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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2016  >  No 12, 30 mai 2016  >  La tragédie grecque, prochain acte [Imprimer]

La tragédie grecque, prochain acte

Torture dénuée de sens

par René Zeyer

hd. Le 22 mai, le Parlement grec a adopté un ensemble de lois de plus de 7000 pages avec les voix majoritaires des partis gouvernementaux. Ainsi, les exigences des autres gouvernements de l’UE ont été satisfaites. Ils avaient demandé des mesures radicales comme condition pour de nouveaux crédits. L’ensemble de lois contient des restrictions financières supplémentaires pour tous les Grecs, d'autres mesures pour le bradage du patrimoine national et encore davantage de perte de souveraineté.
La tragédie classique grecque suit une structure stable, sert à une catharsis et doit avoir une fin. Son but est d’amener un changement d’opinion radical chez le spectateur. La version moderne sous le titre «Sauvetage de la Grèce» ne suit ni cet ensemble de règles – ni aucune autre disposition.
Les dernières six années, des aides financières d’un total de 360 milliards d’euros ont été promis dont 241 milliards ont été versés. S’ajoute une restructuration de la dette de plus que 100 milliards d’euros qui, à la diligence de la Chancelière allemande, n’affecta que les commanditaires privés contre leur volonté. C’est à la dernière minute que le Parlement grec a, dans la nuit du lundi, approuvé les réformes et économies requises y compris la dixième réduction des rentes depuis 2010.
Durant toutes ces années, aucune amélioration fondamentale de la situation économique de ce pays en crise ne s’est faite sentir. Les dettes de l’Etat central, des provinces et des communes ainsi que de la sécurité sociale s’élevaient en 2015 à un montant estimé à 316 milliards d’euros, sans intérêts et amortissements. Pour 2016, on attend une autre baisse du PIB, donc le total de la production économique, à 170 milliards d’euros. L’année prochaine le total des dettes de l’Etat central à elles seules, atteindront 200% du PIB, un nouveau record.

Une orientation à court terme

Plus de 80% de toutes les aides financières ont été utilisés pour l’effacement d’anciennes dettes, pour la restructuration des banques, les paiements d’intérêts et les amortissements. Le taux de chômage se maintient à plus de 25%, pour les jeunes âgées de 15 à 24 ans, il est de 51,9%. On n’observe aucun investissement avec valeur ajoutée. Il manque la confiance des investisseurs et des marchés financiers. En même temps, il y a un exode d’entrepreneurs, de chercheurs et de personnel qualifié. Celui qui en a la possibilité quitte le pays, celui qui reste a perdu tout espoir d’un avenir meilleur.
Dès 2023, la Grèce devrait commencer à rembourser les emprunts différés jusque là. Cela serait possible suite à l’expansion économique promise depuis six ans, dont aucun signe n’est visible actuellement. Ce pronostic osé a été émis avant l’afflux des réfugiés et les charges supplémentaires qui en résultent. Tous ces faits, bien qu’incomplets, ont quelque chose en commun: ils font référence à un développement vers l’impossible.
Celui qui a vécu au-dessus de ses moyens, doit un certain temps se serrer la ceinture, dépenser moins, consommer moins, épargner, rembourser ses dettes, alors tout ira mieux et cela sera à nouveau bien pour lui. C’était jusqu’à présent l’avis des eurocrates. Via la Troïka et d’autres instances, nullement légitimées démocratiquement, l’UE impose à la Grèce des «réformes» et des «mesures d’austérité» l’une après l’autre et se plaint régulièrement d’une exécution trop lente. Alors que le gouvernement grec se voit confronté à des vagues de protestations et de grèves générales et craint à juste titre que l’Etat, en tant que puissance publique, perde le contrôle dans son pays.
L’action gouvernementale de l’UE est, cependant, axée uniquement sur des objectifs à court terme. En aucun cas de nouvelles charges doivent être infligées aux contribuables, en particuliers à l’égard du créancier principal qu’est l’Allemagne. Surtout pas de nouvelle crise grecque avant le scrutin britannique sur le Brexit en juin, la prochaine tranche de paiement est due qu’en juillet. Surtout pas de nouvelle décote, car l’Espagne, l’Italie et la France sont tout autant endettés. Surtout ne pas avouer que jusqu’à présent la politique a été un fiasco. C’est pourquoi le Sommet européen des ministres des Finances ne laisse entrevoir rien d’autre que des «allègements de la dette». Mais ce qui était valable au début de la crise, l’est encore aujourd’hui: seul une décote massive et la sortie immédiate de l’euro, avec ou sans banqueroute d’Etat, offrent une chance pour relancer l’économie grecque. Même le Fonds monétaire international, ayant jusqu’à présent soutenu les mesures de sauvetage avec des sommes assez restreintes, exige entre temps un allégement massif de la dette et semble sinon décidé à refuser tout autre plan de sauvetage.
Une fois de plus, l’Allemagne se trouve isolée et insiste sur la continuation d’une politique de sauvetage manifestement ratée. Tout est possible, sauf la restructuration de la dette. N’oublions pas que c’est l’Allemagne qui, en 2012, suite à l’initiative de la Chancelière fédérale Angela Merkel, était responsable du péché originel dans la débâcle grecque: un allégement de la dette imposé à des créanciers privés. Des banques allemandes en ont également été fortement touchées.

En dépit du bon sens

Les entreprises qui ont été nationalisées lors de la première crise financière, ont fait payer leurs pertes aux contribuables allemands. Par pur instinct de survie, Mme Merkel ne veut pas répéter cela. Elle va donc échouer et – ce qui est pire – aussi la Grèce. Après six années de souffrances indicibles pour de larges pans de la population précarisée et appauvrie, toute une génération d’adolescents est sans perspectives et la Grèce va plus mal qu’en 2010. Cela n’a plus rien à faire avec une politique gouvernementale responsable. C’est une torture criminelle dénuée de sens. C’est une tragédie; les responsables et les acteurs au sein de l’UE se trouvent dans l’impasse, la catastrophe qui se dessine ne peut être évitée.
Mais ils ne sont pas des «coupables innocents», ils ont agi avec préméditation, en dépit du bon sens. Et les spectateurs grecs ne frissonnent pas dans cette pièce sur scène, ils sont eux-mêmes sacrifiés.    •

Source: Basler Zeitung du 12/5/16

(Traduction Horizons et débats)

Sauvetage d’instituts financiers

La «Neue Zürcher Zeitung» a présenté le 9 mai une étude de l’European School of Management and Technology (ESMT). Celle-ci arrive à la conclusion, que «la plus grande partie des fonds de sauvetage mis à disposition par l’Union européenne ou par leur nouvelles institutions ainsi que par le Fonds monétaire international (FMI) […] a été utilisée pour le remboursement de dettes publiques (86,9 milliards d’euros) et pour le paiement d’intérêts non-payés (52,3 milliards d’euros). D’autres postes étaient la recapitalisation de banques grecques, majoritairement étatiques, et la mise à disposition ‹d’incitations appropriées› pour la restructuration de la dette ayant eu lieu en 2012 (29,7 milliards d’euros). […] En clair, cela veut dire, […] que l’argent donné à Athènes a servi prioritairement à sauver des banques européennes.»