Informations complémentaires à propos de l’engagement militaire en LibyeIl ne faut pas mettre à mal le droit internationalhd. Des lecteurs allemands de «Zeit-Fragen» vivant en Suisse nous ont priés à plusieurs reprises de donner davantage la parole aux voix allemandes sur l’abstention de l’Allemagne à l’ONU. En Suisse, depuis 2 ans environ, les grands journaux de RFA ne sont disponibles que dans les grandes villes, de même d’ailleurs que les journaux romands. Tous les autres kiosques sont «asséchés» et ne vendent quasiment plus qu’une presse de caniveau pléthorique. Ceux qui veulent des informations de fond doivent se rendre à l’aéroport. C’est regrettable. Le 24 mars, l’Association internationale des légistes contre l’armement nucléaire (IALANA) a communiqué ce qui suit:
«Il est extrêmement douteux que la Résolution 1973 du Conseil de sécurité soit compatible avec la Charte des Nations Unies qui donne son feu vert à une intervention militaire. Il faut rappeler tout d’abord que les rapports de l’ONU avec tel ou tel Etat membre ainsi que ceux entre Etats sont déterminés par l’interdiction de l’usage de la force conformément aux articles 2-1 et 2-3 de la Charte. Des mesures coercitives aux termes du chapitre VII, en particulier leur forme la plus grave, c’est-à-dire les sanctions militaires selon l’article 42, présupposent l’«existence d’une menace contre la paix». (art. 39) La Résolution du 17 mars, le Conseil de sécurité a adopté la formulation suivante: «Constatant que la situation en Jamahiriya arabe libyenne reste une menace pour la paix et la sécurité internationales …». Source: «Kampfhandlungen gegen Libyen sofort einstellen …», communiqué de presse du 24/3/11, www.ialana.de Le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle a adopté le 18 mars 2011 la position suivante:
«Ces derniers jours nous avons pesé, dans de nombreuses conversations avec plusieurs organismes nationaux et internationaux, les avantages et les risques possibles d’une action militaire envers la Libye. Aucune intervention ne peut être que ‹chirurgicale›. Chaque opération militaire entraînera forcément des victimes civiles. Cela, nous le savons malheureusement par douloureuse expérience. Lorsque nous considérons la façon dont nous nous conduisons à l’échelle internationale, comment, où et si nous participons, nous devons également tenir compte, dans ce cas de décision, de la considération humanitaire, du fait qu’il y aura des victimes, aussi des victimes civiles. Je le sais pour en avoir souvent discuté à propos de l’Irak ou de la mission en Afghanistan. Je me permets donc de vous prier de vous rappeler que nous devons tirer des leçons de l’histoire, ainsi que des actions militaires récentes lorsque nous sommes confrontés à des décisions à prendre. Source: Déclaration officielle du ministre des Affaires étrangères Guido Westerwelle, député, «Zur aktuellen Entwicklung in Libyen (UN-Resolution)» du 18/3/11, www.bundesregierung.de Le président de l’Eglise évangélique d’Allemagne (EKD), Nikolaus Schneider, a répondu le 4 avril 2011 à la question des intervieweurs que, «depuis la rupture des tabous lors de l’intervention au Kosovo, l’on négocie semble-t-il de moins en moins jusqu’au bout du raisonnement et qu’on recourt de plus en plus vite aux bombardiers». Et il s’est exprimé de la façon suivante:
«Cela contient un noyau de vérité et je suis aussi très critique, en l’occurence à l’égard de la Libye. Je suis très incertain que les attaques aériennes aient vraiment été ‹l’ultima ratio› à adopter. […] C’est pourquoi je ne tape pas maintenant sur le gouvernement. J’ai de la compréhension pour leur position en plein dilemme. […] Source: «Präses Schneider über Libyen…» du 4/4/11, www.derwesten.de Le professeur de droit public Reinhard Merkel a justifié très soigneusement son Non, en tant que représentant du droit public, et il a écrit le 22 mars 2011 dans la «Frankfurter Allgemeine Zeitung»:
