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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°29, 21 juillet 2008  >  Les produits alimentaires ne sont pas des produits comme les autres [Imprimer]

Les produits alimentaires ne sont pas des produits comme les autres

Tel était le thème du 8e Sommet Bio de ­Zofingue organisé le 21 juin par le Bio­forum Suisse et l’Association pour l’agriculture biodynamique. Dans cette belle ville de ­Zofingue où se tenait également un marché bio, les organisateurs ont une nouvelle fois réussi à ­mettre en lumière une question d’actualité sous différents angles et à en débattre. Le point de départ était que Bio Suisse n’est pas vraiment contre le libre-échange et participe aux négociations alors que l’Union suisse des paysans y est fondamentalement opposée.

md. Quatre intervenants ont nourri le débat et ont encouragé le public à s’exprimer. ­Veronika Bennholdt-Thomsen, ethnologue et sociologue, directrice de l’Institut für Theorie und Praxis der Subsistenz de Bielefeld, a félicité la Suisse pour sa bonne politique agricole. Mais elle a été très choquée lorsqu’elle a appris que notre Conseil fédéral soutenait le libre-échange agricole. Nous devrions absolument en discuter et faire usage de nos droits démocratiques pour l’empêcher. Dans les pays de l’UE, la situation de l’agriculture et des entreprises situées en amont et en aval s’est considérablement détériorée. Le libre-échange n’obéit qu’à un critère, le prix et l’optimisation des bénéfices. Cela a conduit à la suppression progressive des directives concernant l’agriculture biologique. La qualité des aliments se dégrade ainsi que les conditions de travail et les salaires.
Face à la faim dans le monde, le seul moyen de nourrir toute la population est une agriculture paysanne régionale. Celle-ci est également capable de retarder la cata­strophe climatique en entretenant les sols et en maintenant la biodiversité. On pourrait multiplier par 2,5 la production actuelle d’aliments si le secteur agricole ne s’intéressait pas exclusivement au capital et à la mondialisation.
Elle a parlé du congrès mondial Planet Diversity qui a eu lieu du 12 au 16 mai à Bonn. C’est le contre-sommet à la 9e Conférence des Etats signataires à la Convention des Nations Unies sur la biodiversité. Les exi­gences émises lors de ce Congrès contiennent, outre d’autres points importants, l’agriculture sans OGM, le retrait du secteur agricole de l’OMC ainsi que le ravitaillement local par les petits paysans. En se développant, la mondialisation porterait à 2 millions le nombre des personnes souffrant de la faim dans le monde. Pour elle, il y a deux conceptions: pour la première, l’agriculture est un secteur de l’économie comme les autres; selon la seconde, elle sert à nourrir les hommes.
Dans les discussions, l’intervenante demande à ses interlocuteurs de préciser leur position. Il est malhonnête de prétendre que l’on peut concilier les deux conceptions. Le libre-échange et l’écologie sont incompatibles. Les lois du marché se répercutent sur le type de production et de consommation. La notion de «bio» est de plus en plus édulcorée. Plus la distance entre le producteur et le consommateur est grande plus ils deviennent anonymes les uns pour les autres, moins ils se sentent mutuellement obligés. «En s’internationalisant, en se mondialisant, le marché éloigne les humains de façon insoupçonnée.» Les prix bas et l’optimisation des bénéfices sont les deux principes qui réduisent à néant les valeurs suivantes: qualité, exploitations paysannes, prés, pâturages, production alimentaire artisanale, comportement ­éthique envers les animaux, marchés hebdomadaires, bonne vie. Nous avons besoin d’une ­éthique du consommateur et du sens des relations entre les choses.
Selon Regina Fuhrer, présidente de Bio Suisse, cette organisation essaie, dans le cadre de la Communauté d’intérêts pour le secteur agro-alimentaire suisse (CISA), de faire valoir les exigences de Bio Suisse en cas de libre-échange agricole. Bio Suisse n’approuvera le libre-échange que si l’on est assuré de l’absence d’OGM et que l’on ne se voie pas imposer des changements structurels. L’écologie et le bien-être animal doivent être développés. Après l’économie planifiée de l’après-guerre, la politique agricole suisse est passée à davantage de marché, d’écologie et elle a transformé les paysans en entrepreneurs. L’agriculture a un besoin urgent de chaînes locales de transformation et de création de valeur. Sans elle, elle ne pourra pas survivre. La Suisse devrait continuer à définir de façon autonome sa politique agricole.
Dans la discussion qui a suivi, cette présentation pleine de contradictions a été critiquée. Les agriculteurs bio présents se sont nettement opposés à l’attitude favorable au libre-échange de leur association.
Hans Bieri, secrétaire de l’Association suisse industrie et agriculture (SVIL), a évoqué la question centrale de l’économie. Le concept de croissance contraint à créer toujours plus d’argent pour pouvoir investir et faire toujours plus de bénéfices. L’augmentation quantitative nécessite un recours accru aux matières premières et la soumission de nouveaux secteurs à la valorisation des capitaux (alimentation, génie génétique, etc.). Pour des raisons de profit, on néglige les processus biologiques. On pille la nature. Les progrès de la rationalisation dus au partage du travail ne sont plus mis à la disposition de la communauté mais privatisés pour augmenter les profits et ils perdent ainsi leur utilité.
Pour finir, Rudi Berli, secrétaire d’Uniterre, a présenté l’initiative constitutionnelle visant à inscrire la souveraineté alimentaire dans la Constitution. L’article constitutionnel sur l’agriculture est certes déjà formulé de manière exhaustive et judicieuse, mais il est de plus en plus vidé de sa substance par son application. Il s’agit d’une question de société, fondamentale pour l’avenir du pays. Il a critiqué l’assimilation du commerce au marché. Le marché comprend à juste titre la production et les consommateurs. Le commerce n’est qu’un intermédiaire. Le débat sur les prix bas est imposé par le commerce. Aujourd’hui ce sont les entreprises et le commerce qui imposent leurs règles. Un renforcement de la coopération avec les organisations de défense des consommateurs est nécessaire. Ce ne sont pas les entreprises, mais nous autres consommateurs qui devons définir les règles de fonctionnement de l’économie.
La discussion qui a suivi a montré combien les paysans présents étaient inquiets au sujet de la problématique présentée. Ils ne comprennent pas que Bio Suisse n’oppose pas un refus catégorique au libre-échange agricole.
La discussion – très animée – s’est poursuivie au cours d’un délicieux apéritif dans le jardin de l’hôtel de ville.    •

