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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°39, 3 octobre 2011  >  «N’introduire en aucun cas le plan de sauvetage prévu!» [Imprimer]

«N’introduire en aucun cas le plan de sauvetage prévu!»

Errements et embrouilles autour de l’euro

par Hansjörg Häfele*

Même les adversaires de l’introduction de l’euro n’auraient pu imaginer qu’une décennie plus tard déjà, l’état des pays de l’euro soit marqué plus par la confusion que par la confiance en un avenir financier stable.

Au début il y avait l’idée très audacieuse qu’on allait, avec une monnaie commune, mettre les divers Etats et peuples européens dans le même sac et les souder dans une communauté de bien-être, d’une force qui jouerait en première classe dans le concert des nations du monde.
Bien entendu, l’euro a engendré des avantages. Il favorise avant tout le commerce européen et les voyageurs qui se rendent dans d’autres Etats européens. L’euro a aussi eu un effet stabilisateur dans la crise financière et bancaire partie des USA.
Cependant, la monnaie européenne souffrait d’une malformation congénitale: sans la résistance de la France (Mitterrand) contre la réunification allemande, l’euro n’aurait pas vu le jour aussi vite. Le chancelier fédéral Kohl, de toute façon de tendance idéaliste proeuropéen, céda à cette coercition parce que pour lui, la réalisation rapide de la réunification de l’Allemagne avait la priorité. On facilita l’abandon en séduisant le peuple avec des prévisions selon lesquelles presque tout irait mieux en Europe. Cependant, on ne consulta pas le peuple, ce qu’il aurait été possible de faire. De toute façon, il fallait modifier notre loi fondamentale pour le traité européen de Maastricht de 1992. On aurait exceptionnellement pu organiser un vote populaire sur le réaménagement fondamental de notre droit monétaire et l’ancrer dans la loi fondamentale. L’introduction de l’euro se fit sans l’approbation du peuple – à la différence par exemple de la France.

Le pacte de stabilité

Des politiciens au regard prospectif se rendirent cependant compte que dans l’histoire, il n’y a guère d’exemple d’un système monétaire durable sans Etat commun. C’est la raison pour laquelle des prescriptions pour la stabilité du ménage furent édictées par le traité de Maastricht et par le pacte de stabilité. Ils prévoyaient de limiter le nouvel endettement et l’état des dettes des Etats lors de nouvelles admissions et sur la durée. A la base il y avait la clause qu’aucun Etat n’était responsable des dettes d’un autre – «No bail-out».
Il ne fallait pas inciter les Etats aux finances faibles d’être «tirés d’affaire» par des plus solides ou des moins faibles. Ce fut une faute aux conséquences nombreuses de la mésalliance entre l’Allemagne (gouvernement Schröder) et la France lorsqu’en 2003, elles «suspendirent» simplement le pacte de stabilité, parce qu’elles étaient simplement trop faibles pour imposer les mesures d’économies nécessaires.
Depuis lors, la marche vers l’Etat endetté s’accélère. De même, lors de l’admission de nouveaux Etats (par exemple la Grèce) on ne tint pas compte de l’état contraire à la stabilité des candidats. La communauté des endettés grossissait gaiement, tout en promettant, bien entendu, de faire mieux à l’avenir. Chacun pointait du doigt un autre qui faisait encore pire.

Eclatement de la crise en 2010

Advint ce qui devait advenir. Les Etats de l’euro qui vivaient le pire au-dessus de leurs moyens, ne trouvaient des prêteurs qu’en leur payant des intérêts de plus en plus élevés.
Ils avaient fait croire à leurs électeurs que l’Etat était compétent pour presque tout et que la corne d’abondance sociale solutionnait les problèmes. Depuis l’éclatement de la crise grecque en 2010, nous voyons les bricoleurs européens au travail, – sans solutions durables qui inspirent confiance. Avec des constructions juridiques osées, on inverse l’interdiction claire du «Bail-out».