«La Résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU du 17 mars, qui a ouvert le chemin à une intervention militaire en Libye, et la dimension et le but de l’intervention même, dépassent les limites du droit. Non seulement les limites des normes positives – cela arrive souvent en droit international et appartient en fait au moteur de son développement. Mais aussi les limites de ses fondements: les principes sur lesquels repose tout droit entre les Etats. La décision du gouvernement fédéral de ne pas approuver la Résolution était juste. La critique indignée qui s’en est ensuivie est aussi imprévoyante qu’imprudente que la décision du Conseil de sécurité et la sorte d’intervention elle-même: à courte-vue par rapport au non-respect de la réalité des conditions essentielles de la situation en Libye, imprudente quant aux conséquences de cette guerre sur l’ordre des normes dans le monde.» Le but de renverser un tyran et d’aider les insurgés à le faire est du point de vue du droit international inadmissible:
«Les raisons n’en sont pas seulement celles du droit international positif, même si on les y trouve en grand nombre, par exemple dans l’article 3 du deuxième protocole additif des Conventions de Genève de 1977 ou dans le jugement de la Cour internationale dans le cas litigieux ‹Nicaragua contre USA› de 1986. Ces normes postulent la stricte interdiction d’une intervention militaire dans une guerre civile sur territoire étranger. Qui le veut, peut fermer les yeux devant la nonchalance des Etats puissants dans le maniement du droit international. Mais en tant qu’ordre du droit, l’ordre entre les Etats est plus que le ‹modus vivendi› d’une politique de force non réglementée.» C’est pourquoi Merkel en tire la conclusion qu’un but, qui ne peut pas être atteint ou pas d’une manière acceptable du point de vue politique ne peut pas être pris comme légitimation pour une intervention militaire, et rappelle le cas de la guerre d’Irak, qui était – à son sens – aussi douteux que le cas de la Libye actuellement:
«L’interventionnisme démocratique, propagé en 2003, lorsque l’existence des armes de destruction massive irakiennes s’est avérée un mensonge, est maintenant ressuscité sous forme de masque euphémique en obligation d’aide guerrière à une lutte d’indépendance, et cela est politiquement, éthiquement et du point de vue du droit international un échec comparable à une naissance malformée.» Merkel pose aussi la question fondamentale de savoir si l’on a le droit de mener une guerre pour la protection de la population civile d’un Etat étranger en attaquant cet Etat et il répond:
«Oui, dans des cas extrêmes c’est permis – si c’est seulement de cette manière qu’un génocide ou un crime systématique contre l’humanité peut être empêché, comme le décrit l’article 7 du statut de la Cour pénale internationale. Le développement du droit international des deux dernières décennies l’a précisé. On se dispute aussi pour déterminer si une telle intervention peut également être légitime sans mandat du Conseil de sécurité. Mais en ce qui concerne l’actuelle intervention, cette question est sans importance.» Concernant la Libye, il poursuit à l’égard de ces critères:
«Que Kadhafi n’ait pas commencé ou eu l’intention de commettre un génocide, cela est évident. Un génocide suppose, avec tous les méfaits et crimes s’y rapportant, la destruction ou la volonté de détruire ‹un groupe national, raciste, religieux ou ethnique en tant que tel›. Rien ne parle dans le sens qu’un tel motif insensé ait été l’intention évidente de Kadhafi de mettre fin – par n’importe quelle brutalité – à une insurrection.» Merkel s’occupe de la question de savoir si les troupes de Kadhafi ont commis systématiquement des crimes contre l’humanité, ou s’il fallait les craindre à tout moment:
