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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°5, 4 février 2013  >  L’UE en 2013: en faillite économique, elle se mue en dictature politique [Imprimer]

L’UE en 2013: en faillite économique, elle se mue en dictature politique

par Karl Müller

Voici les chiffres officiels: fin 2008, le déficit total de tous les Etats de l’UE a atteint 7,8 billions, fin 2009: 8,9 billions, fin 2010: 9,6 billions et fin 2011: 10,3 billions d’euros. Cela correspond à un pourcentage du produit intérieur brut (PIB) total de tous les Etats de l’UE, en 2008: 62,5%, en 2009: 74,8%, en 2010: 80,0% et en 2011: 82,5%. Pour les 17 Etats de la zone euro, les chiffres sont encore pires. (A titre d’exemple: le quotient des dettes publiques – c’est-à-dire le pourcentage des dettes publiques comparées au PIB – de la Suisse se montait à fin 2011 à 52%, alors qu’une année auparavant, elle était encore de 55% et qu’en 2012 elle a continuer à baisser à 51%).
Seul l’avenir dira qui doit rembourser ces sommes colossales et comment cela pourra se faire. Les plans dits de sauvetage («aide à la Grèce», FESF, MES, crédits ciblés, achats d’emprunts par la BCE etc.) sont destinés à faire croire aux citoyens des Etats de l’UE qu’on peut résoudre le problème de la dette par une redistribution entre les Etats «riches» et les Etats «pauvres» au sein de l’UE. Mais si on y regarde de plus près, tous ces plans de sauvetage ne conduisent précisément pas à une redistribution entre Etats, mais à une redistribution entre tous les Etats, au détriment des contribuables et au profit d’un cercle choisi du grand capital.
L’espoir que quelques pays, parmi lesquels avant tout l’Allemagne, seraient seuls capables de se charger de tout ça, est une pure illusion. Au sein de l’UE, 20% de toutes les dettes publiques reviennent à l’Allemagne seule, en 2011 c’étaient 2,1 billions d’euros que la République fédérale, les Länder et les communes devaient à des bailleurs de fonds quelconques. La vérité, c’est qu’en Allemagne les capitaux en mains privées atteignent à peu près le double. Et s’il s’agissait de procéder vraiment et honnêtement à un nouveau départ, il serait peut-être même possible d’amortir les dettes, avec l’aide des citoyens, là où c’est sensé et juste. En effet, les citoyens sont toujours prêts à contribuer au bien commun. Mais de nos jours, chacun sait que dans ces actions de redistribution planifiées, il ne s’agit pas du bien commun. Il n’est pas possible de faire admettre qu’il faut donner encore plus d’argent à ceux qui en ont déjà à profusion.
C’est probablement la raison pour laquelle ni l’UE, ni les élites actuellement au pouvoir dans les Etats de l’UE, ne misent sur la liberté et la raison – parce qu’elles savent à l’évidence que l’homme qui raisonne librement voit clair dans le double jeu – mais sur le mensonge et la contrainte. On nous raconte la fable de l’«harmonisation», la «rationalisation», la «centralisation», indispensables au sein de l’UE. Tout ceci est sensé être indispensable dans le monde globalisé du XXIe siècle, dans lequel les Etats nationaux souverains, par la multiplicité de leurs moyens propres, ne se seraient pas seulement dépassés, mais qu’ils perturberaient tout simplement la solution des problèmes de l’humanité. C’est ce qu’en substance Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, a dit le 10 janvier à Dublin. Et on oblige les citoyens
–    à renoncer à une prévoyance publique correspondant à la dignité humaine – par un assèchement des finances publiques des entités communales,
–    à renoncer à un salaire juste et à une participation à la création de valeur – par une idéologie de la «concurrence entre les sites économiques» (cf. Horizons et débats no 1/2 du 14/1/13),
–    à renoncer à la liberté selon la dignité humaine au droit et à la démocratie – en passant par une UE qui s’attribue de plus en plus de compétences et au sujet de laquelle même le Tribunal constitutionnel suprême allemand a jugé qu’il y avait là, tout à fait manifestement, un «déficit démocratique».
Le principe que les Etats de l’UE sont les «maîtres des traités» est toujours valable. Les Etats de l’UE pourraient toujours modifier les traités européens, ils pourraient même dissoudre l’Union européenne s’ils le voulaient, et renvoyer les fonctionnaires de toutes les institutions européennes et tous les commissaires etc. à la maison. La dictature de l’UE peut encore être empêchée, dans le cadre des normes juridiques en vigueur.
Mais ça aussi, on essaie de le changer à présent. Le 5 décembre 2012, le président du Conseil européen Herman van Rompuy a présenté un document («Towards a genuine economic and monetary Union»), selon lequel – à son goût – les éléments constitutifs de la souveraineté nationale devraient être démantelés. Il en va ainsi du droit du budget subsistant surtout dans les droits souverains de Parlements encore partiellement en fonction.