Planète Diversité

Manifeste

1.    Nous, peuples de la Planète Diversité, nous rassemblons pour célébrer la richesse de la diversité biologique et culturelle, qui est notre héritage, et pour affirmer notre engagement à transmettre cet héritage intact aux générations futures.

2.    Nous rejetons le désespoir d‘un monde obnubilé par la consommation, la concurrence et l‘extinction et nous n‘acceptons pas la méfiance, la violence et la peur comme modes de relations aux autres ou à l‘existence d‘autrui.

3.    Nous préférons les échanges locaux et régionaux à la mondialisation; l‘équité et la réciprocité à la domination.

4.    Nous nous situons comme éléments de la nature et non comme maîtres de cette nature.

5.    Nous approuvons la sagesse qui lie la précaution à la recherche de connaissances. Nous voyons que la précaution est nécessaire pour empêcher de nuire à tout ce que nous aimons, qui a pour nous de la valeur, grâce auquel nous pouvons vivre et apprendre et nous savons que celui qui rejette avec arrogance le principe de précaution met en danger le principe même de nos vies.

6.    Nous cherchons à établir un monde, où la nourriture saine et de qualité est accessible à tous.

7.    Nous vouons une admiration sans borne à la beauté et à l‘interdépendance de toute la diversité biologique.

8.    Ainsi donc, au regard de notre espèce, nous estimons particulièrement,

•    les mainteneurs de semences et ceux qui perpétuent les savoirs traditionnels,

•    les semeurs et les moissonneurs de récoltes saines ainsi que les artisans de l‘alimentation et les consommateurs attentifs,

•    les activistes qui demandent des comptes, de la transparence ainsi qu‘une participation au débat public,

•    les artistes et les poètes qui nous appellent à ouvrir nos yeux et notre sensibilité,

•    les artisans de la paix et de la non violence qui nous poussent au respect mutuel et au bien vivre ensemble,

•    les scientifiques qui nous enseignent d‘agir en coopérant avec la nature et entre nous,

•    les spécialistes qui nous rappellent d‘où nous venons,

•    et les prophètes qui nous mettent en garde sur l‘avenir.

9.    Dans le plus grand respect pour eux, nous reconnaissons que nous sommes tous, chacun d‘entre nous, les héritiers chanceux et les ancêtres responsables d‘une maison commune, la Planète Diversité.