Une politique de sauvetage ratée

L’Allemagne a été prise à contre-pied par la crise des dettes publiques des Etats de l’euro. Elle s’est laissée prendre de plus en plus dans des constructions artificielles, dans des «plans de sauvetage», qui profitaient moins aux Etats qu’aux prestataires de crédits, aux banques et aux assurances qui avaient bénéficié des intérêts élevés.
Pour répondre à cette situation, dans l’intérêt de l’Allemagne et de l’Europe, la politique allemande aurait dû demeurer solide comme le granit et défendre en droit et en politique le point de vue suivant: nous sommes fidèles au pacte – aucun Etat ne tire de là un autre qui est surendetté et qui ne se tient pas aux règles du traité. C’était cela la base contractuelle décisive du traité de Maastricht. Au lieu des banques agissant dans leurs propres intérêts et de la horde grandissante des «Européens professionnels», Goethe aurait été un meilleur conseiller: «Nous sommes libres de choisir la première chose, la deuxième fait de nous des domestiques». La Grèce aurait naturellement dû se déclarer alors en faillite. Elle aurait dû demander à ses créanciers une remise de dette – en proportion de probablement au moins 50%. Ainsi la participation des créanciers atteindrait à présent le niveau désiré.
La Grèce aurait dû quitter la communauté européenne pour devenir concurrentielle et intéressante pour des implantations industrielles internationales grâce des coûts plus bas. En raison des dérapages abyssaux, il n’y eut évidemment pas de solution confortable, mais au moins une fin de l’horreur au lieu de la pénible horreur sans fin. Il est probable qu’aujourd’hui aussi, il ne reste finalement que cette solution – après qu’on a claqué des milliards en «plans de sauvetage».
Peut-être que les accords de la conférence au sommet du 23 juillet 2011 engendreront une pause pour respirer, mais ils ne solutionnent pas les problèmes de base. Au contraire: la socialisation des dettes est augmentée jusqu’à devenir une communauté des responsabilités. Finalement, la tentation, que de faire des dettes est payant, s’accroît, les responsabilités nationales sont vidées de leur substance, la centralisation est renforcée, les créanciers privés s’en tirent à bon compte et obtiennent de nouvelles garanties – de plus le tout est tellement compliqué et mystérieusement imbriqué que la méfiance reste un état durable.
A part ça, une question inquiète: pourquoi une personnalité devrait-elle encore concourir pour un mandat au parlement allemand lorsque la souveraineté financière est abandonnée à des managers de plans de sauvetage grassement payés, qui n’ont pas à se justifier devant le peuple et qui dégradent les représentants du peuple à de simples «béni oui-oui»?

Vérités partielles de la politique de sauvetage

On nous fait souvent gober des vérités partielles dans le débat sur l’euro. Il n’est ainsi pas fondé de prétendre que nous les Allemands – et cela affaiblit la position de négociation allemande – sommes les principaux bénéficiaires de l’euro.
Du temps du Deutsche Mark, l’Allemagne était en fait déjà la championne du monde des exportations. L’accroissement de nos exportations pour surmonter la crise économique de 2009 se déroula majoritairement dans des pays hors zone euro et il est dû à la performance digne d’admiration de nos entreprises et de leurs collaborateurs. La liberté à l’intérieur de tous les 27 pays d’Europe est considérable, que ce soit dans la zone euro (17 pays) ou non. Ceux qui profitent avant tout de l’euro sont les pays qui, malgré leur politique de la dette purent longtemps payer des intérêts débiteurs considérablement inférieurs qu’avant leur appartenance à la zone euro. Durant de années, ils ont, à quelques détails près, claqué ce «bénéfice» en commodités «sociales» et ont continué à bidouiller leurs dettes.

Seul un pacte de stabilité conséquent sera de quelque secours

Au lieu de tituber d’un sommet de la crise à l’autre et d’un plan de sauvetage à l’autre et ce faisant, la banque centrale européenne comprise, de présenter l’image destructrice de confiance de désorientation de la politique d’ordre, d’impuissance, de bavardage et de myopie – trop de cuisiniers gâtent la sauce – l’Europe de l’euro a besoin au fond avant tout d’une mesure pour le futur: le droit du pacte de stabilité doit être rétabli, renforcé et appliqué dans toute sa rigueur. Celui qui ne veut pas cela peut ou doit quitter l’union monétaire de l’euro. Cette solution ne s’obtient évidemment pas sans désavantages et rejets. Une politique irresponsable de la dette de plusieurs années et une opération fondamentale renvoyée durant une année et demie sont à l’origine des coûts d’assainissement que le peuple doit – de manière malheureusement inévitable – supporter.

