Aucune planification dans la crise des réfugiés?par Hermann Ploppa*La prétendue «crise» des réfugiés est une catastrophe humanitaire sans égal dans l’histoire de l’humanité. Soixante millions de personnes ont été chassées de leur milieu naturel. La plupart d’entre elles végètent dans des immenses camps de tentes sans nourriture suffisante et vêtements appropriés. Souvent, ils végètent jusqu’à la fin de leur vie dans ces camps, sans liberté alors même qu’ils n’ont jamais commis un délit quelconque. Environ deux millions de ces personnes déracinées ont suffisamment de force, d’argent et de relations vers l’extérieur pour tenter l’asile dans d’autres pays. Chaque jour cette armée de déracinés croît du nombre incroyable de 43'000 personnes. Leur nombre s’est quadruplé depuis 2010. Et cette croissance n’a rien perdu de son essor. La classe politique européenne sans idéesPremièrement, la classe politique européenne n’a pas l’ombre d’une idée comment réagir à cet exode. Certains pays mettent en place des murs, d’autres laissent passer en pleine anarchie ces flux de réfugiés en direction du nord. Quant à l’Allemagne, elle s’est paralysée du fait d’une absence totale de plan migratoire. Ne peuvent entrer dans ce pays de cocagne que celles et ceux qui demandent l’asile et peuvent donc prouver qu’ils sont poursuivis pour une raison ou une autre. Cela signifie que, dans la mesure où la loi est appliquée strictement, seul un petit nombre peut en profiter. Copiant la fameuse «greencard» américaine, l’Allemagne tente d’attirer des gens fort bien formés dans leur pays d’origine, pour lesquels un autre pays, appartenant généralement au Tiers-Monde, a financé leur formation; l’économie allemande espère donc pouvoir en tirer tout le profit gratuitement. Dans ce contexte, le ministère des Affaires étrangères se contente de préciser que «l’Allemagne n’est pas un pays d’immigration classique qui, comme les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie fixent des quotas d’immigration annuels.» Cependant, la politique, les médias et surtout l’économie réagissent à l’afflux migratoire très exactement comme s’il y avait un droit à l’immigration en Allemagne: on lance une litanie comme quoi la population allemande vieillirait dans les prochaines décennies et que, donc, les générations à venir ne pourraient plus financer le système des retraites et que de ce fait l’Allemagne pouvait accueillir sans difficulté quelques millions de réfugiés sur son marché de travail. Et soudain, on découvre tout à coup des logements vides, on pourrait aussi faire revivre les régions désertées en Allemagne de l’Est, comme cela avait été le cas lors de la venue des Huguenots. C’est ce qu’on semble découvrir soudainement. Une Allemagne sans culture sociale performante du consensusDes millions d’êtres humains traumatisés, venant de cultures étrangères avec des us et coutumes totalement différents peuvent-ils réellement remplir sans problème les lacunes de la structure démographique allemande? Les spécialistes émettent quelques doutes. Mais peut-être qu’on pourrait surmonter cet obstacle – si l’Allemagne possédait encore une culture sociale opérante du consensus et des rouages bien adaptés les uns aux autres. Donc une Allemagne des années 60 et 70. Mais entretemps, la société a subi des changements considérables – pas toujours à son avantage. La politique de Schröder de l’Agenda 2010, la ruine systématique du budget de l’Etat, le retrait de la politique de toute conception proactive de la société, la paralysie des structures de droit public et des coopératives: tous ces facteurs font en sorte que cet immense travail exigé pour l’intégration de millions de réfugiés n’a guère de chance de réussir. La solidarité harmonieuse des divers groupes de la société a été remplacée par une lutte sans merci pour des ressources s’amenuisant. L’extension impitoyable de la commercialisation du radicalisme de marché existant a poussé des millions de travailleurs dans un isolement prononcé. Les médias ont engendré un énorme potentiel de violenceLes dépossédés et exploités du prolétariat des services en Allemagne pourraient bientôt réagir de la même façon. Les médias y ont bien contribué – consciemment ou inconsciemment, cela reste à voir – en formant depuis de longues années, des jeunes gens ayant consommé virtuellement, par la télévision, le film et les jeux vidéo («Egoshooter»), plus de 36'000 meurtres jusqu’à leurs dix-huit ans. Heureusement qu’on trouve encore de temps en temps quelques heures d’instruction sociale dans les écoles, sinon on aurait l’impression, suite aux modèles du monde virtuel transposés dans le monde réel, que la société industrialisée moderne est régie uniquement par la logique de l’âge de pierre. Des provocations cibléesL’isolement croissant des gens provoque, face aux menaces réelles, des réactions qui se rapprochent de troubles de la personnalité paranoïaque. Le danger est d’autant plus grand et fait l’effet d’une goutte d’huile sur le feu lorsque des réfugiés de guerre traumatisés rencontrent des citoyens déstabilisés. Il s’agit de provocations ciblées lorsqu’on prétend que tous les réfugiés sont des abuseurs, des voleurs à l’étalage notoires, des violeurs ou qu’ils font «d’une manière ou