«L’UE veut mettre à profit la crise actuelle pour réformer le parlementarisme européen. Il est possible que les Parlements nationaux servent aux Etats, pour l’UE, ils sont plutôt agaçants. C’est la raison pour laquelle la Commission européenne veut qu’à l’avenir toutes les décisions budgétaires importantes ne soient plus prises par les Etats, mais par le Parlement européen.» C’est ce que les «Deutsche Wirtschafts Nachrichten» ont écrit le 7 décembre 2012. On y lit encore: «A l’avenir, l’UE aimerait avoir un mot important à dire quand ils s’agit des budgets nationaux. En particulier, van Rompuy aimerait décider quels sont les Etats qui doivent procéder à des réformes. La Commission européenne prévoit donc que chaque Etat doit signer un accord contraignant par lequel il s’oblige à certaines prescriptions. Mais van Rompuy ne voudrait pas démanteler tout à fait les Parlements nationaux tout seul: ils devraient accepter leur dissolution en signant formellement un accord d’auto-liquidation. Dans ce sens, les cérémonies béni-oui-oui du MES peuvent être considérées comme un premier galop d’essai couronné de succès. Ici, le Bundestag allemand s’est déjà qualifié pour faire partie de la nouvelle Ligue européenne politico-démocratique.» Exactement comme le Reichstag allemand avec la loi sur les pleins pouvoirs en mars 1933. A l’époque, le Parlement allemand, le Reichstag, a autorisé le gouvernement de Hitler de promulguer des lois sans approbation du Reichstag, et, ce faisant, il a détruit la séparation des pouvoirs. Ensuite, tout est allé très vite: en six années, le nouvel Etat centralisé de Berlin a entraîné le monde dans la guerre. D’abord, on a mis au pas les Länder, une mise au pas exécutée de haut en bas: les Parlements des Länder ont été éliminés, les Länder gouvernés de façon centralisée par des préfets du Reich, les communes par des maires sans Conseil communal. Puis on a rompu de façon continuelle les dispositions du Traité de paix de Versailles. Puis le plan secret quatriennal qui devait préparer à la guerre l’économie allemande. La répétition générale en Espagne, l’attaque aérienne sur Guernica. Munich en 1938. Les conséquences sont connues. Des déroulements qui auraient dû être évités, sur différents points, évidemment aussi par l’étranger. Mais très certainement par l’intérieur: là encore s’est confirmé de façon effrayante ce que les députés bavarois avaient prédit lors du débat mémorable de 1871 (cf. éditorial p. 1sq.). Des grandes formations, des Etats centralisés qui foulent aux pieds une organisation d’Etat fédéraliste, chercheront à soumettre l’Europe entière après avoir asservi leurs propres compatriotes. Puis, le monde.
Le monde n’apprend donc rien du tout? Est-ce que personne n’a le souffle coupé quand de nos jours l’UE se glorifie de remettre en état l’économie grâce au réarmement? Et quand le monstre de Bruxelles pratique depuis 2010 la méthode, prônée par Jean Monnet, de mettre à profit une crise pour continuer à diminuer la souveraineté des Etats nationaux et de faire de nouveaux pas en direction d’une dictature de l’UE?
Mais les dirigeants de l’UE ne veulent pas seulement dicter aux citoyens et aux Etats membres de l’UE ce qu’ils ont à faire. C’est illustré par les réactions actuelles venant de l’UE aux plans du nouveau gouvernement japonais de reconstruire, à l’aide de dépenses d’Etat plus élevés, l’infrastructure exsangue du pays et de relancer ainsi l’économie du pays faiblissante depuis des années. Le ministre allemand de l’économie a réagi par un accès de colère et a maudit les plans de ce pays asiatique. Qu’est-ce que c’est ça? «Le genre allemand guérira le monde», disait-on en Allemagne, quand le pays était gouverné par le Kaiser qui désirait s’étendre impérialement. De nos jours, plus aucun pays n’acceptera que l’UE essaie abusivement de dicter au monde la voie à suivre en matière politique, économique et culturelle. Et c’est bien ainsi.    •

«Pour moi, c’est clair: en Europe, nous sommes allés trop loin. Nous sommes dans une impasse, il n’est pas possible de continuer ainsi. Dans une impasse, il n’y a qu’un moyen de sortir: rebrousser chemin.»

Vaclav Klaus dans la «Neue Zürcher Zeitung» du 24/1/13

«Je ne recherche pas la majorité au sein de l’UE ou de ses structures. C’est une réflexion erronée. Non, je recherche la majorité en Europe. Je ne dis pas cela de manière prétentieuse, mais dans le sens qu’en politique, la majorité de la population doit être mise en valeur. En réalité, il y a aujourd’hui déjà une telle majorité en Europe, mais les gens ont des difficultés à s’organiser. Je répète: une majorité à Bruxelles n’est pas la même chose qu’une majorité au sein des populations.»

Vaclav Klaus dans la «Neue Zürcher Zeitung» du 24/1/13