L’Europe des patries

Il y a des efforts, exprimés ou dissimulés, pour utiliser la crise comme opportunité pour le grand saut dans l’Etat fédéral européen. Ce serait une nouvelle illusion grave et c’est au mieux de la musique d’avenir. L’essence de l’Europe c’est la diversité, pas l’uniformité et le centralisme. Rien que l’appareil européen existant avec ses compétences opaques, est suffisamment rebutant et s’éloigne de plus en plus du peuple. La démocratie et le peuple vont ensemble. Il n’y a pas un peuple européen, mais au contraire des peuples européens. De Gaulle, le Français féru d’histoire, parlait à raison de «l’Europe des patries». Autant l’érosion rampante de la responsabilité individuelle des citoyens dans l’Etat-providence surfait est une évolution négative inquiétante, autant la suppression de la souveraineté financière nationale serait un mal total et une nouvelle diminution de la responsabilité propre des peuples.
Ce qui importe, c’est que chaque Etat soit responsable de ses finances. Celui qui ne respecte pas les règles du jeu, doit mettre lui-même de l’ordre dans ses affaires et, dans un cas extrême, quitter l’union monétaire – il peut rester dans l’UE des 27.

Le rôle de l’Allemagne

Ce sont précisément des politiciens allemands qui manifestent fréquemment un zèle proeuropéen. Tout en souhaitant l’intégration de l’Europe, nous devrions nous comporter de façon normale comme d’autres et préserver nos intérêts allemands bien compris au sein de la communauté européenne. Nous Allemands, en nous basant sur l’expérience de l’histoire, nous sommes pour nous et pour l’Europe les défenseurs de la stabilité monétaire.
Un retour de l’effondrement de la monnaie et une nouvelle inflation seraient dévastateurs et particulièrement plus asociaux que tout ce dont on discute par ailleurs. Nous ne devrions pas non plus traiter de «populiste» ceux qui, en accord avec de larges parties de notre peuple, s’engagent en faveur de nos intérêts raisonnables. La ligne directrice allemande devrait être:
•    Un nouveau pacte de stabilité strict pour tous les pays de l’euro!
•    N’introduire en aucun cas, après tous ces plans de sauvetage de misère, le plan de sauvetage durable planifié! Ce serait une nouvelle constitution allemande qui serait en contradiction avec toutes les promesses du traité de Maastricht. Sans un vote populaire correspondant, la politique perdrait totalement sa légitimité et cela renforcerait encore le dépit du peuple envers l’Europe.
•    Faire avancer encore plus énergiquement le propre amortissement de la dette et ne plus distribuer de nouveaux délices soi-disant sociaux!
Plus il y aura des Etats européens qui suivent cette ligne directrice – plus la crise souveraine de l’euro aura quand-même produit encore quelque chose de bon.

Renoncer à la confusion actuelle qui consiste à faire des dettes

Après mon départ de la politique en 1990, rien ne m’a autant indisposé que l’abandon du Deutsche Mark et les péchés des Etats de l’euro. Marqué par Ludwig Erhard et son aversion contre tout ce qui est artificiel, semblable au «constructivisme», j’ai été durant un quart de siècle un représentant du peuple, tout en étant, en tant que porte-parole de politique financière de l’opposition CDU/CSU et comme secrétaire d’Etat du ministre fédéral des finances Stoltenberg (1982–1989), du côté de la stabilité monétaire, de l’évitement de la dette et d’un droit fiscal favorable à la performance et à l’investissement. Je serais ravi si le miracle réussissait de réaliser malgré tout, par une concentration stricte sur des pays solides de la zone euro, une monnaie européenne inspirant durablement la confiance. Cela pourrait aider à contribuer à inaugurer dans le monde entier une nouvelle époque qui renoncerait à la confusion actuelle qui consiste à faire des dettes.    •
(Traduction Horizons et débats)

*Hansjörg Häfele, avocat, né en 1932, député CDU/CSU au Bundestag (1965–1990), secrétaire d’Etat parlementaire auprès du ministre des Finances Gerhard Stoltenberg (1982–1989)

L'extension du «plan de sauvtage de l'euror» (EFSF) a provoqué des voix critiques lors de l'audition par la commission budgétaire du Bundestag allemand

