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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°30, 28 juillet 2008  >  Conférence de la Méditerranée [Imprimer]

Conférence de la Méditerranée

Le Congrès s’amuse, les peuples paient

fg. Après que la chancelière Merkel eut repoussé avec vigueur le plan du président Sarkozy intitulé Union méditerranéenne, le nom plus modeste d’Union pour la Méditerranée (UPM) a été choisi. On s’est limité à des thèmes concrets des domaines relatifs à l’environnement et au climat. L’invitation de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement trahissait cependant l’intention de l’hôte de parvenir à un résultat plus ambitieux.
En fait, il s’agissait d’établir la paix entre plusieurs pays du Proche et Moyen-Orient afin d’isoler l’Iran. La mise en scène qui a entouré l’arrivée simultanée du président de l’autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et du premier ministre israélien, Ehud Olmert, dans la cour de l’Elysée a donné au plan un aspect théâtral. On a assisté à la rencontre d’un président, représentant du Fatah, en lieu et place de son premier ministre représentant du Hamas démocratiquement élu, mais déposé par son président, et d’un premier ministre israélien qui – comme une bonne partie de son peuple – a tendance à confondre sécurité et paix. Il est évident qu’il ne peut rien en résulter.
La déclaration du ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner, selon laquelle la Conférence n’avait échoué qu’au tout dernier moment et sur un seul mot – le mot «national» – est une plaisanterie de mauvais aloi. Lors des conférences anté­rieures tenues les 5 et 6 novembre 2007 à Lisbonne et le 27 novembre 2007 à Annapolis, on a envisagé comme d’habitude deux Etats, un israélien et un palestinien. Pendant la première conférence, il était question, à propos de l’Etat israélien, d’Etat «national», pendant la seconde, d’Etat tout court. Alors que les Israéliens étaient partisans du terme «national», les Palestiniens ne pouvaient pas l’accepter, car il aurait empêché le retour des Palestiniens exilés. Cette controverse était, mise à part celle du statut de Jérusalem, le principal obstacle à la conclusion d’un traité de paix.
Un autre but principal de la conférence était probablement de rompre l’alliance stratégique entre la Syrie et l’Iran, afin d’isoler ce dernier. A cette fin, il fallait améliorer les relations entre la Syrie et Israël ainsi qu’entre la Syrie et les forces pro-occidentales du Liban. Un traité de paix entre Israël et la Syrie devait donc être conclu, ce qui implique toutefois qu’Israël rende à la Syrie les hauteurs du Golan occupées par l’Etat hébreux depuis la guerre de 1967. Comme Israël tire cependant son eau potable des hauteurs du Golan et que 18 000 colons israéliens s’y sont établis, la restitution à la Syrie ne sera pas une mince affaire.
En échange, l’Occident a exigé que la Syrie affiche davantage de retenue au Liban, notamment en cessant de soutenir les milices chiites du Hezbollah. A Paris, il a été convenu finalement de rouvrir les ambassades du Liban à Damas et de Syrie à Beyrouth. La date de ces réouvertures devrait pourtant dépendre de la mesure dans laquelle les problèmes susmentionnés auront été résolus.
Il reste à attendre si la Syrie n’a pas pris trop de risques et rendu impossible la poursuite de son alliance avec Téhéran. Quoi qu’il en soit, il en résulte une certaine distanciation entre Damas et Téhéran, qui renforce l’isolement de l’Iran et accroît le risque d’une guerre des Etats-Unis et d’Israël ­contre ce pays.
Tous les «efforts de paix» et changements d’alliance accomplis par la Conférence pour la Méditerranée traduisent combien l’attitude de la France envers les Etats-Unis s’est modifiée – pour ne pas dire: renversée – depuis le début de l’occupation de l’Irak. Après ­Merkel, Sarkozy est devenu le principal représentant de Bush en Europe.     •