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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°19, 17 mai 2010  >  Israël veut expulser des Palestiniens de Cisjordanie [Imprimer]

Israël veut expulser des Palestiniens de Cisjordanie

L’information a été publiée en premier par le quotidien «Haaretz» et confirmée entre-temps par l’armée: Le 13 avril est entré en vigueur un nouveau règlement qui permet aux autorités militaires israéliennes d’expulser des dizaines de milliers de Palestiniens de Cisjordanie occupée. Ce décret mili­taire touche les Palestiniens qui – selon les Israéliens – vivent illégalement en Cisjordanie. Pour donner suite à ces nouvelles inquié­tantes qui concernent les Palestiniens de Cisjordanie, je me suis entretenu avec notre correspondante au Moyen-Orient Iren Meier.

Radio DRS: Combien de Palestiniens cela concerne-t-il ?

Iren Meier: On ne peut que faire une estimation. Des organisations palestiniennes des droits de l’homme parlent de 10 000 à 20 000 personnes provenant à l’origine de la Bande de Gaza et qui possèdent donc des cartes d’identités gazaouïes. De plus, environ 30 000 personnes qui vivent en Cisjordanie sans aucun document ou qui n’ont pas pu s’en procurer. C’est souvent très difficile, voir impossible sous l’occupation israélienne. Ensuite, de nombreux Palestiniens ou Palestiniennes qui ont un passeport étranger, mais qui veulent vivre avec leur mari palestinien ou leur femme palestinienne en Cisjordanie. Et puis, il y a des Palestiniens qui ont perdu leur autorisation d’établissement, ou à qui elle a été retirée pendant un séjour à l’étranger. Il s’agit donc certainement de quelques dizaines de milliers de personnes qu’Israël déclare à présent clandestins dans leur propre pays.

Et parmi ceux-là, le grand groupe que vous avez mentionné en premier: les Palestiniens ayant des racines à Gaza. Pourquoi cela?

Je pense que c’est une stratégie politique. On continue ainsi à isoler la Bande de Gaza. Israël la considère comme un Etat ou une entité distincte qui n’a rien à voir avec la Cisjordanie occupée. Les Palestiniens sont par conséquent séparés. On ne fait pas que séparer les Palestiniens des trois régions de Jérusalem Est, de Cisjordanie et de la Bande de Gaza. Cette mesure désavoue l’OLP, l’institution qui parle pour tous les Palestiniens. Les accords passés entre Israël et l’OLP: les Accords d’Oslo, les Conventions de Genève sont violés, ce qui signifie que c’est en même temps une attaque directe contre le Président et chef de l’OLP Mahmoud Abbas, et cela mine sans doute aussi la solution à deux Etats.

Il est prévisible que ce serait la Jordanie qui devrait, lors d’une déportation massive, recueillir la plupart de ces Palestiniens. Qu’est-ce qui se cache derrière cette stratégie israélienne?

Officiellement, l’armée israélienne déclare que la plupart de ces illégaux ou intrus, comme ils sont aussi appelés, sont entrés en Cisjordanie par la Jordanie et qu’ils y seraient aussi expulsés. La Jordanie est un pays voisin dont plus de la moitié de la population est déjà constituée de réfugiés palestiniens, depuis l’époque de 1948 à 1967. En Israël on trouve par ailleurs un assez grand nombre de politiciens et surtout de nombreux colons qui refusent aux Palestiniens le droit à leur terre et qui prétendent qu’ils viennent initialement de Jordanie et qu’ils devraient y retourner. C’est donc cela qui se cache là-derrière, et dans les commentaires des journaux arabes récents, on déclare qu’Israël veut tester le roi de Jordanie afin de savoir jusqu’où ça peut aller.

Mais face à la Jordanie, Israël a démenti la crainte que cela débouche sur  une déportation de masse. Si ce n’est pas le cas, que vise réellement Israël par cette action?

Oui, cela n’aboutira certainement pas demain ni après-demain à des expulsions collectives, des transferts ou des déportations, ou quel que soit le nom que l’on y donne. Mais ça va changer quelque chose de fondamental. Jusqu’à présent, les tribunaux civils israéliens ont empêché – ont pu empêcher – de telles expulsions massives, mais maintenant tout est en main de la justice militaire. C’est quelque chose de totalement différent. Je pense qu’il faut voir ce nouveau règlement, ou même tout ça dans son contexte et il faut y ajouter la politique gouvernementale. Le Premier ministre Netanyahou et en particulier son ministre des Af­faires étrangères Liebermann ne veulent pas d’un Etat palestinien. Jusqu’ici, leur action gouvernementale l’a montré très clairement. Mais ils veulent préserver Israël en tant qu’Etat juif, et s’il n’y a pas de solution à deux Etats, il y n’y aura à long terme – car l’occupation ne peut pas durer éternellement – plus qu’un seul Etat. Mais, selon toutes les prévisions démogra­phiques, les Arabes, les Palestiniens auront la majo­rité et les Juifs seront en minorité. Et il faut voir toutes ces idées ou plans de déportation de Palestiniens sous cet angle.     •

Source: Radio DRS, Echo der Zeit du 12/4/10
(Traduction Horizons et débats)