogue politique en passant par les ponts [Imprimer]

Du fromage au dialogue politique en passant par les ponts

Tout a commencé par une demande du gouvernement népalais adressée à la Suisse en 1948. Ce fut le point de départ d’une longue collaboration, marquée aussi bien par la continuité que par le changement. Cet engagement montre que la coopération au développement s’est elle-même développée au fil du temps.

gn. Jusqu’au milieu du XXe siècle, le Népal était un royaume indépendant et pratiquement inaccessible. Ses élites entretenaient des liens étroits avec l’Inde. Ce sont elles qui ont poussé le gouvernement à solliciter en 1948 les conseils de la Suisse dans le but de stimuler le développement économique du pays. Ces milieux espéraient surtout découvrir de vastes gisements de ressources minières, comme de l’or ou du pétrole, dont l’exploitation générerait rapidement des profits. Mais il n’en fut rien.
En octobre 1950, quatre scientifiques de l’EPFZ se sont rendus au Népal pour entreprendre les premières investigations. A ­l’époque, aucune route praticable en permanence ne desservait le pays, même pas la capitale Katmandou. Et le Népal ne possédait pas encore d’aéroport international. Après une expédition de trois mois, les Suisses sont arrivés dans un pays isolé, arriéré du point de vue de l’Occident et extrêmement pauvre. Alarmés, ils ont inclus dans leur rapport final des propositions concrètes: la construction de ponts et des améliorations dans l’agriculture étaient nécessaires pour aider les populations de montagne.
A ce stade, la Suisse officielle n’avait aucun intérêt à s’engager davantage au Népal. Elle ne disposait d’ailleurs ni des instruments ni des crédits nécessaires pour mener des activités de coopération.
Malgré tout, cette première expédition a jeté les bases d’une collaboration fructueuse qui n’a cessé d’évoluer jusqu’à aujourd’hui.

De la fabrication de fromage à la construction de ponts

En 1952, l’agronome suisse Werner Schulthess est arrivé au Népal, mandaté par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Il a lancé la transformation des excédents de lait en fromage à pâte dure, créant ainsi une source de revenus pour les paysans népalais. Des fromagers suisses ont été envoyés sur place.
Ce premier projet fut rapidement suivi de beaucoup d’autres. Pour fabriquer du fromage, il fallait améliorer la production laitière des vaches et des yaks. La construction et l’entretien des fromageries nécessitaient un savoir-faire technique. Un atelier d’apprentissage a donc été ouvert en 1957. Ces activités étaient menées par l’Aide suisse aux régions extra-européennes (aujourd’hui Helvetas), à laquelle la Confédération a versé en 1956 une première subvention de 50 000 francs.
Au cours des années 60, la Suisse a élargi ses activités dans la formation professionnelle, la gestion des forêts et des pâturages, ainsi que la construction de routes et de ponts. Elle a fourni une aide d’urgence aux Tibétains qui s’étaient réfugiés au Népal après le soulèvement de 1959. Cette intervention a débouché sur un projet d’intégration des plus efficaces: les tapis tissés par les réfugiés ont compté pendant un certain temps parmi les principaux produits d’exportation du Népal.

Promotion de l’autonomie

Durant la phase initiale de la coopération, la Suisse s’est engagée dans des domaines qui lui étaient familiers. La première expédition au Népal, en 1950, reposait déjà sur l’argument suivant: pays enclavé, montagneux et agricole, la Suisse présentait des simili­tudes avec le royaume himalayen et était donc prédestinée à lui venir en aide. Pour rechercher des solutions, elle a logiquement puisé dans ce qu’elle connaissait le mieux. Le cas du fromage, un produit qui n’avait au départ aucun débouché au Népal, illustre bien cette démarche. Avec l’aide de professionnels – par périodes, plus de 100 experts suisses étaient à l’œuvre sur place –, on s’est efforcé de mettre au point des solutions «modèles» dans des régions et des domaines précis.
La mise en pratique ne s’est pas toujours déroulée comme prévu. Cependant, même les pionniers de la coopération ont misé sur la promotion de l’autonomie à long terme, une approche appliquée avec le concours de la population locale. Ils se concentraient alors sur l’assistance technique, prenant soin de ne pas se mêler des problèmes politiques et sociaux.

Pas de retrait malgré les tensions

Composée d’une multitude de groupes ethniques, la société népalaise reste, aujourd’hui encore, dominée par un système de castes très rigide. Longtemps, la coopération suisse n’a guère pris en considération ce contexte socioculturel. A l’époque, on pensait que les structures sociales allaient s’adapter d’elles-mêmes aux nouvelles conditions créées par le progrès technique. Résultat: dans bien des cas, les minorités ethniques et les membres des castes inférieures ne profitaient guère des projets de développement ou en étaient carrément exclus. En matière de formation professionnelle, la Suisse a par exemple soutenu un cursus de qualité, auquel n’avaient accès que les étudiants possédant certaines qualifications préalables. Cette filière est donc demeurée réservée aux jeunes des castes citadines aisées. Or, ceux-ci considéraient la formation professionnelle technique uniquement comme un passage obligé dans leur carrière. Dès lors, le programme n’a jamais produit l’effet de ruissellement vers le bas (trickle down) que l’on en avait escompté. On a réalisé plus tard à quel point il était important d’inclure le contexte social dans la coopération. Cette prise de conscience a eu lieu lorsque les tensions sociales se sont peu à peu exacerbées pour déboucher, à la fin des années 90, sur de violents combats entre les rebelles maoïstes et les troupes gouvernementales.
Contrairement à de nombreux autres donateurs, la DDC n’a pas suspendu son aide malgré les dangers inhérents à cette situation, mais a réorienté ses programmes. Elle a élaboré une approche «sensible aux conflits»: depuis lors, chaque projet fait l’objet d’un examen destiné à déterminer son impact sur le contexte politique actuel; on veille en particulier à ce qu’il ne jette pas de l’huile sur le feu, selon le principe «ne pas nuire». De plus, les interventions suisses visent à promouvoir en particulier les membres des castes inférieures, les minorités ethniques et les femmes.