L’extension du «plan de sauvetage de l’euro» (EFSF) a provoqué des voix critiques lors de l’audition par la commission budgétaire du Bundestag allemand

hd. Le 19 septembre la commission budgétaire du Bundestag auditionna huit experts au sujet de l’extension de la «bouée de sauvetage de l’euro» (EFSF =European Financial Stability Facility) sur laquelle devra porter la votation du Bundestag du 29 septembre. Les experts avaient été désignés par les partis et les ministères concernés. Néanmoins on put aussi entendre lors de cette audition quelques voix provenant de l’économie de marché, qui invitaient à la prudence. Les prises de position peuvent toutes être consultées sur le site Internet du Bundestag allemand. (www.bundestag.de/bundestag/ausschuesse17/a08/anhoerungen/Aenderung_des_StabMechG_Drs_17_6916/Stellung­nahmen/index.html ).

Clemens Fuest, membre du conseil scientifique auprès du ministère fédéral des finances:

«Il existe un danger que les moyens accrus du EFSF ne soient pas utilisés pour appuyer la moyenne des dettes ou pour la résolution de problèmes passagers de liquidités, mais pour le soutien durable d’Etats surendettés et par là pour la constitution d’une union de transfert et d’endettement durable, dans laquelle quelques Etats membres se débarrassent des surcoûts d’endettement souverain sur la communauté et l’endettement général de l’Etat continue de croître. […]
Sauf tout le respect de l’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE), le Bundestag devrait demander au gouvernement fédéral de faire en sorte que la BCE se concentre sur les tâches de la politique monétaire et renonce aux mesures qui suscitent dans le public l’impression que la BCE finance des déficits budgétaires de l’Etat ou des déficits des bilans de performance de quelques Etats membres. En même temps, par un management efficace de la crise de la dette, la politique financière de l’Europe a le devoir de créer les conditions d’une politique monétaire concentrée sur la stabilité des prix.
Il faut saluer la participation accrue du Bundestag aux décisions sur les mesures d’urgence. Pour empêcher que cette participation tombe finalement à plat en raison des contraintes inhérentes aux mesures de sauvetage, il est nécessaire que la politique allemande s’engage de façon renforcée pour des réformes de la réglementation du marché financier et bancaire avec le but de parvenir à un secteur financier nettement plus robuste. Ce n’est que lorsque le système bancaire sera assez robuste pour absorber en cas de nécessité également des insolvabilités d’Etat, que le chantage de la politique lors de turbulences du marché financier et de crises d’endettement des Etats pourra être évité.»

Jens Weidmann, président de la banque fédérale allemande:

«Les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro et des organes de l’UE ont décidé le 21 juillet 2011 […] d’agrandir nettement la boîte à instruments du EFSF (et du futur MES) […].
Ces décisions constituent un nouveau grand pas en direction d’une responsabilité communautaire et d’une discipline amoindrie par les marchés des capitaux, sans que par contre on renforce sensiblement les possibilités de contrôle et d’influence sur les politiques financières nationales. Ce qui est particulièrement grave, c’est que les nouvelles conditions de crédit abaissent nettement l’invite, pour les pays avec un programme d’aide, à retrouver aussi vite que possible des budgets publics solides par des réformes financières et économiques, est nettement abaissée. […]
Les changements (de l’union monétaire) proposés contiennent dans leur forme concrète […] le danger que le cadre institutionnel décidé soit constamment affaibli et perde de sa consistance: la politique financière continue d’être fixée par des parlements démocratiquement légitimés sur le plan national. Mais les risques et les charges qui en résultent sont surtout supportés, dans une mesure accrue, par les pays aux finances fortes, sans qu’il y ait pour y répondre de vastes possibilités d’intervention ou que des invites suffisantes pour des finances d’Etat solides soient données. Une politique financière commune ou une union politique avec des compétences démocratiquement légitimées au niveau central, contre les politiques budgétaires nationales, n’apparaît pas sur le plan politique. Si aucun changement fondamental de régime, avec une obligation étendue de la souveraineté fiscale – ce qui exigerait une modification des accords de l’UE et de la loi fondamentale – n’est entrepris, il sera décisif non pas de dénoyauter, mais au contraire de renforcer l’exonération de la responsabilité prescrite par contrat et les mesures disciplinaires collatérales contre les politiques financières nationales au moyen des marchés des capitaux.»