Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°40, 6 octobre 2008  >  L’Afghanistan: la faute [Imprimer]

L’Afghanistan: la faute


Jean-Paul Bled, professeur des Universités, Président d’honneur du RIF, Paris

Le drame de la vallée de Tagab était malheureusement prévisible. La France paie au prix fort dans la chair de ses soldats les conséquences de son alignement sur les Etats-Unis. Nicolas Sarkozy avait pourtant annoncé, durant le temps de sa campagne électorale, qu’une fois à l’Elysée, il la désengagerait d’Afghanistan. Il avait alors tenu des propos fort sages, expliquant qu’aucune armée étrangère, si puissante fût-elle, ne pouvait gagner ce type de guerre. Il n’a pas fallu longtemps pour vérifier qu’il ne s’agissait que d’une promesse électorale et de propos de circonstance en totale contradiction avec sa volonté d’effacer la politique d’indépendance de la France vis-à-vis de Washington.

Les limites de sa mission en Afghanistan avaient été clairement fixées à l’armée française. Elle devait contrôler Kaboul et participer à la formation de l’armée afghane. Malgré les pressions de George W. Bush, Jacques Chirac s’était refusé à élargir cet engagement. Nicolas Sarkozy ne s’est pas tenu à cette sage politique. Au printemps dernier, il annonçait, à Bucarest, le prochain retour de la France dans l’OTAN. En parallèle, la décision était prise de renforcer le dispositif militaire français en Afghanistan et d’en élargir les missions. Des militaires français prendraient la place d’unités américaines dans certaines zones de combat. C’est exactement ce qui s’est passé dans la zone où dix de nos soldats ont été tués.
Rien n’obligeait pourtant Nicolas Sarkozy à agir de la sorte. L’exemple de plusieurs de nos partenaires européens aurait dû lui enseigner davantage de clairvoyance. Malgré ses liens d’amitié avec le Président américain, Angela Merkel s’en est tenue aux choix de son prédécesseur et a confirmé son refus d’engager les soldats de la Bundeswehr dans les zones de combat avec les talibans. Tout se passe comme si Nicolas Sarkozy voulait être reconnu comme le meilleur élève de la classe atlantiste, le «brillant second» de l’allié américain.
A-t-on remarqué d’ailleurs comme Nicolas Sarkozy joue au clone de George W. Bush? Ce mimétisme qu’il emploie pour justifier sa politique. A Kaboul, il a appelé les soldats français à «continuer le travail» («the job» dit George W. Bush). L’armée française, explique-t-il, est engagée en Afghanistan pour y défendre la «liberté» et la «démocratie». Il reprend à son compte le slogan de la «guerre contre le terrorisme». On croit entendre le président américain face au conflit irakien et maintenant à la guerre en Afghanistan.

Supplétifs

Il faut dans un premier temps que la lumière soit faite sur les conditions dans lesquelles ces dix soldats sont morts. Les témoignages des survivants contredisent la version officielle avancée par le ministre de la Défense dès l’annonce de la nouvelle. Nos soldats ont-ils été aussi victimes d’erreurs de l’aviation américaine? La question mérite d’autant plus d’être posée qu’il y a des précédents. On se rappelle comment des militaires canadiens furent tués par des tirs «amis».
Il faut ensuite qu’un vaste mouvement s’organise pour exiger l’arrêt de cette politique. Déjà, à l’annonce de l’envoi de nouveaux contingents en Afghanistan, une large majorité de l’opinion s’y était déclarée hostile. L’histoire nous apprend que jamais une intervention militaire étrangère n’a été victorieuse en Afghanistan. Les Anglais, puis les Soviétiques en ont fait l’expérience. Faudra-t-il que la liste des cercueils s’allonge pour que le pouvoir se rende à cette évidence?    •

Source: L’Indépendance, no 49/septembre 2008