L’efficacité d’un petit donateur

Après la chute de la monarchie, la Suisse est également intervenue au niveau diplomatique, afin de contribuer à la résolution du conflit et à la promotion de la paix. «Aujourd’hui, notre engagement se fonde sur le constat suivant: le développement n’est possible que si la paix règne et, à l’inverse, le développement est indispensable pour qu’une paix durable puisse s’installer», explique Thomas Gass, ambassadeur de Suisse et directeur résident de la DDC à Katmandou.C’est grâce au travail de terrain déployé dans les années 50 que la coopération, initialement basée sur des idées importées de Suisse, a pu évoluer et s’adapter aux réalités népalaises. Aujourd’hui encore, les expériences et les résultats de projets servent à alimenter le dialogue politique et les programmes nationaux.Bien qu’elle soit un petit donateur, la Suisse obtient ainsi des résultats notables, comme l’illustre son programme de ponts suspendus: c’est parce que la DDC a soutenu d’emblée la formation et le perfectionnement d’ouvriers, d’ingénieurs et d’administrateurs que le Népal possède aujourd’hui les professionnels et le savoir-faire nécessaires pour construire lui-même 200 ponts suspendus par an. Actuellement, la Suisse participe au développement de ce programme en cofinançant un fonds avec d’autres donateurs et en fournissant des conseils techniques au gouvernement.     •

Source: Le magazine de la DDC. Un seul monde no 1/mars 2011

Au-delà de l’aide: la Suisse est engagée depuis 50 ans dans la lutte contre la pauvreté

Le monde est en rupture. Par son combat contre la pauvreté, son engagement en matière de santé, de formation et pour une utilisation plus adéquate des ressources naturelles, la coopération suisse au développement promeut un changement positif – et ceci depuis cinquante ans. Dans le cadre de son jubilé, la Direction du développement et de la coopération DDC présentera ses défis actuels et les résultats de son travail par l’intermédiaire d’actions menées dans toute la Suisse. Mercredi, le directeur de la DDC Martin Dahinden a présenté aux représentants des médias un bilan ainsi que le programme du jubilé.
L’augmentation de l’aide publique au développement (pour atteindre 0,5% du revenu national brut d’ici à 2011) par le Parlement est une expression de la confiance placée dans la coopération suisse au développement. «En ayant des moyens supplémentaires, la DDC pourra participer de manière encore plus efficace à la résolution de problèmes locaux et mondiaux», a souligné le directeur de la DDC Martin Dahinden lors de la conférence de presse. Outre des contributions bilatérales, l’engagement sera renforcé en matière de protection du climat et d’approvisionnement en eau potable. Compte tenu de la diminution des ressources utilisables, les projets dans ces domaines revêtent en effet une importance particulière pour améliorer les perspectives de vie dans les pays pauvres.
La Suisse soutient depuis un demi-siècle les efforts individuels des pays pauvres pour maîtriser les problèmes de pauvreté et de développement. Sous le slogan: «50 ans de la DDC – au-delà de l’aide» se dérouleront jusqu’à fin 2011 dans toute la Suisse des discussions, des conférences, des cycles de films et des animations de rue en lien avec la coopération suisse au développement.
Ce slogan fait référence au fait que la coopération au développement représente bien davantage qu’une assistance à des êtres humains et des pays en détresse: il s’agit en fait d’une contribution à la résolution de problèmes locaux et mondiaux, dont les retombées nous concernent tous.
L’engagement de la DDC se fonde sur la tradition humanitaire de la Suisse. L’exposition «L’autre côté du monde – histoires de la Suisse humanitaire», qui sera inaugurée le 10 mars au Forum politique de la Confédération (Käfigturm, Berne) et qui sera ensuite présentée dans d’autres villes de Suisse, permet de plonger plus profondément au cœur de cette tradition. L’exposition audiovisuelle itinérante de l’Association humem raconte, sous forme de films documentaires interactifs, l’histoire humanitaire de la Suisse. Grâce à cette exposition, «la Suisse va pouvoir découvrir tout un pan de ce qu’elle a réalisé depuis un demi-siècle dans le monde en dehors du domaine économique. Elle va pouvoir découvrir un pan de son identité», a souligné le réalisateur Frédéric Gonseth, président de humem, lors de la conférence de presse.

Communiqué de presse du DDC du 9/3/11