Faire résonner l’orchestre européenaz. Comment peut-on faire résonner l’orchestre européen? C’est la question centrale qui polarise les citoyens de toute l’Europe et qui, il y a plus de cinquante ans, les préoccupait déjà. Des voix s’élèvent, exigeant de nouvelles mesures politiques en faveur des Etats-Unis d’Europe. Ils affirment que c’est la seule possibilité pour stabiliser l’UE. Le président Hollande a abordé une fois de plus, lors de sa rencontre avec la chancelière allemande Angela Merkel, le sujet d’une politique économique et budgétaire commune. Le ministre italien des Finances Pier Carlo Padoan, ancien économiste en chef de l’OCDE, exige la même chose. Du siège de Bruxelles nous parviennent les mêmes exigences. Le président américain Obama s’est également exprimé dans ce sens. La question des réfugiés va également être réglée de manière centralisée. Et la Suisse, comment fonctionne-t-elle? Les relations entre la Suisse et l’UE se fondent aujourd’hui sur deux piliers.Premièrement, l’important Accord de libre-échange de 1972 (entre les pays de l’AELE et de l’ancienne CE) qui fut adopté par le peuple suisse par 71% des voix et par tous les cantons. Au cours des années suivantes, une multitude d’accords complémentaires, petits et grands furent conclus. Près de 200 de ces accords sont mentionnés – notamment pour le secteur des services. Deuxièmement, les Accords bilatéraux I et II des années 1999 et 2004.L’Accord de libre-échange de 1972 est un accord économique facilitant l’échange des biens (principalement des biens industriels) et des prestations de services. L’agriculture n’a délibérément pas été inclue. Les Accords bilatéraux I et II, en revanche, comprennent de nombreux éléments problématiques, tels que la libre circulation des personnes, le trafic de transit, l’ouverture des frontières (Schengen), le système d’asile (Dublin). Tous ces éléments lient, sur le plan politique, la Suisse à l’UE et donnent à ces accords une autre qualité, plus problématique, que les anciens: «Les accord (bilatéraux) avec l’UE ont été négociés sous l’hypothèse implicite que la Suisse, dans un proche avenir, deviendrait membre de l’UE, ce qui explique, qu’on ne s’est guère préoccupé des possibilités de participation active.» (Franz Blankart, ancien secrétaire d’Etat, chef négociateur de la Suisse auprès de l’EEE, dans la NZZ am Sonntag du 25/10/09) Il n’est donc pas étonnant que l’UE tente aujourd’hui d’imposer un accord-cadre à la Suisse, suite auquel celle-ci devrait, à l’avenir, reprendre tous les actes législatifs de l’UE – sans que le peuple ait droit au chapitre. Faire à nouveau résonner l’orchestre européenLe 5 septembre 1969 – au préalable de l’accord de libre-échange entre la Suisse et la CE – le ministre Weitnauer, délégué aux accords commerciaux, rassembla les ambassadeurs autour du thème «Possibilités et limites de l’intégration économique». Dans un vaste discours politique, il se demanda, quelles étaient les prérequis pour former un Etat commun en Europe. Il conclut que la plupart de ces conditions n’étaient pas remplies. La politique et l’économie devaient rester séparées pour pouvoir faire résonner l’orchestre européen (ce qui a par la suite été introduit dans l’Accord de libre-échange de 1972). Cet exposé se trouve sur www.dodis.ch/30861. Jean Monnet/conception étatsunienneDans la brochure, la politique européenne des Etats-Unis, que le ministre Weitnauer appela «Jean Monnet/conception étatsunienne», est parfaitement bien illustrée. Les Etats-Unis se montrèrent fortement opposés à la libre coopération des Etats européens souverains dans le domaine économique – ce que soutenaient le Conseil fédéral suisse et le ministre allemand de l’Economie de l’époque Ludwig Erhard – et plaidèrent pour la formation d’une union politique supranationale. Les Etats-Unis demandèrent même la dissolution de l’AELE en tant que association libre et suggérèrent à la Suisse d’adhérer à la CEE. Le président de la Confédération Wahlen commenta ce fait après la visite du sous-secrétaire d’Etat américain George Ball de la manière suivante: «Les Etats-Unis soutiennent l’objectif de la CEE et aspire à créer les Etats-Unis d’Europe. Ceux qui refusent d’accepter cet objectif ne peuvent pas compter sur la sympathie de Washington.» (www.dodis.ch/15113, 30116, 30279, 30358, 30835 et d’autres) Werner Wüthrich. Das Europäische Orchester wieder zum Klingen bringen. Die Geschichte der Europäischen Union aus Schweizer Sicht, Bergen 2014. |