d’une autre» partie de l’Etat islamique (EI). Il ne faut pourtant pas oublier que 99% des victimes de la violence de l’EI sont des musulmans. Mais pour les exploitants du site Internet «Politically Incorrect», il semble clair que les Allemands vont prochainement devoir affronter la terreur de l’EI. Ils pronostiquent pour fin 2016 le scénario suivant: Le rôle des «anti-allemands»Mais on ne mobilise pas seulement à droite. Le milieu de la gauche classique a été infiltré depuis environ 15 ans par des forces mystérieuses qui se déclarent «antiallemandes». La gauche traditionnelle a été mise au ban par une équipe fort raffinée et professionnelle des anti-allemands, qui s’en prennent maintenant avec force aux prétendus «conspirationnistes» et aux «populistes de droite». Sont ainsi désignées les personnes qui ont l’audace de critiquer la politique du gouvernement américain ou le gouvernement Netanyahu en Israël. Une des cibles est, par exemple, l’historien suisse Daniele Ganser qui a osé confronter les affirmations officielles du gouvernement Bush concernant les dessous de l’attaque du 11 septembre 2001 avec d’autres tentatives d’explications. Stratégie du choc: des expropriateurs défendant le radicalisme du marché à l’œuvreLe motif de la délégitimation, du déni du droit individuel à l’intégrité et à la dignité, apparaît le plus souvent lors de l’usurpation soudaine des acquis de groupes de la population ou de nations entières. Les musulmans dans leur ensemble sont soupçonnés d’office de participer au terrorisme de l’EI, bien qu’ils soient eux-mêmes dans la plupart des cas les victimes de cette entité islamiste. Les habitants de la RDA étaient aussi collectivement soupçonnés d’avoir été des agents de la Stasi. Sous le choc de cette médisance totalement erronée, les banques occidentales se sont appropriées les entreprises du peuple. La population suisse est tenue responsable du comportement amoral des grandes banques suisses, afin de pouvoir, à longue échéance, s’emparer de l’immense fortune coopérative des Suisses. Un plan Marshall, pour reconstruire les pays détruitsRien n’est plus urgent qu’une planification à long terme. Nous sommes condamnés à développer un tel plan, si nous ne voulons pas nous enfoncer dans la lutte des cultures préconisée par Samuel Huntington. Une telle planification pourrait avoir la forme suivante (en ayant en main une proposition, il est au moins possible de discuter sur quelque chose!): Dans une première étape, il faut adopter des lois défendant l’exportation d’armements. Là, la balle est dans le camp du gouvernement allemand, car l’Allemagne est le quatrième exportateur d’armes au monde. Dans une deuxième étape, les auteurs des destructions doivent être mis face à leurs responsabilités (dommages-intérêts), à l’instar de l’industrie du tabac dans les années 90 du siècle passé. Puis ces paiements de réparations seront versés sur un compte fiduciaire de la International Development Bank (le pendant du FMI pour les Etats du BRICS). Avec cet argent, il faut financer un plan Marshall pour la reconstruction des pays détruits. Partant de l’idée que la grande majorité des réfugiés seraient heureux de pouvoir un jour rentrer dans leur pays chauds, les pays d’hôte sont tenus de les former de manière sensée pour qu’ils puissent à leur retour participer de manière efficace à la reconstruction de leur patrie. Finalement, le gouvernement fédéral doit faire ses devoirs et mettre en route une législation pour régler l’immigration. Ainsi, on pourrait formuler de manière transparente et honnête, face aux nouveaux concitoyens futurs, les critères nécessaires pour l’obtention du passeport allemand si convoité. Il est évident, qu’une fois ou l’autre le bateau sera plein. Si l’Allemagne et ses voisins d’Europe centrale veulent garantir à longue échéance une vie en dignité à leurs habitants, ils ne doivent pas les soumettre à une lutte darwiniste pour la survie. La chancelière fédérale Merkel sait très bien pourquoi elle avait refusé en 2011 de participer à l’attaque contraire au droit international contre la Libye. Elle savait que la démolition de l’ordre étatique de ce pays allait empêcher toutes possibilités de traiter les flux de réfugiés aux frontières de l’Europe de manière coordonnée. Pourquoi Madame Merkel laisse-t-elle maintenant entrer les réfugiés dans son pays sans aucun contrôle? Quelles sont les pressions exercées sur elle, pour qu’elle agisse ainsi, à l’encontre de la bonne foi? • * Hermann Ploppa, journaliste et écrivain, vit à Marbourg. Il a écrit les deux livres suivants: Les réfugiés en Europe – des solutions constructives s’imposentkm. En ce moment, l’Europe semble être préoccupée par la seule question de savoir comment gérer les millions de migrants de provenance d’autres continents qui se dirigent vers l’Europe. La question a des dimensions humaines, mais aussi juridiques, économiques et politiques.
Ici, il ne s’agit pas de formuler des hypothèses sur d’éventuels arrière-plans politiques liés au fait que des millions de personnes affluent vers l’Europe. Ce n’est pas prioritaire. Les résultats comptent mais n’arrivent pas automatiquement. C’est aux citoyens d’en décider en dernière instance, s’ils le veulent et si on leur donne l’opportunité. |