«La réponse est non, dans les deux cas. Il est nécessaire de ne pas se laisser brouiller la vue par des phrases trompeuses. Celui qui – dans une indignation peut-être justifiée en matière de brutalité militaire – qualifie cette dernière de ‹génocide› ou de ‹crime contre l’humanité›, manifeste une affinité avec une image originelle (les massacres des Nazis). Il doit alors réfléchir à ce que cela veut dire: la mainmise sur les normes fondamentales de l’ordre mondial. Car de tels crimes permettent la guerre, qui est le troisième fléau de l’humanité et sa désolante histoire.» Il en voit la conséquence suivante:
«Traiter les attributions avec une telle insouciance, comme l’ont fait les gouvernements des intervenants, de nombreux média occidentaux et malheureusement aussi la résolution du Conseil de sécurité, revient à porter atteinte à la norme fondamentale du droit international, et par là-même à l’interdiction de la violence entre les Etats.» Merkel ne minimise pas les agissements du régime de Kadhafi, mais rappelle les critères du droit international:
«Selon les critères qui prévalent maintenant aussi dans le droit international, le régime despotique de Kadhafi n’a jamais été légitime à l’intérieur, face à sa propre population. Il faut toutefois faire la différence quant à sa légitimité vers l’extérieur, face aux autres Etats de la communauté internationale. Et cette légitimité est assurément incontestable – la fonction efficace, internationalement reconnue, d’un détenteur du pouvoir qui agit au nom de son pays, qui conclut des traités, qui représente son pays en tant que membre des Nations Unies, et qui exerce encore d’autres rôles. Ce n’est qu’au moment où un régime ne respecte pas les obligations fondamentales de tout Etat donnant la légitimité à son ordre contraignant, que ce régime perd cette légitimité extérieure face à la communauté des nations, soit dès le moment où il dédaigne ces obligations et les renverse en leur contraire: c’est-à-dire l’anéantissement systématique de sa propre population, ou de majeures parties de cette population, que cela est considéré comme un crime selon le droit international.» Ce n’est qu’alors qu’un pays pourrait devenir la cible légitime d’une intervention humanitaire, selon Merkel. Cependant, celui qui combat par des moyens militaires des rebelles armés ne commet, pour cette seule raison, aucunement un crime selon le droit international:
«Les victimes collatérales parmi les civils, inévitablement causées dans les ‹bastions de rebelles› communaux, n’y changent rien. Aussi amer cela puisse-t-il être, on déplorera tôt après les victimes collatérales des forces intervenantes, qui démontreront sous nos yeux une évidence tout aussi insupportable et en nombre tout aussi élevé.» C’est pourquoi Merkel met en garde contre toute atteinte portée contre les fondements du droit international:
«L’intervention des alliés, aussi justifiée puisse être leur intention de protéger, repose sur des bases normatives fragiles. Le manque de but politique de cette entreprise est le moindre mal dans tout cela. Il s’agit de bien plus que la solution pragmatique d’un seul conflit: il est question de la garantie d’interdiction de la violence, et de son maintien dans des limites raisonnables comme principe de base de l’ordre mondial. La guerre repoussera ces limites plus loin, dans le cadre du politiquement disponible à disposition du pouvoir. Aussi justifiées que soient les intentions humanitaires: elles ne couvriront pas les dommages et les dégâts apportés aux fondements du droit international.» Reinhard Merkel enseigne le droit pénal et la philosophie du droit à l’Université de Hambourg. * * * (Source: «Berliner Tagesspiegel» du 23/3/11) (Traduction Horizons et débats) Retrait des navires de guerre allemandshd. Selon les propos du ministre allemand de la Défense, Thomas de Maizière, le 23 mars 2011 au Parlement allemand, l’Allemagne a retiré ses navires de la région maritime le matin du 23 mars 2011. Le 22 mars, un porte-parole du ministère de la Défense avait déjà déclaré à la Deutsche Presseagentur (dpa) que deux frégates et deux bateaux de la marine fédérale qui se trouvaient dans la Méditerranée, avec en tout 550 soldats à bord, seraient remis sous commandement national. Le porte-parole est cité comme suit: |